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Interview – Simian Ghost

« Bonjour, je m’appelle Sebastian, j’ai quatorze ans. Mon chien s’appelle Mickey ». Le sourire aux lèvres, Sebastian Arnström m’avertit tout de suite ; voici les seuls mots de français dont il se souvient. Lorsque le fondateur de Simian Ghost, one man band devenu trio, arrive à notre rendez-vous dans un café de Stockholm, même visiblement fatigué par le concert de la veille, le jeune homme est comme on l’imaginait: extrêmement poli, légèrement timide avec des yeux malicieux sous ses lunettes de vue et un air d’adolescent un peu fragile. Erik, le batteur de Simian Ghost et accessoirement son frangin ainsi que Mathias, le guitariste sont, eux, aux abonnés absents, épuisés par le concert et surtout l’after party qui a suivi. Mais Sebastian n’est pas venu seul. Il est accompagné par Weronika Bela, artiste suédoise, qui en plus de bien porter son nom de famille, est aussi la graphiste, la co-réalisatrice des clips de Simian Ghost, l’une des deux actrices de la vidéo de « As You See Fit » et comme Sebastian le dira en riant au cours de l’interview « son inspiration ». Les deux jeunes gens doivent partir en vacances dans moins d’une heure. Nous commandons des cafés.

Comment s’est déroulé le concert hier?

Je ne sais pas vraiment comment répondre à ta question. C’était bien, j’imagine (il se retourne vers Weronika qui lui sourit pour confirmer). Même si nous avons eu des problèmes techniques au début, donc ce n’était sans doute pas notre meilleur concert. Mais c’était aussi l’occasion de jouer des morceaux du nouvel album, Youth.

Sur disque, ta musique a des cotés fragiles et intimistes. Je ne pouvais pas être présent hier au soir. Est-ce que tu peux m’expliquer à quoi peut ressembler un concert de Simian Ghost?

C’est vrai que les chansons de Infinite Traffic Everywhere (chroniqué ici, ndla) et Lovelorn (ici) sont dans leur grande majorité des morceaux électroniques, basées sur des claviers, des guitares et de la batterie. En concert, nous essayons de rendre notre musique plus grande et riche. Mon but n’est pas de faire sonner les chansons du disque de manière similaire au live. J’essaie vraiment d’apporter quelque chose de différent lors des concerts. Les qualités qui rendent un disque bon et un concert bon sont totalement différentes.

Est-ce que ton expérience précédente du live au sein d’Aerial (groupe de post rock suédois dont Sebastian était le guitariste et chanteur, ndla) t’a aidé pour les concerts?

Ça m’a aidé dans la mesure où si je n’avais pas joué en concert avec Aerial, je ne me serais jamais retrouvé sur scène (rires). Mais Aerial jouait une musique totalement différente, il n’y avait rien d’électronique dans nos morceaux donc, non, cela ne m’a pas aidé.

Qu’en est-il d’Aerial? Est-ce que ce projet est toujours d’actualité?

Non, le groupe est en hibernation. Nous ne nous sommes pas officiellement séparés mais nous ne travaillons plus ensemble en ce moment.

Est-ce que tu as déjà pensé à transformer un morceau de Aerial en une chanson de Simian Ghost?

En fait, oui. Je l’ai même fait mais je n’ai jamais sorti la chanson parce que j’ai toujours voulu garder ces deux projets séparés l’un de l’autre.

Il y a toujours un sentiment de mélancolie dans ta musique. D’où est-ce que cela vient?

Je suis juste quelqu’un de très mélancolique. J’aime écrire des choses douces amères. En fait, la mélancolie est sans doute mon émotion préférée.

Pour moi, il y a une véritable différence d’atmosphère entre Infinite Traffic Everywhere, qui semble plus torturé, et Lovelorn, plus « relax ». Est-ce que tu te sentais dans deux états d’esprit très différents lorsque tu les as écrit?

En fait, c’est le processus de composition qui était très diffèrent entre les deux disques. J’ai passé beaucoup de temps à écrire et enregistrer Infinite Traffic Everywhere. Tandis que Lovelorn était quasiment un projet parallèle par rapport à toutes les choses que je faisais en même temps. A l’époque, nous étions déjà en train d’écrire des chansons et d’enregistrer pour l’album de Simian Ghost qui va sortir au mois de mars. J’enregistrais aussi au même moment mon frère et Mathias pour leur groupe, Light Vibes. Donc je travaillais sur Lovelorn lorsque je rentrais chez moi après toutes ces activités et quand j’avais du temps libre. C’est la raison pour laquelle Lovelorn sonne tellement plus détendu: la composition était décontractée.

Je vais être égoïste. Ma chanson préferée de Simian Ghost est « Sequenced Dreams of Independence ». Est-ce que tu peux m’expliquer pourquoi je suis si obsédé par cette chanson?

C’est peut-être à cause du rythme basé sur des contretemps… Non en fait, je n’en sais absolument rien (rires)! Mais c’est une bonne chanson et c’est aussi ma préférée sur Infinite Traffic Everywhere. Elle sonne d’ailleurs vraiment bien en concert même si nous ne l’avons pas jouée hier au soir.

Voici ma question la plus idiote de l’interview. Est-ce que « Kneel to Kim » est un morceau sur le dictateur nord coréen Kim Jong Il?

C’est vraiment marrant que tu parles de cela. La chanson est un hommage à Kim Gordon de Sonic Youth. Mais je me suis rendu compte tandis que je rédigeais les paroles que l’on pouvait l’interpréter comme un hymne a Kim Jong Il. Ce qui ne me pose pas de problème, mais ce serait alors de manière ironique puisque je n’ai aucune admiration pour cet homme.

Les réponses sont très positives pour ta musique. Quand as-tu eu l’impression que quelque chose de spécial se passait pour Simian Ghost?

Simian Ghost a été apprécié quasiment depuis le début et je n’ai pas l’habitude de ce genre de compliments. J’ai donc remarqué immédiatement que c’était un projet que les gens préférait à ce que je faisais auparavant.

Tu as réalisé toi même des vidéos pour Simian Ghost. Est-ce que tu as le concept dans ta tête lorsque tu écris le morceau?

Non, pour les vidéos, il s’agit souvent de sortir avec la caméra, filmer un maximum de choses et créer quelque chose au montage. La vidéo de « As You See Fit » avait été pensée et préparée avant son tournage mais elle était destinée à une autre chanson! Mais tandis que j’étais en train de la monter, je me suis dit qu’elle pourrait s’adapter à « As You See Fit ».

En moins de deux ans Simian Ghost a déjà sorti un album, un EP, est sur le point de sortir son nouvel album et je ne parle pas des remixes que tu as réalisé pour d’autres groupes. Est-ce que tu te sens poussé par un sentiment d’urgence?

Je suis un hypocondriaque. J’ai toujours peur de mourir. J’imagine que je veux composer un maximum de chansons avant que mes maladies imaginaires ne me rattrapent, que je me retrouve aux urgences et que je meure! Non, je plaisante… J’adore travailler et je pense que nous sommes juste très créatifs. Je ne comprends pas les groupes qui mettent deux ans pour faire un album. Dans mon monde, tu fais un album en deux semaines. Après, il est clair que bosser en home studio me donne une liberté et une facilité que n’a pas un groupe qui doit booker un studio professionnel pour réaliser un disque.

Simian Ghost a signé sur Heist or Hit. Comment es-tu entré en contact avec eux?

C’est notre manager qui s’est occupé de cela. Les gars de Heist or Hit sont vraiment des gens extraordinaires avec qui il est facile de travailler et nous nous sommes sentis en confiance tout de suite. Ils nous ont toujours soutenu, apprécient les artistes et les groupes qui s’occupent eux-mêmes de tout le côté artistique. Cela nous correspondait donc très bien. En plus, ils sont excellents en relations publiques (rires).

Le CD de Infinite Traffic Everywhere est épuisé. Est-ce qu’il est question de le ressortir?

Je n’en ai aucune idée. Les CDs ne se vendent plus beaucoup de nos jours. J’imagine que si la demande est là, cela pourrait arriver mais cela m’étonnerait vraiment.

Tu travailles désormais avec Mathias et ton frère Erik au sein de Simian Ghost. Pourquoi as-tu éprouvé ce besoin de collaborer avec d’autres personnes?

J’aurais très bien pu continuer tout seul. Mais j’ai toujours eu envie d’écrire avec Erik et Mathias. En plus ce sont deux personnes avec lesquelles il est facile de travailler et nous nous entendons très bien. Simian Ghost semblait être parfait pour les accueillir.

Comment fonctionne le processus de composition désormais?

C’est très démocratique. Ce n’est pas comme lorsque une unique personne vient avec son idée. Nous sommes tous impliqués dans la composition. La plupart des chansons du nouvel album ont été écrites en collaboration sous forme de jams. De plus, chacun d’entre nous joue de tous les instruments utilisés dans les morceaux de Simian Ghost. Cela nous permet d’avoir tous une opinion au sujet du son général, de ne pas être concentré sur un instrument spécifique et de vraiment écrire la musique ensemble.

Qu’est-ce que Erik et Mathias ont amené à Simian Ghost?

De très bonnes idées et une excellente compagnie! (rires)

Est-ce tu as l’impression d’avoir abandonné quelque chose dans l’écriture des morceaux lorsque les deux autres t’ont rejoint?

C’est différent. Ça n’a rien à voir avec abandonner quelque chose, c’est créer quelque chose d’autre. Je fais toujours de la musique seul et je vais bientôt sortir de nouveaux morceaux sous un nouveau nom. Ce sera de l’electro plus orienté dance music.

Est-ce que Simian Ghost pourrait sortir un morceau de dance?

Oui, bien sûr. Tout dépend comment tu définis la dance music. Peut-être pas un disque de trance! (rires). J’aime beaucoup la techno minimaliste et le dubstep. Pas le dubstep commercial, hein, mais des trucs comme James Blake par exemple.

Est-ce que tu pourrais sortir une chanson de Simian Ghost que Mathias et Erik auraient composé et à laquelle tu n’aurais pas contribué?

J’imagine que ça dépend de la chanson. Cette situation n’est pas encore arrivée mais si ils le veulent et que la chanson est bonne, je ne m’y opposerai pas.

Quelle est la chose la plus difficile pour eux lorsqu’ils travaillent avec toi?

J’ai tendance à être autoritaire et à beaucoup travailler. Sans doute trop.

J’ai l’impression que tu es un control freak. Si jamais Simian Ghost devient énorme et que tu ne peux plus t’occuper de tout. Qui s’occupera de produire tes albums?

Dans un monde parfait, ce sera moi.

Et les vidéos?

En fait le clip de « Wolf Girl », notre prochain single, a été réalisé par un vidéaste de Umeå (ville située au nord de la Suède, ndla) que je n’ai jamais rencontré mais qui a fait un super boulot. Nous avons discuté au téléphone et ses idées visuelles étaient très bonnes. J’ai vraiment envie de collaborer avec d’autres artistes sur ce genre de travail.

Et les pochettes de disque?

J’aimerais que cela reste toujours Weronika (grand sourire).

Est-ce que tu peux nous en dire plus sur Youth? Pourquoi l’avez-vous intitulé ainsi?

C’est aussi le titre d’une des chansons de l’album. Écrire sur la jeunesse, c’est un sujet énorme. Nous l’avons appelé Youth en raison de l’atmosphère générale du disque, que nous avons voulu naïve. Nous avons essayé d’exprimer un sentiment de jeunesse de manière quasi philosophique. C’est quelque chose que tu retrouves dans les paroles des chansons (silence)… Même si tu sais, il m’est difficile de dire à quoi correspondent les paroles des chansons car à la base, ça ne m’intéresse pas de combiner certaines idées pour évoquer un thème précis. Je ne veux pas que mes chansons aient un sujet spécifique ou dicter à l’auditeur ce dont un morceau parle. Même pour moi, le sujet de mes chansons est très diffus, y compris celles qui semblent terre à terre. J’essaie toujours de leur laisser une ouverture pour les laisser libres a l’interprétation.

En quoi les morceaux de Youth sont différents de Infinite Traffic Everywhere et Lovelorn?

Youth sonne très différent de Infinite Traffic Everywhere et Lovelorn qui, eux-mêmes, ne se ressemblaient pas du tout selon moi. Infinite Traffic Everywhere est plus centré sur ma personne et comment je suis devenu cynique et fatigué, sans doute un peu plus adulte. Youth est un peu un retour vers une forme d’innocence. Il est beaucoup plus équilibré. Je n’y avais jamais réfléchi auparavant mais peut-être que c‘est l’influence de mon travail avec Mathias et Erik qui sont jeunes et plein d’énergie (rires). Je crois que c’est un disque naïf, plus heureux et bien moins cynique que l’album précédent.

A quoi va ressembler 2012 pour Simian Ghost?

J’espère que l’album marchera bien. Nous avons aussi des dates de concerts prévues en Norvège, Suède, Angleterre et nos tourneurs travaillent sur une tournée européenne. Ça me brancherait bien de venir jouer en France, je n’y ai jamais mis les pieds. Ça me permettra de pratiquer mon français! (rires).

 

Le single Wolf Girl (ci-dessus) était disponible en streaming sur Soundcloud quelques jours après cette interview. Stylé et racé, plus pop et moins électronique que les morceaux précédents, presque rutilant à un point qu’il est étonnant de constater qu’il a été enregistré dans un home studio, il donne une direction claire à l’évolution de Simian Ghost et confirme l’idée que ces petits gars ont un talent rare et que le futur leur appartient…

Crédits photo: Orimyo (DR)

One comment
  1. [DARK GLOBE]

    […] nous l’avions rencontré, Sebastian Arnström nous avait présenté Youth comme l’évocation du sentiment de jeunesse. A […]

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