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Disques

Craft Spells / Nausea

Craft SpellsNous avons beau eu l’attendre avec impatience, Nausea n’est pas le nouvel album que nous imaginions de Craft Spells: trop de mélancolie qui n’essaie pas, cette fois-ci, de se cacher sous des erstaz de boîtes à rythmes en autant d’évidences pop accrocheuses et dansantes, trop de lents, irrésistibles et fatalistes vertiges de par ici, trop de piano, et en général pas beaucoup de second degré. Justin Vallesteros, Monsieur Craft Spells himself, a traversé une dépression avant de composer et celle-ci semble avoir insidieusement contaminé le disque pour le dessiner d’une teinte grisâtre à l’image de la pochette.

Passée la surprise légèrement désagréable de la première écoute, au regard de notre jolie histoire pleine d’affection envers sa musique, nous n’avons tout de même pas mis beaucoup de temps à faire notre auto-critique et remettre quelque peu en question notre immature et finalement cruelle volonté de vouloir cantonner le jeune homme dans le pauvre pré carré électro indie pop où nous l’avions imaginé passer le reste de son existence artistique. Au contraire d’Idle Labor ou de Gallery, Vallesteros a d’ailleurs enregistré son nouvel album dans un studio, délaissant sa chambre à coucher et la production low fi pour une orchestration bien plus organique, plus à même de faire vibrer les ondes de malaise de son nouvel opus.

Toujours au contraire de ses prédécesseurs, Nausea ne s’impose pas de charmer d’emblée mais préfère cacher ses attraits sous des couches de morosité : la voix paresseuse et abattue de Vallesteros s’étire encore plus largement que d’habitude, alourdie et tirée par le poids d’un trouble aidé par des arrangements ronds et moins nerveux, des ellipses de piano comme autant de chutes d’humeur sur « Dwindle » ou l’éponyme « Nausea » sur lequel les paroles listent l’étendue des dégâts dans un regard hébété: « Bringing me back now, paranoia Giving me something to give up Moving along now It’s made me dizzy Watching the clouds as I go home ».  Stylistiquement, c’est très certainement et évidemment le trip-hop de « If I Could » qui possède les semelles de plomb les plus épaisses. Cette mélancolie amère devient pourtant doucement enivrante dès les cordes hypnotiques de « Komorebi », expression japonaise correspondant à l’instant durant lequel les rayons du soleil traversent le feuillages des arbres; comme si cet album n’était avant tout que le récit d’une transition, d’un retour à la normale. Et c’est sans doute avec ce titre précis que la capacité de Vallesteros à écrire des pop songs transperce ce voile de tristesse qui entoure l’album, comme un point de départ où loin d’être terrassé, il cherche lentement à composer avec pour mieux le surmonter ; une inflexion qui allège l’atmopshère, refusant l’auto-satisfaction et qui se propage comme un fil rouge sur la plupart des autres morceaux de l’album comme « Changing Faces », version évanescente du « Let’s Go to Bed » des Cure en passant par l’intérieurement révolté  « Twirl »  ou « First Snow » pour arriver jusqu’au presque lumineux « Breaking The Angle Against the Tide ». L’honneur de la conclusion ne reviendra cependant pas à ce titre mais plutôt à l’instrumental « Still Fields (Octobre 10, 1987) » qui honore par l’intermédiaire d’un souvenir le retour à une sérénité revenue.
Sans correspondre totalement à un changement radical de direction musicale, Nausea demande très certainement plus de travail et de patience à l’auditeur que les oeuvres précédentes de Vallesteros ce qui au final n’est absolument pas surprenant et peut-être pas une mauvaise chose. Tout en finalement conservant l’identité matricielle de l’auteur, il représente une véritable évolution stylistique et musicale, délaissant des facilités mélodiques et des raccourcis techniques pour une approche moins immédiate mais aussi plus élégante, riche et intellectualisée. Par dessus tout, il décrit musicalement une catharsis lente et douloureuse mais d’un trait assez juste, honnête, pudique et sans artifice avec la dose suffisante d’affectation; un mal être à l’amertume à la fois terriblement familière, tout autant intime qu’universelle et qui éclôt avec délicatesse sur une libération.

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