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Disques

Dustin O’Halloran / Lumiere

Il y a peu, j’ai été interpellé par un thème au piano, quelques notes captivantes de ce « We Move Lightly » signé par un certain Dustin O’Halloran. Le nom me rappelle vaguement quelque chose, mais impossible de me souvenir où je l’ai déjà lu ou entendu. En fouillant un peu, j’apprend que le pianiste n’est autre que l’un des deux membres d’A Winged Victory For The Sullen – duo de l’écurie Kranky et auteur d’un superbe album en 2011, évoluant dans des sphères plutôt ambiant – et je me rappelle donc que le garçon était également, avec la chanteuse Sara Lov, à la barre des Devics – groupe pop élégant en sommeil depuis 2006 et l’album Push the Heart.

Et puis, j’apprend aussi – par hasard cette fois – que c’est aussi lui qui est derrière la version piano du « Country Dumb » de Josh T. Pearson (auteur d’un de mes albums marquants de l’année dernière). Joli CV donc, voilà qui donne envie – en plus d’un artwork intrigant, entre autres* – de regarder de plus près de quoi il est question sur ce disque. Il se trouve que Lumiere est loin d’être un essai inaugural dans la carrière solo d’O’Halloran: plusieurs albums au piano (parus chez Bella Union) et quelques apparitions sur diverses musiques de films, notamment le Marie-Antoinette de Sofia Coppola… Mais cette fois-ci, c’est avec l’American Contemporary Music Ensemble de New York, aux cordes, que l’album a été enregistré; violons et violoncelles viennent donc approfondir les compositions, et de fort belle manière. C’est bien le piano qui mène la danse et assure le propos du disque, entrant souvent en scène puis rejoint par les cordes qui le laissent alors prendre son envol, ou s’effacent entièrement pour le laisser tisser les ambiances à lui tout seul. Difficile alors, comme sur « Opus 44 », de ne pas penser au maître Erik Satie** – surtout quand il faut bien le dire on n’a pas vraiment d’autre référence solide en piano. Parfois, au contraire ce sont les cordes qui s’avancent (comme sur « Quartet n.2 ») avec classicisme et élégance, revisitant les paysages blancs mélancoliques de l’hiver mis en musique par Vivaldi (« Quintette N.1 »). Les arrangements discrets servent à merveille la beauté épurée des mouvements que décline le Berlinois d’adoption: accords de piano tournoyants sur « Opus 55 », thèmes introspectifs (« Fragile N4 »)… Un délice pour les amateurs de piano – qui à mon sens, et c’est totalement subjectif, je vous l’accorde – est le plus bel instrument qui soit, et peut-être bien le plus difficile à maîtriser.

J’étais bien loin d’imaginer que le songwriter pop des Devics possédait un tel bagage classique, sa collaboration sur Kranky avec une moitié de Stars Of The Lid (A Winged Victory For The Sullen, dont on parlait un peu plus haut) l’ayant aussi emmené sur des terres relativement éloignées. Mais finalement, peu importe l’habit, le style ou les étiquettes; le talent d’un compositeur se mesure surtout à la façon dont sa musique touche au coeur. A cette Lumiere, celle de Dustin O’Halloran s’imprime sur le nôtre comme sur une page blanche, pour peu qu’on se laisse séduire par la légèreté et la douceur de sa plume.

En écoute: « Fragile N.4 »

* Les plus curieuses auront sans doute remarqué que le pianiste est plutôt beau gosse ;-)
** Dustin O’Halloran apparaît d’ailleurs sur le tribute à Satie d’Arbouse Recordings dont on parlait ici.

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