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Disques

Enablers / Blown Realms and Stalled Explosions

La question s’est posée hier, alors que sur un site communautaire pas très loin d’ici, on me faisait remarquer (à fort juste titre) que l’affectif devrait toujours rester en dehors du discours critique – de savoir si j’allais ou non écrire cette chronique du nouvel album d’Enablers (à paraître le 23 mai sur les labels Exile on Mainstream et Lancashire & Somerset). Je vais donc oublier pendant quelques heures qu’outre le fait d’être un des meilleurs groupes de scène du monde – n’ayons pas peur des mots – Pete Simonelli et ses trois acolytes sont parmi les musiciens les plus aimables qu’il m’ait été donné de rencontrer, et me concentrer sur mon unique objectif: le rester (objectif).

Blown Realms and Stalled Explosions est donc le quatrième LP des Californiens, après le superbe Tundra sorti en 2008. Mais c’est aussi et surtout le premier disque enregistré depuis l’arrivée à la batterie de Doug Scharin, remplaçant (d’abord temporaire avant de devenir membre permanent) de Joe Byrnes lors de la dernière tournée européenne du groupe. On avait déjà vu le batteur s’associer à Joe Goldring (guitare) sur un projet nommé Out of Worship. Mais officiant aussi aux cotés du jeu de guitare serpenté de Kevin Thomson et du phrasé inimitable de Pete Simonelli, Scharin se révèle un atout majeur au sein de la formation, tant son jeu sait se mettre au service des soubresauts vocaux du poète et parvient à en suivre les variations, tout en conservant une intensité palpable. « Carreer Minded Individual » s’en fait l’illustration par excellence: pas un instant on ne déplore l’absence d’une basse, chaque instrument étant parfaitement à sa place. « Visitacion Valley » et  « Morandi: Natura Morta #86 » (morceau titré d’après un tableau du peintre italien) montrent également un jeu de percussions mis en avant, remarquablement fluide et précis, alors que l’instrumental « Hard Love Seat » voit Enablers se lancer avec panache dans des expérimentations jazzy plus ostensiblement encore que par le passé.

On retrouve bien sûr dans Blown Realms et Stalled Explosions tout ce qu’on aimait déjà chez Enablers: ces atmosphères intimistes où s’invite le parler discret et confident de Simonelli; ces explosions sonores qui semble provoquées par la vibration des guitares comme entrant en résonnance (« Rue Girardon »), ces mêmes guitares sinueuses (« The Reader », qu’on avait déjà eu l’occasion d’entendre sur scène et qu’on retrouve avec grand plaisir sur ce disque) au son brut et décharné, délivrant d’élégantes dissonances (« Cliff »); Et puis, ces vagues sonores à la violence contenue, ces riffs crispés s’échouant sur des rythmiques alambiquées (« Patton »). « A Poem for Heroes » vient finalement clore l’album en douceur, le texte de Simonelli soutenu au loin par deux seules guitares, allongées et enveloppantes. En enregistrant au studio même de Goldring, à San Francisco, Enablers ont eu tout le temps nécessaire pour visiter de nouvelles structures et tonalités. Ils réussissent l’épreuve de livrer, encore une fois, un album étincelant, déclinant tout le savoir-faire qu’on leur sait en lui amenant son petit lot de nouveautés (notamment, l’utilisation de Wurlitzers, ces piano électriques fréquemment utilisés dans les années soixante-dix). Le quatuor semblait avoir trouvé sa forme idéale pour la scène, l’album vient confirmer la tendance.

En écoute: « Carrer Minded Individual »

4 comments
  1. Haz

    « La question s’est posée hier, alors que sur un site communautaire pas très loin d’ici, on me faisait remarquer (à fort juste titre) que l’affectif devrait toujours rester en dehors du discours critique  »

    j’espère que c’est une plaisanterie : heureusement que l’affect joue une grande part dans les chroniques, report, etc – les prétendu(e)s critiques d’art qui se touchent à propos de l’objectivité peuvent (toutes) tous aller se faire enculer

  2. Lionel

    Oui, c’est aussi ce dont je suis convaincu, disons avec un peu moins de conviction que toi :)
    Dans l’absolu, oui « l’affectif devrait toujours rester en dehors du discours critique ». Sauf que ce n’est jamais le cas et ce serait un beau mensonge que de l’affirmer.

  3. Haz

    haha, désolé, j’étais un peu énervé hier soir, pour une toute autre raison, d’ailleurs

  4. heptanes fraxion

    y a de quoi se sustenter ici,de quoi s’étancher aussi…je viens juste d’acquérir l’album et j’acquiesce des deux mains,ouais c’est possible …

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