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Disques

Grails / Chalice Hymnal

Apparu sur la scène musicale de la fin des années 90, le Post Rock est une nébuleuse : le genre est vaste, à la complexité assumée et parfois mutique, qui impose à l’auditeur de se demander par quel bout il doit saisir certaines de ses productions les plus pointues. De Sigur Ros à Mogwai en passant par The Besnard Lakes, nous nous trouvons parmi des groupes qui ont pour dénominateur commun un dessein qui fût celui d’autres, actifs avant eux. À l’aube des seventies pour être précis, soit lors d’un des virages essentiels de la musique actuelle née du rock. C’est à dire lorsque des musiciens déjà dotés d’un bagage certain, tout en s’appuyant sur les bases d’expériences psychédéliques et sur les riffs d’un rythm’n blues joué plus durement, voulurent bousculer la pop de la décennie précédente par l’invention d’une musique polymorphe qu’ils nommèrent « Progressive ».

Originaires de Portland, Grails ne sont peut-être pas parmi les formations les plus reconnues de la mouvance Post Rock. Ce qui n’aura pas freiné, depuis 1999, la poursuite d’un chemin semé de quelques perles, dont Deep Politics (2011) que nous avions chroniqué à sa sortie. Énigmatique et intraduisible, Grails évoque un autre nom. C’est ainsi à Graal que je songerai plusieurs fois en écoutant Chalice Hymnal. Car si elle n’est pas celle d’un mythe, il y a bien pour Alex Hall (guitare) et les trois autres membres du groupe, une quête. Quête musicale qui relève d’une exigence tendue vers l’abstraction et conduit vers un univers qui se dérobe souvent et peut sembler impalpable, voire obscur. Sixième LP, Chalice Hymnal sort six ans après Deep Politics et s’ouvre avec un titre éponyme. Par son atmosphère, la pièce instrumentale évoque le « Lazarus » de Bowie. Testament musical pour l’un, nouvelle ouverture pour Grails. Le titre « Chalice Hymnal » est une bande son hantée qui  pourrait accompagner les images éthérées d’un film urbain, qu’on imaginerait volontiers européen et crépusculaire. La même impression est éprouvée avec le mystérieux « Kebnekaise » qui clôt l’album. L’ombre de « la trilogie berlinoise » n’est peut-être pas très loin. Bowie encore.

Globalement, l’album évolue dans cette même humeur. Il paraît un mélange d’influences (Trip Hop, néo Psyché, Progressive, Krautrock) où des lignes musicales se mêlent sans qu’on ne réussisse toujours à bien les distinguer entre elles à force d’effets; guitares et claviers se retrouvant entrelacés . « New Prague » est le titre le plus rageur, mené par la guitare sous overdrive d’Alex Hall et une batterie directement venue du jeu des batteurs de groupes tels Tomorrow ou les Pink Fairies, circa 1971. Composition en cohérence avec les projets solos des musiciens durant la pause collective 2011 – 2016, « Tough Guy » n’aurait pas été renié par Can ou Neu. Une nouvelle fois les musiciens de Portland, Oregon, cultivent des racines européennes qui font d’eux le plus sexy des combos Post Rock si ce n’est pas le plus populaire.

La musique de Grails n’est pas un objet facile : elle demeure cérébrale avant d’être sensuelle. Née de l’esprit, elle n’exprime pourtant aucune opinion. Cette apparente neutralité qui n’est pas seulement liée à l’absence de textes mais vient aussi d’une implicite réticence de chaque titre à se livrer n’est, in fine, guère gênante dans un monde où chacun vocifère son point de vue. Chalice Hymnal est un album noueux, vaste et inquiétant lit-on dans les colonnes de Noisey. Je rajouterai que ce sont là trois indéniables qualités.

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