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Interview – The Wedding Present

David Gedge est un mec impressionnant. Pas uniquement parce que le Monsieur représente avec son groupe The Wedding Present un énorme pilier de l’histoire du rock indé rosbeef (encore que finalement ce serait bien assez) ou qu’il continue à sortir régulièrement depuis plus de vingt ans des albums frais et inspirés. Mais aussi parce que, avec sa chemise et ses jeans noirs, ses rangers impeccablement cirés, sa bonne carrure et surtout son regard noir et direct, on a l’impression qu’il vous explique sans cesse qu’il est un mec à qui on ne la fait pas, alors même que l’on a rien à lui vendre. Autant dire que notre interview réalisée fin Octobre, le soir du concert du Wedding Present à la Boule Noire pour la tournée Seamonsters (le troisième album du groupe sorti en 1991) ne s’est pas révélée des plus faciles. Et pourtant, à la fin de notre entretien, lorsqu’on lui présente notre cassette audio usée par les décennies (putain 20 ans!) de Seamonsters, la carapace se fend timidement et l’émotion point tandis qu’il raconte ses enregistrements des émissions de John Peel sur des BASF C-90 qu’il réécoutait ensuite en boucle sur l’autoradio de sa voiture.

Soupir de soulagement. Finalement, David Gedge est bien tel qu’on l’imaginait.

Tu as expliqué dans une interview que chacun de tes albums étaient différents du précédent. Comment décrirais-tu Seamonsters dans la discographie du Wedding Present?

Je réécoute rarement mes albums, il m’est donc compliqué d’en parler. Néanmoins je crois que Seamonsters est un disque plutôt tourmenté. C’est le troisième album que nous jouons intégralement en concert après George Best et Bizarro. Les deux premiers ressemblaient plus à des collections de chansons. Seamonsters a plus de corps, il est plus intense et dramatique. Des trois, c’est mon album préféré. Ce disque est plus grand que la somme de ses parties, si tu vois ce que je veux dire. Je pourrais le comparer à un film ou une pièce de théâtre avec une atmosphère particulière à la fois étrange et décalée. Par exemple, je n’aime pas parler entre les morceaux de cet album parce que cela casse l’ambiance. Je ne me vois pas en train de raconter une blague avant d’enchaîner sur la chanson suivante : les morceaux sont trop sombres et extrêmes. Nous préférons jouer Seamonsters d’une traite comme une unique pièce de musique.

Tu avais travaillé avec le producteur Steve Albini pour cet album. Une collaboration qui avait d’abord débuté avec le nouvel enregistrement de Brassneck et qui a continué, après Seamonsters, sur plusieurs albums de Cinerama jusqu’au 8ème album du Wedding Present intitulé El Rey. Comment votre relation de travail a-t-elle évolué?

Steve est probablement l’une des personnes avec qui je préfère travailler si ce n’est ma personne préférée. Je pourrais bosser avec lui tout le temps mais je préfère briser la routine et ne pas n’encroûter à collaborer avec le même producteur pour tous les albums. Cela me permet de rencontrer de nouvelles personnes et d’expérimenter de nouveaux studios, d’essayer ou d’apprendre des nouvelles techniques. Quand nous avons fait George Best et Bizarro, je trouvais que c’étaient de bons disques mais je n’avais pas l’impression qu’ils reproduisaient l’essence du son des Wedding Present, l’énergie que tu retrouvais en concert ou lors de nos répétitions. Il y avait toujours quelque chose qui manquait. Mais Steve Albini a réussi à capturer cette atmosphère. Et depuis Seamonsters je pense que nous toujours réussi à reproduire ce son très spécifique. Les gens m’ont souvent demandé comment nous avions obtenu ce résultat. Mais c’est juste une approche très directe de l’enregistrement. Albini est un excellent ingénieur du son qui aime s’adapter aux groupe de rock avec un son live. Il a un bon studio, avec un excellent matériel et connaît tous ces trucs super chiants qui concernent l’enregistrement (rires) et donnent cette impression de réalisme à l’ensemble.

C’est intéressant que tu parles de cette volonté de se rapprocher d’un son live pour Seamonsters. Pour moi, l’album est précis et extrêmement produit..

C’est parce que la production est appropriée à l’atmosphère de l’album. Tu ne retrouves pas de gros effets ou ce genre de trucs. Notre ambition était vraiment de recréer le son du groupe dans une pièce. Par exemple, le son de la batterie est énorme parce qu’il a été retravaillé avec de l’écho pour donner une ambiance réaliste à l’ensemble. Bien sûr, il y a quelques petites astuces de production et tu trouveras toujours des ingénieurs qui chercheront comment tel ou tel effet de réverbération a été produit. Albini est très influencé par le style de production de Georges Martin. Lorsqu’il s’occupait des Beatles, il réalisait un album en un week-end : il l’enregistrait en direct, le mixait dans la foulée tout en conservant un super son. Lors de l’enregistrement de Seamonsters, Steve Albini voulait retrouver cet esprit qui correspond bien à la façon dont fonctionne le Wedding Present. De toutes manières, je nous considère plus comme un groupe live que de studio.

Albini et toi avez la réputation d’avoir de fortes personnalités…

Je sais presque toujours à quoi nos morceaux devraient ressembler lorsque nous allons en studio. Albini comprend parfaitement ce genre d’attitude. Pour lui, dans son studio, le groupe est le patron. Tant que tu sais lui décrire comment tu veux sonner, il n’y a pas de problème. Il ne se permettra jamais de te suggérer quoique ce soit si tu ne lui demandes pas. Ce qui est, encore une fois, une bonne chose pour le Wedding Present. Mais ce n’est pas le cas pour tous les groupes et fais-moi confiance, pas mal d’entre eux ont besoin d’aide dans le studio, jusque dans leurs arrangements. Mais cela n’a jamais été le cas pour nous.

Est-ce que tu considères Seamonsters comme le début de ton histoire d’amour artistique avec les Etats-Unis?

J’imagine que oui, d’une certaine manière. Pour la pop music, nous avons toujours été autant influencés par les États-Unis que par l’Europe. Par exemple sur George Best, nous étions très influencés par le Velvet Underground et leurs guitares rythmiques. Seamonsters est le premier album que nous enregistrions aux Etats-Unis et sur lequel nous utilisions un ingénieur du son américain. Il y a évidemment une différence de culture: les Etats-Unis sont plus rock tandis que l’Europe est plus pop. Je considère que le Wedding Present se retrouve bien au milieu, à la fois rock et pop. A l’époque, Seamonsters était peut-être le premier disque  qui s’aventurait dans ce territoire mitoyen.

D’un point de vue artistique, as-tu trouvé quelque chose aux Etats-Unis que tu ne retrouvais pas en Angleterre?

Pas vraiment. Nous voulions juste travailler avec Albini. J’avais entendu Surfa Rossa des Pixies ; je trouvais le groupe et les chansons excellents mais c’était surtout la production qui m’inspirait et me fascinait. J’étais persuadé qu’elle pouvait convenir au style du Wedding Present.

J’espère que tu ne vas pas me briser la jambe après la prochaine question (rires). Est-ce que tu n’éprouves pas une frustration à tourner avec Seamonsters, un album qui a près de vingt ans alors que tu viens tout juste d’en sortir un nouveau, Valentina?

Beaucoup de gens me posent cette question et considèrent  que c’est plutôt étrange. Je voulais faire Seamonsters live dès le début mais il y avait aussi le besoin de promouvoir Valentina. Donc, au lieu de repousser la tournée Seamonsters de deux ans, je me suis dit que ce serait une bonne chose de combiner les deux dans un seul set. Un concert du Wedding Present dure entre 80 et 90 minutes dans lesquels les 45 minutes de Seamonsters s’intègrent naturellement comme un segment individuel. Peut-être que cette combinaison perturbe les gens parce qu’ils préfèrent souvent des délimitations simples du style “ça, c’est le Valentina Tour et ça c’est le Seamonsters tour” mais de mon côté, je trouve cela tout à fait raisonnable.

Est-ce que tu ressens de la nostalgie à rejouer ces anciennes chansons?

Ça n’a pas grand chose à voir avec de la nostalgie pour moi. C’est un projet intéressant avec un groupe au line-up totalement différent de l’original. Il s’agit plus de retourner vers ce matériel et d’essayer de le réinventer, de recréer quelque chose.

Pourtant, de prime abord, au début de cette aventure, cela ne t’intéressait pas des masses de refaire George Best.

Non, en effet. J’étais contre cette proposition. Artistiquement, cela ne me séduisait pas de me retourner vingt ans en arrière alors que j’avais de nouvelles chansons. Mais tous ceux à qui j’ai demandé leur opinion, que ce soit mes amis, le groupe, les fans, tous étaient vraiment enthousiastes. Donc nous avons essayé et à ma grande surprise, j’ai trouvé cela intéressant. Je n’irais tout de même pas jusqu’à dire que j’ai apprécié mais ça avait un coté surréaliste de retourner vingt ans en arrière ; un peu comme retrouver un journal intime dans un coin de ton appartement. Après avoir fait George Best qui est certainement l’album que j’aime le moins, j’ai décidé que nous devrions aussi jouer Bizarro puis Seamonsters. Et désormais, j’ai l’impression que nous sommes rentrés dans un processus de relecture de l’histoire du Wedding Present plutôt agréable.

Lorsque vous rejouez un ancien album dans son intégralité, est-ce que vous vous laissez des libertés artistiques ou avez-vous l’exigence de le jouer de la manière la plus proche de l’originale?

C’est différent pour chaque membre du groupe. Si je pense à quelque chose qui peut améliorer le morceau, je le fais tant que cela ne change pas trop la personnalité de la chanson. Mais, lorsque par exemple nous avons fait notre tournée George Best, le batteur de l’époque voulait absolument le jouer dans le style du disque, de manière extrêmement naïve alors qu’il est un bien meilleur batteur que celui de l’album. C’était juste un détail mineur mais il a insisté. J’ai pourtant essayé de lui expliquer que s’il pouvait, même légèrement, améliorer les choses, il devrait le faire.

Avant de débuter la tournée Seamonsters, tu expliquais que, au vu de l’atmosphère particulière de l’album, tu étais curieux de voir la réaction du public.

Comme je te l’expliquais, c’est un disque très mélancolique, pas le genre sur lequel tu te contentes de sauter de tous les côtés à l’exception peut-être de “Dare”. Quant à “Corduroy”, il a ce côté très frustrant pour les amateurs de pogo : la musique s’accélère puis ralentit soudainement, elle s’accélère puis ralentit soudainement… Mais les réactions du public en général sont très diverses. A Paris comme à Londres, le gens sont plutôt calmes peut-être parce qu’ils ont l’habitude d’être gâtés, de voir des groupes tous les soirs. Tandis qu’en province, un groupe représente souvent un évènement et une occasion de faire la fête.

As-tu un plan pour l’après tournée Seamonsters?

J’ai tendance à ne pas faire de projets trop lointains. L’un des aspects plaisants de notre travail est cette liberté dont nous disposons. Ceci étant dit, nous envisageons de faire Hit Parade l’année prochaine pour notre tournée australienne. Sans parler qu’en France, sans doute à cause du succès de l’album à l’époque, on nous demande chaque soir si nous allons revenir pour jouer Hit Parade.

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Un grand merci à Yannick Vogel de differ-ant.

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