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Live Reports

Nosfell et l’orchestre philarmonique des lauréats du conservatoire de Paris – Cité de la musique (Paris), 27/11/07

Tous ceux qui l’ont vu sur scène, et lui le premier, s’accordent à le dire: la musique de Nosfell est destinée à la scène, et sublimée par elle. Parce que cela lui permet d’explorer ces autres dimensions que sont l’ombre et la lumière, l’expression corporelle, et de révéler toutes ses histoires sur Klokochazia, le monde imaginaire qu’il façonne à chacune de ses prestations; ces dimensions que le support CD ne permet pas vraiment de retranscrire. Là ou d’autres se contentent de voir en la scène une façon de présenter leurs oeuvres – différemment parfois, Nosfell y voit, lui, une discipline résolument singulière où tous les excès sont permis et encouragés.

Ce « Lac aux vélies », dans lequel il nous est proposé de plonger ce soir à la cité de la musique, est un spectacle unique (une seule représentation est prévue) d’autant plus particulier, car le duo habituel – Labyala Nosfell et son acolyte Pierre Le Bourgeois au violoncelle et à la basse – est accompagné par un orchestre philarmonique de pas moins de ving-quatre musiciens. Sorte d’auditorium, entre salle de concert et salle d’opéra, la cité de la musique est un édifice magnifique. La grande scène nous fait face, et en demi cercle sont installés tous les musiciens. Ensembles de cordes (l’ensemble Bourgeois, dirigé par Pierre lui-même, qui a également signé tous les arrangements du spectacle), mais aussi harpe, flûtes, hautbois, piano, percussions, choeurs… Tout est là.

Le lac aux vélies est l’histoire de Günel, personnage emblématique et terrifiant de Klokochazia, apparaissant déjà dans les deux premiers albums. On savait de lui que c’était un chef de guerre cruel, craint de ses sujets et de ses semblables; on savait de lui que son destin était lié à Sladinji, l’arbre qui sourit. Mais ses origines nous étaient inconnues, et le spectacle lève l’ombre sur ce qui fut sa jeunesse, et sa métamorphose en le protagoniste effrayant qu’il est devenu. Alternant comme à l’accoutumée interludes narratives et chansons, Nosfell conte cette fois-ci une histoire de son début jusqu’à sa fin. L’écriture semble aujourd’hui jouer un rôle prépondérant voire unique, et même si l’on sent l’improvisation beaucoup plus lointaine que d’habitude, les interventions de Labyala ne manquent pas d’humour et les clins d’oeil au public y restent foison. L’orchestration est bien plus travaillée, et les instruments classiques viennent accompagner le récit de Jawid Fel, « celui qui marche et qui guérit », à la façon d’un Pierre et le loup moderne, féérique et décalé.

Les chansons de Kälin Bla Lemsnit Dünfel Labyanit et Pomaïe Klokochazia balek s’enchaînent (Le long sac de Pierre, Hope ripped the night, Jaun sev’zul), parfois méconnaissables sous la plume de Pierre Le Bourgeois: envolées lyriques, épiques, martiales, viennent en souligner le coté fantastique; les échappées chorégraphiques de Jean Baptiste André, incarnant le personnage de cette histoire, et le travail remarquable de Julien Bony aux lumières, donnent au concert un coté incroyablement immersif. Mention spéciale à Günel, en morceau d’ouverture, dont l’intro à la trompette et l’entrée des cordes ont empli instantanément le public de frissons, et à Shaunipül, dont la réorchestration finale et magistrale était digne de l’opéra le plus fascinant.

Après ces quatre vingt-dix petites minutes de concert, et un bon quart d’heure de standing ovation et d’applaudissements, on ressort de la salle légèrement frustré que le spectacle n’ait pas duré un peu plus longtemps (sans doute aurions-nous eu cette même impression, quand bien même il aurait duré deux heures et demie) mais avec l’agréable certitude d’avoir assisté à un moment unique, un instant en apesanteur, quelque part entre le rêve et la réalité, entre la torpeur et l’éveil. Labyala Nosfell, avec l’aide de ses musiciens et surtout de Pierre Le Bourgeois – qui démontre ici un talent aux facettes multiples – s’est encore élévé un rang au dessus du paysage rock hexagonal. Puisse t-il continuer encore longtemps à nous émerveiller.

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