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Live Reports

Shellac – L’épicerie Moderne (Lyon), 04/10/10

On n’allait pas y échapper. C’était écrit depuis que la date avait été annoncée, on n’y couperait pas. Marqués au fer rouge les agendas, c’est pas tout les jours qu’un monument du rock indé s’arrête dans votre bourgade. Pas question de louper çà donc, surtout quand le monument en question s’appelle Shellac et que le leader officieux porte le nom de Steve Albini.

L’annonce a tellement fait d’effet qu’on a misérablement oublié de porter le moindre intérêt préparatif à une éventuelle première partie. Même pas un petit clic sur myspace pour écouter un minimum ce à quoi on pouvait s’attendre, tout juste un timide et rapide petit tour sur le site de l’Epicerie Moderne, qui lui aussi me semble t’il – arborait encore le matin même un splendide « Shellac + Guest », comme si tout excité par la venue du trio il en avait occulté son devoir informatif (et on le comprend). Les dommages n’auront pas été bien graves au final parce qu’après avoir pris le set en route, pour cinq minutes de vacarme désagréables au possible, on finit par se dire qu’on ne sera pas plus mal au bar (bien rempli ce soir) pour savourer une grihète qu’à supporter la folk bruitiste et débraillée d’Allroh : une jeune femme venue d’Allemagne seule avec sa voix et une Gibson Les Paul (preuve flagrante de mauvais goût). Quand elle ne chante pas, la jeune femme opère des mouvements rapides de va et vient sur le manche de sa six cordes (aucune connotation sexuelle ici, je m’en défends absolument) et en extirpe des notes courtes et rapides mais au final quasi-inaudibles, tant la distortion et la reverb noient le tout dans une bouillie sonore plutôt crade, au mauvais sens du terme.

On est donc d’autant plus heureux de voir enfin monter le trio de Chicago sur scène. Dès les premières secondes, la qualité du son nous met par terre. On n’en attendait pas moins de la part du groupe de l’un des meilleurs producteurs au monde mais tout de même: la basse est puissante, ronde, veloutée à la fois, la batterie sèche comme une soirée à boire de l’eau salée, la caisse claire claquante à souhait… Quant au son de la guitare, que dire… Il est brut, sans effets, sans artifice: le gros son Shellac, quoi. Le volume n’est même pas spécialement fort et j’arrive à me passer des bouchons pendant les quarante-cinq premières minutes du set, profitant à fond de ces délicieux décibels.

[youtube]jm6MItkeSpE[/youtube]

Les titres vont s’enchaîner pendant presque une heure et demie, ponctués parfois par des questions posées par le public – sollicitées par Bob Weston, bassiste de son état, « in english please » – auxquelles il répond rapidement et sans détour, alors que Steve Albini réaccorde son instrument. « Why do you wear riduculous T-shirts?! ». Le groupe a le sens de l’humour et apprécie les anecdotes, on apprendra notamment que la femme de Bob a cessé d’être végétarienne le jour où elle a goûté aux lardons d’une salade Lyonnaise, et ouais. Fierté locale mal placée? On s’en fout: applaudissements. Le groupe affirme également en réponse à l’une des questions, sérieuse cette fois – on est pas là pour se marrer non plus – qu’il a écrit de nouveaux titres qui pourraient figurer sur un hypothétique prochain album. Et que cinq nouveaux morceaux font partie de la setlist ce soir.

Moment fort lorsque Shellac interprète son « Prayer to God » et ses « Kill him, fucking kill him » repris en cœur par un public composé semble t’il d’autant de connaisseurs que de curieux qui viennent découvrir le groupe (je me situe entre les deux puisque c’est la première fois que je vois Shellac sur scène). Albini possède un véritable charisme, étrange pour ce petit bonhomme à lunettes rondes qui ne paye pas de mine, et à qui on donnerait le bon dieu sans confession.

L’éclairage est on ne peux plus sommaire, et c’est voulu. Autre anecdote, le rider du groupe – au paragraphe « lumières », mentionne vaguement quelque chose comme, To the lights guy: when the show starts, light up the stage, go to the bar and get some rest (« Au type des lumières: quand le concert commence, allume la scène, va boire un coup au bar et repose toi »). Si cette configuration de lumière permet d’apprécier au mieux la noise décharnée de Shellac, sans artifice, sans habillage, à son état le plus naturel et le plus pur (et putain, qu’est ce que c’est bon), elle permet aussi de fixer les visages des trois musiciens, leurs expressions, leurs mimiques grimaçantes; il y a un vrai jeu d’acteur là dedans – trois bonshommes possédés par leur musique et par les soubresauts rythmiques qui la composent. Un peu plus tard c’est la mise en scène habituelle de « End of Radio » qui nous est offerte, sa ligne de basse omniprésente et son ambiance pesante, son spoken word entêtant (« Can you hear me now!!! ») qui finit de séduire les quelques six ou sept cent personnes présentes ce soir. « Steady as she goes », avant de se diriger vers le final apocalyptique (néanmoins habituel comme me le diront quelques initiés ayant déjà vu le groupe sur scène) au cours duquel Todd démonte entièrement son kit de batterie.

[youtube]ADNStq3z_6I[/youtube]

Rarement public m’a semblé aussi enthousiaste et unanime après un concert. Shellac mérite son statut de groupe culte, et sans conteste on vient d’assister là à un des meilleurs shows de cette fin d’année 2010. Pour ses cinq ans, l’Epicerie Moderne nous offre une programmation de luxe, espérons que la suite va s’avérer aussi jouissive, la saison ne fait que commencer!

Petit florilège de ce qu’on pouvait lire le lendemain matin sur un célèbre site communautaire (merci aux concernés pour les copyrights!)
« Merci les gars pour cette soirée mémorable. merci Steve de si magnifiquement torturer cette satanée six cordes, Todd pour faire si délicieusement regretter à ces foutues baguettes d’avoir été un jour un arbre et, last but not least, Bob pour cet improbable et métronomique pilonnage de basses fréquences. Ladies & gentlemen, that was SHELLAC of North America. F*cking great time. »
« ♥ SHELLAC ! »
« Du bon bon Shellac. Thx. »
« Shellac devrait être remboursé par la sécurité sociale. »

Enfin, mes excuses et toute ma sympathie pour les quelques lignes précédentes à l’auteure de celle-ci, à qui je dédie les deux vidéos…
« J’ai raté le concert de Shellac alors le premier qui me dit que c’était mortel, je l’étrangle!!! »

Crédits photo en-tête : Nada

6 comments
  1. Haz

    je ne suis pas l’auteur de cette dernière citation et d’ailleurs c’est une auteurE

    par contre j’ai aussi lu quelques avis divergents

  2. Lionel

    Ah oui tiens, auteur au féminin ça prend un E… Mea culpa
    Par contre aucun mauvais avis de mon coté (!!!) à part peut-être de ceux qui les avaient déjà vus, et qui ont trouvé ça ni mieux ni moins bien… Mais juste pareil

  3. Haz

    tiens au fait, tu vas pouvoir me rafraichir la mémoire : on peut entrer à l’Epicerie avec son appareil photo sans demander d’autorisation ?

  4. Lionel

    oui, en général ils sont pas trop regardants (sauf gros trucs genre Dominique A ou Calexico où j’avais du demander un pass, de mémoire…)
    Et bien évidemment photos sans flash :)

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