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Disques

Toy / Clear Shot

toyLorsqu’en 2011 Tom Dougall quitta Brighton pour Londres, le pâle et ténébreux jeune homme ne pensait peut-être pas qu’il se retrouverait très vite leader d’un des groupes les plus en vue de la nouvelle scène britannique. Dès 2012 le NME s’est pourtant chargé de le lui signifier, rangeant son groupe parmi ceux à découvrir absolument dans l’année… La stimulation de la capitale aura sans doute été pour beaucoup dans les rapides progrès de Toy selon l’aveu du musicien lui-même: «Londres est une ville où on se croise et se rencontre beaucoup». Soit pour Dougall l’amorce de tout bon processus créatif. Un moyen idéal pour gagner aussi en notoriété et susciter le désir, puisque pour Fuck Yeah Tom Dougall (blog de fans en son honneur), le frontman de Toy est «cool, a une voix superbe, joue très bien de la guitare et est plus sensuel que n’importe quel gars que vous connaissez» .

Notons que la même année 2012, le Toy de Dougall se retrouva avec bénéfice le temps d’une tournée et un peu plus, sous l’aile agitée de The Horrors. Puis a copiné avec Temples – également sur le label Heavenly Records – ces derniers désignés par Johnny Marr et Noël Gallagher comme «le meilleur groupe anglais». En 2015 Sexwitch, album de raretés folk et psychédéliques, l’a uni à Natasha Khan. Rien de moins. On imagine ainsi le groupe perché sur une vague indé suffisamment élevée, oscillant entre néo garage – pour The Horrors de Southend – psychédélisme et échos shoegaze, Dougall extirpé quant à lui de racines krautrock. De quoi nourrir un répertoire avec assurance, et provoquer la curiosité d’un public adepte de sons vintages, perçus comme le super cool en matière rock et pop.

Clear Shot vient trois ans après le remarquable Join The Dots. Lequel suivit un premier album éponyme, déjà porteur de titres aussi brillants que «Dead & Gone» et «Lose My Way». C’est peut être à cause des qualités de Join The Dots qu’on hésite un instant avant d’affirmer que Clear Shot est le meilleur des trois, alors qu’il montre pourtant une maturité qui le classe parmi les plus stimulantes sorties de 2016. Sauf qu’un seuil est franchi sans conteste et annule notre hésitation première. Ce passage qui a supposé que Dougall et ses quatre musiciens – dont le (presque) nouveau venu Max Oscarnold, remplaçant de Alejandra Diez aux synthés – aient su transformer des influences passées en nouvelles signatures. Réussite qui, on le sait, n’est pas donnée à tous les prétendants en lice.

Enregistré à Stockport, dans le très chic et cosy Eve Studio, Clear Shot a été composé un an plus tôt en rase campagne. Tom Dougall décrit cette expérience comme une des causes de son unité artistique. Tout comme le fait de privilégier un enregistrement en situation live, plutôt que couche par couche. Un choix d’interactivité qui veut croire qu’un musicien jouant avec un autre prime sur machines et technique. On a entendu ça quelque part, dans les tentatives de temps beaucoup plus libres que les nôtres. Ceux dont rêvent peut-être les musiciens de Toy et une part de leur public .

Dans les dix titres proposés sur Clear Shot il n’y a pas grand chose qu’on laissera de côté. Pas de trace d’une expérience avortée. Certaines compositions sont longues (on touche les sept minutes) comme sur les deux premiers albums, et leurs développements sont justifiés. Toy allie riffs de guitares claires et synthés qui font sens, envolées mélodiques et séquences psyché hypnotiques, avec un chant qui se situe dans l’ambiguïté du retrait et de la présence. Cette dernière caractéristique fait de Dougall un chanteur de l’intimité qui s’adresse à l’oreille de chaque auditeur, plutôt qu’un crieur à la cantonade – on comprend les adjectifs «sensuel» et «superbe» en exergue du blog supporter. «I’m still believing» est une perle pop comme savait en écrire Lawrence de Felt. Le tempo médium et les guitares avec écho de «Fast Silver» conduisent à un refrain mélancolique, évoquant des rues où on traîne et s’égare, puis retombent sur un couplet plus âpre. Chez Toy, on joue des contrastes et on laisse le linéaire. Bye bye shoegazing. «Clouds that cover the sun» est une merveille mélodique où la ritournelle entraîne au pays des souvenirs enfouis. Pathos morbide et imagerie lourdaude sont étrangers au songwriting de Dougall. Ses textes ont la qualité des peintures impressionnistes qui ne renomment pas deux fois ce qu’elles évoquent. Le choix des titres en ce sens est éclairant. Réduire tout l’album à ces trois extraits (diffusés sur le net par le groupe) serait évidemment insuffisant et on leur ajoutera volontiers le Barrettien et bien nommé «Dream Orchestrator» qui, pour l’écrire en clin d’œil, annonce la couleur du son: «Maintenant tout ce qui est passé peut être ignoré, nous nous élevons aujourd’hui, je te demandais de rester et lâcher prise fût la seule façon».

Avec Clear Shot, loin de s’égarer, Toy prouve une maturité acquise après s’être dégagé de sa litière musicale. Le groupe qui n’est pas sans following illustre une tendance actuelle, qui réalise un grand écart entre le meilleur des seventies et la deuxième décennie de ce vingt et unième siècle. Il y a peut-être une part de nostalgie dans cette affaire, mais elle dépasse très largement les divers revivals qui hantent par période la maison rock et pop quand elle n’est pas aussi folk .

Clear shot ? Touché !

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