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Disques

Ms. John Soda / Loom

Ms John SodaL’affection peut-elle transcender les années de séparation? Si Ms. John Soda n’a jamais fait partie des poids lourds allemands de l’écurie Morr Music (nous aurions eu plutôt tendance à privilégier Lali Puna et surtout the Notwist dans cette catégorie), il n’empêche que la présence de Micha Acher des mêmes Notwist au sein du projet et d’albums précédents (No P. or D.  et Notes and the Like) au fort potentiel sympathie ont plutôt tendance à expliquer nos à-priori favorables vis à vis de ce groupe. Fallait-il tout de même attendre un nouvel album après neuf bonnes années de silence (effectivement, l’album est sorti fin 2015 mais l’auteur de cette bafouille subit lui-même actuellement de dangereux paradoxes spatio-temporels…) et un tel retour a-t-il vraiment une bonne raison artistique d’exister aujourd’hui?
Première constatation : le monde a très certainement réalisé plusieurs révolutions durant cette absence mais Ms. John Soda est resté coincé dans le même espace temps musical que dix ans auparavant. Leur nouvel album Loom aurait pu sortir la décennie précédente qu’il n’aurait certainement choqué pas grand monde et sans doute un peu plus attiré l’attention: l’électronique a conservé sur ce disque son côté brut, parfois dépouillé à l’extrême, ces gimmicks sonores ressemblant souvent aux râles d’une machine industrielle et sur lesquelles la nostalgie omniprésente se conjugue en variations sèches comme autant de caractéristiques typiques des productions teutonnes de Morr.

L’album s’expose donc en une série de territoires connus; les mêmes que ceux déjà souvent parcourus par les disques passés de la même écurie mais sur lesquels le plaisir vertigineux et enivrant de la mélancolie crampon, engendré par l’alliance en négociations perpétuelles et précaires entre la voix lancinante et en rase-mottes de Stefanie Böhm, la richesse des choix instrumentaux (de la trompette sur le cinématographique « Sodawaltz » jusqu’au clavecin de l’ouverture « In My Arms ») et les machines rêches, termine toujours victorieuse. Exemple idoine et juste lumineux de cet équilibre aveugle en suspension: « Hi Fool » et son semblant de squelette de chanson, ce désarmant et ingénieux enchaînements d’instrumentations, de rythmiques à nue et de silences en enchevêtrements de souffles et frissons sur la peau. « Millions », bien reposé sur les appuis de son refrain crâneur, retrouve ce pessimisme froid, inamovible et électronique. Dans cette pop volontairement et heureusement bancale (« Sirens » en mode pulsomètre avec guitares Wall Of Sound sous mixées), Ms John Soda s’aventure parfois dans des structures doucement plus expérimentales (la berceuse maussade « The Light » ou la shoegaze électrolight de « Oh Seven »), excelle au lyrisme intimiste (« Hero Whales ») ou maîtrise le crève-cœur (le très Broadcast-ien « Name It » et le « Fall Away » de conclusion), le tout avec une distance et une pudeur que l’on imagine pas autrement que tout à fait allemande.
Plus que des retrouvailles avec un groupe, c’est donc d’abord une esthétique sonore qui est ici retrouvée et reconnue avec cet album. Et ce retour aux sources est effectué de manière sans doute plus émouvante et sensible que sur le dernier album des Notwist, Close to the Glass, sur lequel le groupe paraissait parfois délaisser un peu le songwriting pour s’intéresser d’abord à la construction d’atmosphères. Loom expose donc cette manière si particulière qu’a le coeur de battre chez Ms. John Soda: à distance, discrètement mais toujours intensément.

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