Le jour 2 du Jardin Sonore Festival installé sur les bords de l’étang de Berre, quelques kilomètres au nord de Marseille, affiche une programmation volontaire rock et post punk, associant groupes régionaux ( La Flemme, Brother Junior, Catchy Peril) et internationaux (Menades, The Toy Dolls, Sex Pistols featuring Frank Carter, Viagra Boys). Le cadre est agréable, partagé en deux scènes bien sonorisées, la plus grande réservée aux têtes d’affiche d’une soirée non sold out . Selon le journal La Provence, 3500 billets ont été vendus ce qui , à première vue, donnait l’impression d’une occupation des lieux à 70 % de la capacité d’accueil du festival.

Sur la petite scène, baptisée « Platane », les jeunes marseillais de La Flemme se veulent inter actifs et communiquent beaucoup avec un public qui les connait. Ils envoient un garage rock enrichi d’efforts objectifs en recherche d’originalité ( d’un trash soft un peu convenu toutefois), avec textes chantés en français sur peu d’accords la plupart du temps. Mention spéciale à la bassiste/chanteuse qui prend pertinemment le lead vocal sur certains titres: ça fonctionne et ouvre une dimension intéressante dans l’univers du groupe. On pense presque à Starshooter, mais avec moins de second degré et d’inventivité dans les textes notamment , l’excentricité de La Flemme se retrouvant davantage dans une posture et des effets musicaux somme toute réussis qui mériteront encore un développement.

Brother Junior assurent leur prestation, avec une belle maturité. Ce qui est logique en regard de l’âge plus avancé des musiciend et d’ une expérience acquise. Excellent batteur (remarquable) et chant haut dessus de tout soupçon. Il y a beaucoup d’humanité dans la personnalité du frontman Julien Arniaud, très honnête dans son rôle, avec physique d’anti héros empreint d’un charisme singulier, barbu un peu rond à noeud papillon noir ( bien sûr)… Musicalement on est dans un registre solide, conoté new wave américaine 90s , qui évoque tour à tour Nada Surf ou The Pixies. Le projet est taillé pour aller plus loin , on l’espère. Restent à trouver les accroches possibles qui y mèneront, non entendues sur ce set de 30 minutes seulement.

Catchy Peril sont la coqueluche electro pop/ disco/ post punk du moment, made on Mars. Beaucoup d’effets ( trop ?) viennent à la rescousse de morceaux qui se tiennent par ailleurs, mais fusent un peu en tous sens, ou n’est- ce qu’une impression? Les mixages d’influences sont traités avec vigueur et inspiration, c’est certain, et cherchent à seduire. La formule prend facilement pour la part la plus jeune de l’auditoire. Il y a du juvénile comme chez La Flemme dans ce qu’on entend et perçoit. Tout est dans l’air du temps, d’où l’effet de hype qui n’est pas immérité au demeurant. Chant en anglais, avec accent qui échappe un peu aux vocalistes par moments. In fine, pas globalement convaincu, je laisse tomber avant la fin, ce ressenti étant à titre personnel seulement. Chacun mes goûts…
Menades ( France) , jouent en ouverture de soirée vers 19h, devant un public incomplet. Du punk rock dans l’esprit, extraverti, annonce de ce que nous donneront Viagra Boys. On remarque Eva Bottega au lead vocal, chanteuse habitée qui incarne le groupe. Le set des parisiens est énervé, tonique, ouverture idéale de cette soirée très punk. Vu trop incomplètement pour se faire une idée juste.
The Toy Dolls. Premiers représentants d’outre Manche du soir, poussent le riff punk classique et sans fioriture avec une grande efficacité. Le répertoire des vétérans anglais ( formés en 1979, premier lp en 1983) est un mélange de punk , de second degré permanent et d’inspirations tirées des comptines britanniques populaires ( écouter le phrasé de certaines séquences chantées permet de s’en rendre compte) . Le propos du trio de Sunderland ( dont seul demeure le leader d’origine Michael Algar alias Olga) est , en conséquence, une parodie punk rock qui fait parfois songer aux Pogues (moins le côté folk et toutes proportions gardées). Pas de trait de génie ce soir, mais la machine tourne. Avec des longueurs, hélas, dont un instrumental totalement gratuit, durant lequel il ne se passera absolument rien… Etonnant moment de vide musical pour un groupe aussi pro et expérimenté Chez The Toy Dolls la carte de l’humour reste la meilleure et ils y réussissent sans prise de tête: fun et punk vont ensemble. Le punk n’est pas sinistre. Manquent chez eux les chorus qui percent le mix et si quelques riffs de Telecaster évoquent Buzzcocks, ils ne touchent pas aussi nettement leur cible que ceux de Shelley et Diggle. Le public suit sans y croire complètement. En 2025 les chemins du punk peuvent- ils être les mêmes ? Le set de Toy Dolls, involontairement, pose la question… On observe un process de dissociation psychique très probable, entre impact d’une légende, réflexes pré-établis donnant réponses aux stimuli, ces paramètres se confrontant à la réalité plus banale du concert lui – même… Résultat logique le pogo d’aujourd’hui est contrarié et ne se produit pas, ou seulement en caricatural ersatz.


Sex Pistols featuring Franck Carter. Bout d’ histoire toujours vivace ou karaoké? Une entrée sur scène qui promet, bande son emphatique et projection de photos d’archives sur grand écran à la gloire de Cook , Jones et Matlock.

Lydon out, effacé par ses ex band mates et pas l’ombre du souvenir de Vicious, pantin tragique sinon sacrifié de Mac Laren plus que « Che Guevara » de la cause DIY. Du pathos il n’ y en aura pas dans ce set d’une heure qui doit pourtant faire honneur à Never Mind The Bollocks , unique et magistral album d’un groupe qui fût unique… L’ overdrive est bien maitrisé pour la Les Paul de Jonesy, sans aucun dérapage ni larsen des amplis Marshall. Carter fait tout ce qu’il peut mais passe à côté du sujet. L’esprit n’y est pas et les trois Pistols 76/77 jouent conscienceusement les riffs d’une enveloppe vide. « No Fun » est archi pâle ( et si on se souvient qu’il fût l’ultime titre live joué par les Sex Pistols en janvier 1978, le contraste est immense)… On pense à la phrase de Lydon lâchant son micro sur la scène du Winterland de San Francisco : « N’avez vous jamais eu l’impression de vous être fait avoir? ». Bref, ça ne le fait pas vraiment. Un temps fort se crée avec l’interprétation de « Anarchy in the Uk » qui résonne toujours pour ce qu’il est d’essentiel, avec choeurs d’un public entièrement rassemblé devant la grande scène. Personne ce soir n’a voulu louper le passage des Pistols …A part ça?

Viagra Boys. Tatouages, bedaine sur bas de jogging pour Sebastian Murphy ( 35 ans mais parait beaucoup plus…), déambulations carnavalesques qui font partie d’un show au groove implacable. Les suédois de Viagra Boys emballent la fin de soirée, à six sur scène. Le tempo martelé est le bon. Celui qui fait monter la transe. Hypnotique, il supporte les longs textes de Murphy ( né aux USA) qui débite ses histoires croquignolesques entre Mark E Smith ( toujours) et Joe Casey de Proto Martyr . On pense aux Happy Mondays en plus grave, mais pas seulement. Il y a de l’ampleur chez Viagra Boys ( plus vraiment sous amphés mais bien allumés).

Très gros son appuyé sur une basse redoutable ( presque une machine), en jeu direct et probablement dédoublé via une technologie possible appliquée à la scène ? Les chorus de saxo donnent une touche supplémentaire sur des grilles harmoniques basiques, on est punk ou pas, tout comme le travail des synthés analogiques, à l’ancienne , le claviériste se démenant sans compter y compris aux bongos! Final magistral.

Alors, punk un jour punk toujours? La thématique choisie pour ce 11 juillet a montré qu’existe encore une forme d’exagération furieuse dans divers formats du rock. Le Raw Power de ceux qui veulent bousculer avant de séduire, pousser le ton en exacerbant leur son . Les pionniers du style sont – ils aujourd’hui dépassés, obsolètes? Honnêtement mieux valent les épais surlignages stabilo de PIL ltd 2025, plutôt que l’aseptisation Pistols qui , sans s’auto parodier, ne nous montre rien… L’esprit punk demeure mais sous d’autres déclinaisons qu’en 1976. Rien de plus logique. La deuxième journée de Jardin Sonore a eu le grand mérite de le démontrer, réussissant une programmation qui tint compte de l’ histoire d’un style et d’un mouvement artistique et culturel essentiel de la fin du XXème siècle.


Peintre et guitariste, adepte de Telecaster Custom et d’amplis Fender. Né en 1962 – avant l’invention du monde virtuel – pense que la critique musicale peut-être un genre littéraire, objet idéal pour un débat en fauteuil club millésimé.