Le lp Who’s the boss in the factory ? est paru en 2008. Ok, ce n’est donc pas une nouveauté, mais il y a des disques qui valent la peine qu’on les ressortent des bacs, des rayons du disquaire ou de sa discothèque. On pioche ici dans la caisse du rock prog, c’est entendu. Vous savez, ce style moqué après qu’il a dominé toute une grande décennie du rock et de la musique pop. Chez Dark Globe on a les oreilles larges et bien ouvertes. Allons donc hors des chapelles.
Tout d’abord il faut dire une chose : le boss, c’est Karmakanic ! Et en particulier le bassiste Jonas Reingold , qu’on connait avec Flower Kings. Je réponds sans détour à la question. Le side project incontournable pour fan de prog mélodique, vous l’avez maintenant sous les yeux, dans le casque stéréo aussi… Je l’espère.

photo par Hard Van Den Heuvel
Mais diable, du rock progressif suédois ? vous aussi vous pensiez que la production musicale de ce pays s’arrêtait à ABBA et à a-ha ? ha ha , je me gausse, vous n’avez donc jamais entendu Karmakanic et ses musiciens virtuoses sortis tout droit du valhalla ?
Imaginez un univers grandiose et mélodique qui vous rappellera souvent le meilleur de Yes et Genesis! ces albums concept qui vous font encore frissonner si vous savez apprécier le prog.
Ce qui frappe d’entrée, c’est la durée des morceaux. A l’ancienne, le morceau d’ouverture « Send a message from the heart » dure près de 20mn , le temps de monter une étagère Ikéa ! On y trouve toute la palette de la prog symphonique ; des passages épiques, des chœurs puissants, des montées, des descentes (forcément), des riffs ravageurs ! Claviers et guitares s’élèvent ensemble dans une parfaite harmonie. Le morceau n’est pas sans rappeler l’excellent « Close to the Edge » de Yes grande époque.
Autre moment fort, le génial « Who’s the boss in factory ? » (il ne dure que 13 mn – mais nous n’en sommes pas encore aux 2mns des Ramones, je vous le concède…). Pour autant sommes-nous dans les digressions ou le bavardage ? J’affirme que non.
Le refrain est puissant, le solo de piano est à se damner en mangeant des krisprolls . Rien que pour ces deux raisons nous restons dans le registre d’un rock qui se tient et ne s’égare pas.
« Two Bloks from the Edge », avec son saxo nous évoque Crime of the Century, le très grand album prog de Supertramp. La mélodie nous reste en mémoire. Le chanteur est capable de passer du registre lyrique à des instants plus doux avec une facilité déconcertante.
« Eternally party I and II », aux séquences de piano classique nous plonge dans un univers romantique. L’utilisation de l’accordéon dans la seconde partie, le solo de guitare qui va crescendo, la voix puissante de Goran Edman nous donnent l’impression d’être dans Phantom of the Paradise de De Palma, avec son univers glam seventies. Sans faire le coup de la nostalgie, c’est tout simplement sublime parce qu’on nage dans le baroque et la pop à la fois, exercice qui a pu être casse-gueule, mais qui ne l’est pas avec Karmakanic.
Ce qui fait la force de cet album, c’est bien sur le talent de ses musiciens. Le groupe joue avec ambition des constructions musicales sophistiquées. Les claviers sont somptueux, les guitares alternent entre punch et délicatesse, la basse est très expressive (elle me rappelle un peu Jaco Pastorius dans le jazz fusion). Le batteur quant à lui, s’appuie sur un jeu subtil et complexe fréquent dans le prog. Il assure ses fills de batterie et annonce les passages. Est-ce d’ailleurs ce que reprochaient les punks aux musiciens de rock progressif ? Ils jouaient trop bien … Je ne sais pas ce que cela veut dire.
Alors oui, c’est vrai, le prog a souvent eu tendance à verser dans la démonstration, un petit pêché du genre au milieu des années 1970 et début 1980 (fin de partie toutefois et déclin du style). Mais dans ce cas précis, ce n’est pas… le cas! Pourquoi ? Cet album n’oublie jamais l’émotion. La technique musicale, les séquences qui se croisent ou s’ajoutent, décident de sortir du format pop, du format initial du rock de Berry, Cochran, Gene Vincent , pour créer une œuvre riche qui se préoccupe de musique avant tout, cherchant une dimension non pas boursouflée mais structurée et capable de déployer un large registre de sensations sonores.
Un must du prog résilient de ce nouveau siècle.
https://insideoutmusic.bandcamp.com/album/whos-the-boss-in-the-factory

Je voulais être David Gilmour ou rédacteur à Dark Globe… J’ ai finalement choisi la seconde option!