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Disques

Purity Ring / Shrines

Après les singles sortis ces dix huit derniers mois et la prestation scénique au cachet intimo-ésotérique du Baron (rapidement évoquée dans ces mêmes pages voici quelques semaines) en guise de lascifs souffles glacés glissant le long de l’échine, l’album des Purity Ring (qui, pour information, sortira bizarrement dans nos contrées fin Août avec un mois de retard sur l’Angleterre et les USA ; mais en ces temps de fin du monde, je vous le concède, plus rien ne me surprend) était attendu sur le bureau de DarkGlobe Unlimited avec une curiosité fourrée aux graines de conviction.

En effet, au fur et à mesure des singles et autres morceaux dévoilés sur le web (« Obedear » et le single « Fineshrines ») au cours des semaines précédant la sortie de la galette, et sans oublier leur concert évoqué plus haut, le défrichage de l’univers des deux jeunes Canadiens (Megan James -chant- et Corin Riddick -machines, percussions-) apparaissait déjà bien entamé et ses frontières, entre lesquelles les gimmicks musicaux jaillissaient comme autant de révélateurs d’une identité affirmée, perceptibles. La cohésion se révélait ainsi dans des caractéristiques stylistiques fortes, et arrêtées : une électro ultra mélodique et pourtant portée principalement par des minutieuses et précises rythmiques, un espace musical construit à coups de ricochets et des montagnes russes d’effets sonores sur lequel flottaient la voix cristalline aux intonations presque enfantines et les mots directement extraits du journal intime de Megan James ; médium vocal et cryptique d’un onirisme inconscient, infectieux et insidieusement dérangeant, à la sensualité trouble comme sur « Lofticiries » ou sur le duo « Grandlove » avec Young Magic tout en teintes contrastées dans les timbres.

Shrines joue sur le faux-semblant en glissant le long d’une ligne de démarcation ténue et poreuse alternant rêve et cauchemar : si la pop d' »Obedear » éblouit directement comme un soleil noir ne cachant rien de sa monstruosité, d’autres chansons se dissimulent derrière l’apparence de berceuses électroniques (« Fineshrines », « Ungirthed » par exemple) éblouissantes d’une prétendue naïveté personnifiée par la voix de James et la programmation faussement dépouillée de Riddick, pour mieux révéler une horreur primaire incarnée sous la forme de créatures rampantes (« Crawlersout »), de paysages couverts d’os ou encore de crânes ouverts (« Ungirthed »). Mais pour James, le corps n’est pas uniquement destiné à pourrir ; il conserve son caractère sacré voire mystique. Il s’ouvre littéralement dans « Fineshrines », évocation horriblement charnelle d’une étreinte viscérale et chargée de douleur comme la concrétisation organique de la fusion amoureuse (« Get a little closer let fold / Cut open my sternum, and pull / My little ribs around you / The lungs of me be under, under you« ) et sert de médium pour un passage de l’autre côté du miroir sur les beats électroniques de « Belispeak » (« Drill little holes into my eyelids / That I might see you / That I might see you in my sleep« ).

Finalement, c’est vers le surréalisme que Shrines semble flotter : non seulement grâce à cette expression littérale chez Megan James de l’inconscient (évoquant presque l’écriture automatique) et des peurs fondamentales mais aussi de ce plaisir évident à jouer avec le mot pour créer du sens (les titres des chansons comme autant de formules et combinaisons) ou simplement du son, de cette manière de placer le corps au centre de son discours, de le connecter à son univers physique (les allusions à la nature abondent) et de le remuer sur la mise en scène rythmique, hypnotique et paradoxalement électroniquement sensuelle de son acolyte. Rarement les ténèbres auront été aussi envoûtantes.

« Obedear »
« Fineshrines »
« Ungirthed »

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