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Insight

Brian Jones, la première rock star anglaise

 Le garçon était vraiment « a naughty boy » , comme le décrit un commentateur dans le documentaire Netflix qui lui est consacré. Brian Jones, numéro 2 du sinistre « Club des 27 », n’a pas vraiment eu de son vivant la reconnaissance qu’il méritait. Les choses vont parfois de travers, alors qu’ on pouvait logiquement espérer tout le contraire. Si le mauvais sort a coulé Brian Jones à la fin des années 1960, lui refusant ainsi définitivement un succès légitime pour en faire un des grands sacrifiés de la pop music, il ne faut pas perdre de vue que ce fût lui le véritable fondateur des Rolling Stones qui, au fil des décennies, allaient connaître l’ascension que l’on sait. Viré de son propre groupe par ses pairs le 8 juin 1969, pour inaptitude acquise et incapacité à tenir une place à la hauteur de nouveaux enjeux, puis retrouvé mystérieusement noyé dans sa piscine le 3 juillet de la même année, Jones aura brûlé la chandelle par les deux bouts à vitesse grand V et cumulé les tuiles… De quoi créer une légende. Ceci dit, Brian Jones c’est aussi la première rock star anglaise: il n’y a qu’à regarder ses looks incroyables sur les photos des années 1960 pour s’en rendre compte. Cela ne dura pas, mais celui qui se démarque, ose d’abord le truc fou, hors champ, c’est lui, le blondinet à la frange longue et épaisse. Si on considère le déroulé de sa courte vie, on pensera sans doute que « hors champ » il le fût un peu trop pour tenir le coup dans une entreprise de l’ampleur de celle des Rolling Stones… Question de dosages ?

Au début de l’aventure des Stones, c’est donc lui qui est le patron du groupe. Mick et Keith, banlieusards de Dartford, viennent à Londres pour le voir au Ealing Club au printemps 1962. Il n’a que vingt ans, joue de la guitare et de l’harmonica, mais se révèle de plus un multi instrumentiste doué, passionné de jazz et de blues. Jagger et Richards sont dans une autre formation ( Little Boy Blue & The Blues Boys ) mais décident de le rejoindre , après des heures passées ensemble à discuter de leurs passions communes. Ils prennent le nom de The Rolling Stones ( trouvé par Jones) avec Charlie Watts à la batterie et Bill Wyman, bassiste qu’ils surnomment « Tonton », un garçon un peu plus âgé , musicien expérimenté et possesseur d’un énorme ampli ce qui représentait un avantage sur nimporte quel autre postulant.

Les Rolling Stones en 1963

Si dans les premières années du groupe ( disons jusqu’à la sortie de « Satisfaction ») tout va passer par Jones ( arrangements musicaux, organisation des concerts, contacts avec les managers et maisons de disques…), au fur et à mesure que les Stones avancent, les reprises de blues et de rythmn and blues ne suffisent plus à constituer un répertoire. Le groupe doit écrire ses propres chansons et Brian coince sur ce point : il est incapable de composer un titre entier… Mick et Keith prennent la main, poussés par le manager du groupe, Andrew Oldham, et le petit blond d’un mètre soixante dix qui faisait se pâmer les fans féminines, est relégué au second plan.

1965 est l’année de la rupture.  « (I Can’t Get No) Satisfaction », écrit par Jagger-Richards est le premier tube mondial du groupe londonien. Jones prend moins d’importance, devient moins décisionnel et ce n’est plus à lui qu’on s’adresse en premier pour les orientations artistiques comme pour le reste. Début de glissade… Brian qui a souvent couru les jupons, vit à ce moment là avec une des plus fameuses égéries et groupies des sixties: Anita Pallenberg. Dans une tourmente amoureuse et un temps où les mœurs sont relâchées, la relation des deux devient très compliquée … Pallenberg le quitte pour Keith Richards, ne supportant plus ses écarts mais aussi ses humeurs très changeantes ou ses colères. Cette dérive du tempérament et du comportement de Jones rend aussi la vie des Stones bien souvent délicate. Des tensions apparaissent et Jones prend divers anxiolytiques, des sédatifs ( le Mandrax) qu’il mélange à beaucoup d’alcool. Tout ça pour se sentir mieux, mais il faut croire que c’est l’effet inverse qui est produit. Malgré les avis des médecins consultés, Jones continue ses excès qui ont pour conséquence de le déconnecter de la musique jouée par ses compagnons. Si Wyman est le plus indulgent, Jagger et Richards ont les nerfs mis à vif par leur band mate de moins en moins collaboratif et de moins en moins dans le coup. Jones ne vient pas toujours en studio, oublie de répéter, et ce comportement pourrait mettre en difficulté l’avenir des Rolling Stones qui ne manquent pas d’ambition… S’il n’est pas le seul à consommer des drogues, il est en tous les cas le premier à se faire rattraper par la justice à ce sujet. Mauvaise publicité et coup au moral… En 1968, il quitte Londres et s’installe dans le Sussex. Il achète un très grand cottage ayant appartenu au créateur de Winnie l’Ourson, Allan Alexander Milne, situé à Hartfield en pleine campagne anglaise. Veut-il se « mettre au vert »? Possible comme pas…Cotchford Farm, le nom de la maison, est à priori l’endroit idyllique pour se remettre un peu en forme, avec piscine et parc tout autour. Milne , décédé en 1957, la maison a besoin d’un coup de fraicheur et Jones embauche Frank Thorogood, entrepreneur local, pour la rénovation nécessaire des lieux. Légende ou vérité, ce Thorogood ne fût sans doute pas le meilleur choix possible…

Depuis 1967, très clairement, les choses vont plutôt mal pour Jones. Sentimentalement d’abord. La rupture avec Anita Pallenberg est actée le 27 février 1967. Les Stones qui voyageaient à destination du Maroc doivent le laisser à Albi, où il est hospitalisé pour asthme et pneumonie… Quand il les rejoint quelques semaines plus tard, il se retrouve très vite seul, abandonné sur place… Jagger, Richards, Faithfull ( alors petite amie de Mick) et Pallenberg rentrent à Londres sans le moindre mot pour lui. On ne pouvait rêver mieux en guise de convalescence! Sur le plan judiciaire il est condamné, coupable de possession de stupéfiants. Ce jugement a pour effet de lui interdire toute participation aux tournées américaines. Soit , pour trois ans ( durée de la peine), une mise à l’écart professionnelle sur tout le sol américain où le groupe se produit souvent et désormais sans lui. L’écart se creuse un peu plus quand les Stones partent en tournée. Comment le vit- il? Mal puisqu’il s’enfonce davantage dans ses mauvaises habitudes de vie…Sur le plan musical, il participe néanmoins avec brio aux arrangements et orchestrations de l’album Aftermath ( avril 1966). Il sera aussi très créatif lors de l ‘enregistrement de l’album psychédélique des Rolling Stones , Their Satanic Majesties Second Request ( 1967). L’ami de John Lennon et de Jimi Hendrix reste encore, à cette date, un musicien accompli, dans la mesure où ses démons lui en laissent les moyens bien entendu.

Brian Jones en 1967.

Pour les enregistrements des Stones qui vont suivre , sa présence et ses compétences deviennent par contre hasardeuses et irrégulières. Il participe peu aux sessions de Beggars Banquet (1968), album d’un renouveau musical. Ses contributions se limitent à une guitare slide sur « No expectations » et une séquence de sitar sur « Street Fighting Man ». C’est très peu. Il apprend péniblement la guitare rythmique de « Sympathy For The Devil » ( cf One + One de JL Godard qui le filme en studio avec Jagger). Au mixage final sa partie ne sera pas retenue. Avec Hendrix, qui lui demandait de jouer de l’orgue sur une reprise de Bob Dylan, « All Along The Watchtower », Jones se révèle incapable de jouer les trois accords du titre lors de la session studio… Il se contente très modestement ( voire pitoyablement) du tambourin, en raison de son abrutissement par les drogues et les médicaments qu’il consomme…

En décembre 1968, The Rock and Roll Circus est un show filmé, organisé par les Stones. Toute la fine fleur du rock anglais est réunie pour l’occasion. Ce sera l’ultime participation de Brian Jones à un projet du groupe qu’il avait lui-même créé six ans plus tôt. Grandeur et décadence? Ou la faute à pas de chance? Jones avait pourtant beaucoup d’atouts entre les mains et les années 62/67 avaient fait de lui une véritable star . Son aura s’est éclipsée à la fin de la décennie, jusqu’à son extinction finale.

Le 8 juin 1969 Brian Jones est viré des Stones. Retiré à Hartfield, quelques membres du groupe font le déplacement pour lui annoncer la nouvelle, sans trop de ménagement. Comment le prend t-il? Au point où il en est, difficile de dire si ce fût un nouveau choc ou une sorte de soulagement qui lui laisserait le temps de se retourner et , pourquoi pas, repartir sur un nouveau projet comme jouer de la guitare blues avec Creedence Clearwater Revival? Il lui reste cependant moins d’un mois à vivre… Le 2 juillet, une party est organisée à Cotchford Farm. Pendant la journée il a fait décamper les maçons employés par Thorogood. Jones pense que ce dernier l’arnaque et profite de lui…

Que s’est-il ensuite vraiment passé dans la nuit du 2 au 3 juillet? Les avis divergent et il désormais trop tard pour connaître la vérité sur ce qui aura provoqué la mort de Brian Jones cette nuit là, à l’âge de 27 ans seulement … Selon les points de vue les plus répandus, Frank Thorogood et le Stones en rupture se seraient disputés assez vivement. Sortant de la maison, au bord de la piscine, la dispute aurait continuée entre les deux hommes qui en seraient venus aux mains. Thorogood a t- il plongé la tête de Jones sous l’eau, recommençant plusieurs fois son geste avant de s’en aller sans se préoccuper de l’état de son employeur inanimé dans le bassin? Rien n’est sûr ni prouvé. D’autres déclarations imprécises, émises par les personnes présentes cette nuit là, déclarent que Jones aurait été jeté dans la piscine où il se serait noyé tout seul…L’enquête qui ne fût pas véritablement poussée très loin, conclut que le musicien blond, devenu gracile et bouffi, était mort noyé , victime de ses abus de drogues et d’alcool. Fin de l’histoire.

« C’était un bon nageur mais il était aussi asthmatique et bourré de barbituriques, entre autres sales trucs qu’il avalait par poignées ». ( Keith Richards).

Le rock and roll est ingrat et il ne vous sauvera pas la vie si vous ne le faites pas vous-mêmes. Le grand plongeon rédhibitoire d’une rockstar qui s’appelait Brian Jones…

 

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