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Live Reports

Clues + DD/MM/YYYY – L’épicerie Moderne (Lyon), 24/02/10

« Ils sont forts ces Canadiens ». C’était soirée poutine* à l’épicerie hier soir, et l’épreuve reine de descente de décibels des JO de Vancouver était délocalisée à Feyzin. Deux médaillés d’or ex-aequo, DD/MM/YYYY et Clues. Les premiers, quintette de Toronto, aux looks et aux artworks résolument lo-fi quoique bien trompeurs ; les seconds, originaires de Montréal dont ils alimentent la scène indie locale depuis des années, signés sur le prestigieux label Constellation, union fortuite d’un ex-Unicorns à la voix aiguë mais pas fluette, et d’un ex-Arcade Fire derrière les fûts. Un petit goût de ce qui se fait de mieux en ce moment chez nos cousins Québecois et leurs voisins?
DD/MM/YYYY (prononcer « Day Month Year » quel nom tordu pour un groupe je vous l’accorde, mais à bien s’y pencher cela n’a rien de vraiment étonnant) n’est pas ce qu’on pourrait appeler un petit nouveau. Formé en 2003 et se tenant depuis lors au rythme soutenu mais néanmoins honorable d’un disque par an, le groupe n’en est pas à son premier passage dans notre belle et décrépite ville de Lyon puisqu’ils avaient joué au Sonic en novembre 2008 (rien de bien étonnant là encore, ce n’est pas au Kao qu’on s’attend à voir ce genre de groupe). Sur le papier, on avait de quoi se méfier, parce que le rock avant-gardiste expérimental au bontempi, c’est un peu comme un gratin de pâtes, si tu le laisses trop longtemps au four c’est tout sec, ça n’a pas de goût et c’est immangeable. Mais va comprendre, quand le four s’appelle l’Epicerie Moderne et que la scène est suffisamment large pour que les cinq musiciens puissent s’exprimer, la sauce monte comme par enchantement. Déjà, quand à trois minutes du début du set trois des membres du groupe s’attroupent autour d’un clavier que l’un d’entre eux est visiblement en train de trafiquer avec un fer à souder, je sais pas vous mais moi ça me titille la curiosité.

[youtube]I0E59UGTWNE[/youtube]

Dès les premières secondes, je suis complètement emballé. Peut-être le fait d’assister au concert depuis le premier rang, de pouvoir mesurer l’énergie distillée par les cinq gars à la sueur qui perle de leurs fronts. Tout repose là dessus finalement, les structures irrégulières et alambiquées – parfaitement exécutées d’ailleurs – tout repose sur la force avec laquelle le percussioniste maltraite sa pauvre caisse claire, avant de sampler ses parties de percus frénétiques à l’aide d’un pickup positionné juste au dessus, et de les distordre en les passant dans des boucles d’effets, delays, pitchshifters et autres joujoux à sa disposition. Tout est millimétré mais cela ne transpire pas (au sens figuré, je vous l’ai dit parce qu’au sens propre…) et les musiciens continuent à surprendre, allant jusqu’à changer de rôle au milieu d’un morceau, chantant et criant tour à tour les mots d’une phrase avec une certaine déxtérité vocale qui n’est pas sans rappeller les plus jeunes Minnaars (qu’on avait découvert au Sonic à la rentrée 2009) avec lesquels on leur trouve finalement pas mal d’affinités. DD/MM/YYYY offre une prestation très vivante et désinhibée, qui relègue totalement la complexité de leur musique au second rang et la rend de fait beaucoup plus accessible que ce que l’on peut écouter sur leurs disques. Après un peu moins d’une heure de set qui est passée comme une lettre à la poste, les lumières se rallument et c’est fini. On en aurait bien repris, de ce gratin de pâtes là.

Ce sont par la suite deux hommes qui montent sur scène pour ouvrir le set de Clues : l’un avec une sorte de flûte, l’autre chantant d’une voix passée aux effets ce qui semble être un chant traditionnel. (On me souffle dans l’oreillette qu’il s’agit en fait de l’ingénieur du son de Clues accompagné d’un de ses amis, et que le titre en question est « Jérusalem de Mon Cœur »).

Lorsque Clues, Alden Penner en tête, montent sur scène, c’est sur des sonorités bien plus familières. La formation est quelque peu atypique puisqu’outre Penner à la guitare et au chant, deux claviers (dont un troque les keys pour une basse sur certains morceaux) ce sont deux batteurs qui assurent le corps rythmique de Clues. Il faut dire que c’est efficace, et que les deux partitions de batteries ont été finement travaillées pour que la combinaison fonctionne. On est loin des groupes qui ont parfois recours à deux batteurs (jouant bien souvent strictement la même partie) simplement pour gonfler la rythmique et avoir un peu plus de présence sur scène.

Allant de plus en plus vite, après « You Have My Eyes Now » qui voit Brendan Reed quitter les fûts quelques minutes pour prendre le micro (sa posture « école des fans » peu assurée en total décalage avec son chant très bien exécuté), Clues s’emballe petit à petit dans un délicieux crescendo, envoyant des morceaux de plus en plus énergiques pour finir en véritable apothéose sur les inévitables « Ledmonton » et un « Approach the Throne » au tempo doublé par rapport à la version que l’album a à nous offrir. Penner lui, sait se révèler touchant, faisant monter sa voix fragile dans les aigüs ou la renforçant sur les passages qui l’exigent, sachant aussi se mettre en retrait quand il le faut – les qualités d’un grand frontman, discret mais pourtant incroyablement présent.

[youtube]jpsJAdrtXxE[/youtube]

Malgré une demande plus qu’insistante, Clues s’acquittera d’un seul et unique titre en maigre rappel, laissant son auditoire pourtant captivé un peu sur sa faim après à peine une heure de concert. Talentueux, le nouveau poulain de la scène montréalaise, cela ne fait absolument aucun doute. Mais dites, chez Constellation, il va falloir les briefer un peu sur la durée des concerts, les petits nouveaux…

Photo titre : Stéphanie J.
Remerciements à l’équipe de l’Epicerie Moderne.

* Poutine, plat diététique canadien typique à base de frites, de sauce et de fromage fondu.

2 comments
  1. stephanie J.

    C’est vrai qu’ils sont forts ces canadiens !
    Ouh ! Voilà un comment qui fait avancer le biniou :-)

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