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Disques

Craft Spells / Gallery EP

Cela va sans doute te paraître comme une évidence, ami lecteur : lorsque tu t’entiches de quelqu’un, tu espères toujours un tant soit peu de mystère, de difficultés, de curiosités avant de tripoter et galocher avec une passion toute amoureuse l’objet de ton désir. La rencontre clés en main, ça renifle quand même le tue l’amour ; un peu comme si Meetic te dégotait ton âme soeur sans passer par les quinze plans culs, les trente repoussoirs sociaux dont personne ne veut et louait directement costard et limousine pour te remorquer jusqu’à l’autel avant même que tu aies rencontré ta promise. Toute proportion gardée, c’était un peu ce qui s’est produit lorsque l’on m’a présenté, grand sourire aux lèvres, Idle Labor, l’album de Craft Spells en m’assénant comme uppercut un fourbe: « Tu devrais aimer ». Pas la peine de faire ma coquette ; bien sûr que j’ai apprécié les délicates mélodies emballées dans un mouchoir de poche, l’atmosphère élégamment maussade de la galette, les références appuyées en direction de l’indie pop des eighties, la voix bouchonnée et indolente de Justin Paul Vallesteros, Monsieur Craft Spells himself, et le charmant DIY évident et un peu maladroit qui renforce la fragilité désarmante de l’ensemble. Par contre, il m’aura sans doute manqué ce soupçon d’emballement et de passion, comme un contrecoup de cette découverte tronquée de l’album et de l’abondance de références musicales présentes sur le disque.

Avec la sortie d’un nouveau EP intitulé Gallery que l’on pourrait considérer comme un appendice musical de Idle Labor puisque utilisant grosso modo les mêmes ficelles avec une poudrée d’hédonisme en plus, découvrir si j’allais apprécier ou non les nouveaux morceaux relevait d’un cliffhanger éventé de « Plus belle la vie ». Que ce soit à cause du sautillant et emballant « Still Left With Me », tout en boîte à rythmes importée directement d’un hard discount mexicain, de la saveur douce amère de « Warmth », de l’alchimie mélodique toute simple de « Burst » en mode New Order, claviers et guitares mêlés soutenus par des lignes de basse profondes ou de la disco toute riquiqui, brinquebalante et désarticulée de « Leave My Shadow », difficile de ne pas aimer Gallery, voire même de ne pas parfois le préférer à l’album. Malgré tout et paradoxalement à cause du capital sympathie que l’on éprouve pour le bonhomme Vallesteros et du talent qu’on lui imagine, on a sans doute moins envie d’être patient avec lui qu’avec certains de ses collègues évoluant dans des eaux musicales similaires. Reste une envie de lui botter un peu les fesses pour qu’il se dégage peu à peu de ses influences, de cette mode rétro passagère, avant qu’elle ne soit totalement passée et ne disparaisse avec lui. Mais peut-être que Justin s’en est rendu compte. Sur le morceau « Gallery » qui clôt le EP et dont le titre semble évoquer le champ lexical de toutes les compositions passées, l’affaire se ralentit soudainement à la manière d’un dernier regard porté derrière soi et d’un chapitre que l’on referme. C’est finalement tout ce que l’on peut lui souhaiter, afin que l’affection portée à sa musique gagne en maturité, personnalité et surprises et ne se savoure plus uniquement comme une évidence.

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