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Disques

Girls / Father, Son, Holy Ghost

Girls avait déjà marqué les esprits début 2010 avec un premier album on ne peut plus sobrement intitulé Album, s’attirant les faveurs du public indie pop, qui trouva en l’écriture et en la voix de Christopher Owens un charme et une fraîcheur comme il n’en voit que rarement. Balayant un spectre de styles étonamment vaste, empruntant çà et là au post-punk, aux surf rock seventies, parfois aux accents « innocent pop », l’excellent « debut » Album n’était pourtant pas exempt de quelques erreurs de jeunesse, sa fougue en tête, Owens faisant preuve d’une grande audace (un chant sur « Lust for Life » d’une excentricité clairement voulue, mais pas vraiment mesurée?) qui pouvait rendre le disque difficile à aborder.

Tout comme avec l’éventail de genres que (re)visitait Album – la recherche d’un son qui n’aurait de valeur que son unicité n’est pas un but franchement avoué ici, même si Girls n’en est pas toujours si loin – il est difficile de trouver sur Father, Son, Holy Ghost deux chansons qui se ressemblent, ne serait-ce que grossièrement. Exemple s’il en faut, « Die » et ses guitares hard-rock seventies, qui font le grand écart avec la pop doucereuse de « Saying I Love You » comme « Morning Light » le faisait avec « Curls » il y a un an et demi. Mais ce qui se trouve être le ciment dans lequel s’ancrent ces chansons – ici, la voix et les textes d’Owens, sa façon de s’adresser à l’oreille qui l’écoute et la simple bienveillance de ses messages – est bien plus présent et touchant aujourd’hui qu’il ne l’était sur Album. Ajoutez à cela les ingrédients d’une parfaite recette de pop song, couplet, refrain, pont, structures on ne peut plus classiques mais qui laissent alors une grande place à la narration; lorsque celle-ci évolue, que le chant raconte une histoire, le chanteur devient acteur, et l’alchimie opère. Owens, justement, possède toutes les qualités pour çà, et c’est quand enfin il s’ouvre davantage, cherche et trouve ce ton confident, assouplissant parfois son timbre jusqu’à le réduire au murmure (et évoquant ainsi la voix regrettée d’Elliott Smith, comme sur « Just A Song » et son instrumentation éthérée, ou le charmant « Forgiveness ») qu’il livre ses meilleures chansons. Souvent d’ailleurs ce chant-là résonne et lui sied bien mieux que l’insouciance acerbe déguisée dans les vocalises parfois un peu trop maniérées de « Goddamn » ou « Laura » (extraits du premier album), tout second degré mis à part, maintenant délaissées – à part sur peut-être sur le seul « Honey Bunny » – au profit d’une certaine introspection qu’on apprécie bien davantage. Du coté de l’instrumentation, Girls, dont le line-up a légèrement évolué, se veulent toujours aussi décomplexés, enchaînant les clins d’oeils (slows sixties avec « Love Like a River » et son orgue Hammond, ou le break épique de « Vomit », premier single) mais, semble-t’il, avec le souci toujours présent de ne pas trop s’éparpiller. Et puis surtout, en clé de voute, il y a ce tube pop-rock, « Alex », complainte d’une voix adolescente et faussement désinvolte qui cherche à se livrer corps et âme sans pour autant risquer de perdre son frêle équilibre: « Who cares? Well, I don’t« . Finalement, peut-être, un assez bon résumé de ce qu’est Father, Son, Holy Ghost: un disque qui cherche un temps à cacher timidement sa fragilité, pour finir par l’assumer et y trouver sa substance.

En écoute: « Alex »

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