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Interview – Beach Fossils

Beach fossils_2Si nous avions directement succombé à la pop nerveuse, péchue, directe et juste évidente de leur second album Clash the Truth, après leur fabuleux concert de la Maroquinerie au mois de Mai, nous avions aussi mis à jour notre agenda mental avec ces quelques instructions: essayer de choper Dustin Payseur, Monsieur Beach Fossils, pour une interview lors de la prochaine venue du groupe sur Paris. Coup de bol, le retour sur la capitale de l’un des groupes phares du label de Brooklyn, Captured Tracks, était déjà programmé pour début Septembre.

Pourtant, ce dimanche après-midi, à voir les quatre musiciens faire leur balance, il est difficile de ne pas se sentir un peu désolé de les importuner avec nos questions. En effet, même si ce n’est que le début de leur tournée européenne, ils ont tous l’air sur les rotules, encore dans le dur, entre décalage horaire qui traine et série de concerts quotidiens.La veille encore, ils jouaient en Belgique, en plein air, au festival Deep in the Woods. En conséquence, la plage du Glazart, en plus d’être un lieu évidemment plus qu’approprié pour un concert des Beach Fossils, n’allait pas spécialement les dépayser. Manque de bol supplémentaire pour le quatuor, l’une des pédales d’effets de la guitare de Dustin ne fonctionne plus. Tandis que les trois autres membres du groupe se penchent sur le problème, il s’éclipse tranquilou pour taper la converse. A son regard, nous comprenons rapidement qu’il préférerait surement profiter de ce moment de calme pour piquer un petit roupillon mais nous sommes juste heureux de constater que c’est sa politesse qui l’emporte.

Voici un peu plus d’une semaine (le 31 Août et le 1er Septembre 013, NDLA), Captured Tracks a fêté ses cinq ans d’existence avec un festival réunissant sur deux jours de concerts la quasi-totalité des groupes du label. C’était comment? 

Vraiment génial. Je ne me suis jamais retrouvé à un endroit entouré d’autant d’amis. Tout le monde était de très bonne humeur. Etre rassemblés tous ensemble, c’était une expérience mémorable et extraordinaire.

Les groupes new-yorkais du label collaborent beaucoup ensemble. Est-ce que tu te sens aussi proche de ceux qui sont plus distants géographiquement ?  

Tous les groupes de New-York ont tendance à traîner ensemble: Mac de Marco, Cole de Diiv … Mais je suis pote avec tout le monde, même ceux qui ne vivent pas sur New-York. J’ai collaboré sur certains projets qui sont encore en gestation et je suis très ami avec les gars d’Holograms qui vivent à Stockholm. Captured Tracks ressemble beaucoup à une grande famille, tu sais. Peu importe la distance, il y a vraiment une connexion très forte entre nous.

Tu vivais en Caroline du Nord. Est-ce que tu as déjà réfléchi à ce à quoi ta vie aurait ressemblé si tu ne t’étais pas installé à New-York?

Je ne serais jamais resté croupir en Caroline du Nord. La vie y était ennuyeuse à mourir. Lorsque je suis parti, je me suis promis de ne jamais revenir.

« Je ne serais jamais resté croupir en Caroline du Nord. La vie y était ennuyeuse à mourir. Lorsque je suis parti, je me suis promis de ne jamais revenir. »

Etait-il difficile de jouer de la musique là-bas?

Non, ce n’était pas compliqué. J’enregistrais tout le temps mais à chaque concert, tous les soirs, je me retrouvais à jouer devant la même poignée de personnes. Ce qui devient extrêmement frustrant à la longue. Les choses stagnent, tu te rends rapidement compte que tu ne vas nulle part, que tu te retrouves dans une impasse et que la seule solution pour t’en sortir est de partir. A 22 ans, New-York me semblait l’endroit idéal. Même si au début, c’était vraiment galère: j’avais un boulot merdique, j’étais totalement fauché et la vie est tellement chère la-bas. Cette période est sans aucun doute la plus déprimante de ma vie new-yorkaise. J’étais complètement paumé et je ne savais pas quoi faire. Cela me faisait horriblement chier mais j’ai même envisagé de repartir en Caroline du Nord et d’y finir mes études afin de retourner sur New York avec un « vrai » travail. Même si un taf sérieux était la dernière chose au monde que je désirais. Tout cela s’est déroulé avant que Beach Fossils ne commence. J’ai enregistré trois chansons que j’ai envoyées à différents labels et c’est ce qui m’a sauvé. Captured Tracks m’a contacté pour me dire « Sortons un disque » et j’ai pensé « Putain ouais, je reste à New-York ».

Est-ce que ta vie artistique actuelle correspond à ce que tu espérais lorsque tu vivais en Caroline du Nord?

Ca va bien au-delà. Je n’aurais jamais pensé que j’irai un jour en Europe voire même en Asie. Je me souviens que lorsque je vivais en Caroline du Nord, je devais aller faire un concert à New-York et je n’arrêtais pas de me répéter « Je ne peux pas croire que je vais aller faire un putain de concert à New-York ». Même à cette époque, cela ne me semblait pas réel, j’avais du mal à me persuader que j’allais voyager et jouer ailleurs que dans ma ville. Et maintenant, c’est ma vie. C’est complètement dingue.

Il y a une interview carrément surréaliste que vous avez faîte en Thaïlande qui traîne sur YouTube. 

Je vois de quoi tu parles. Ce jour-là, nous avons fait quelque chose comme quinze interviews à la suite et à chaque fois, les journalistes nous posaient EXACTEMENT les mêmes questions. La seule manière que nous avions de nous amuser était d’y répondre d’une manière absolument décalée.

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L’Asie t’a plu?

Nous avons joué uniquement à Bangkok et Singapour mais les concerts étaient exceptionnels. Malheureusement, nous avons dû annuler le reste de notre tournée asiatique car nous devions entrer en studio pour enregistrer le second album. Mais peut-être une prochaine fois.

Lorsque je vous ai vu à Paris, à la Maroquinerie fin Mai, tu as commencé le concert avec le morceau « Clash The Truth » en chantant au milieu du public.

Je me suis beaucoup amusé ce soir là. Débuter un concert au milieu des spectateurs, c’est pour moi une manière de les impliquer. Je préfère que ce soit un évènement physique. Je n’aime pas lorsque c’est trop séparé, lorsque les gens se contentent de nous regarder pendant que nous jouons. Je recherche toujours à interagir avec le public. Je rejette l’idée des limites à ne pas franchir; si quelqu’un veut monter sur scène, cela ne me dérange pas (ce sera d’ailleurs le cas lors du concert de ce soir, NDLA).

« Débuter un concert au milieu des spectateurs, c’est pour moi une manière de les impliquer. Je préfère que ce soit un évènement physique. Je recherche toujours à interagir avec le public ».

Pendant vos concerts, il y a un contraste assez étonnant avec votre batteur très concentré et le reste du groupe qui est très actif.

Tommy (Gardner, NDLA) peut paraitre stoïque sur scène mais c’est quelqu’un de très passionné. Il fait des arts martiaux et je crois que cela influence la manière dont il diffuse son énergie. Il a eu sa première batterie lorsqu’il avait un peu plus d’un an, est allé dans une école de musique, a étudié le jazz et joue du saxophone. Il  comprend la musique mieux que n’importe qui dans le groupe et est sans aucun doute le membre le plus talentueux.

Vos concerts sont impressionnants mais tu t’amuses pendant les tournées?

Lorsque tu as des journées de repos, c’est amusant. Mais en ce moment, nous tournons en Europe pendant un mois et nous n’allons pas nous arrêter un seul jour. En fait, les seuls jours pendant lesquels nous ne jouerons pas seront ceux pendant lesquels nous voyagerons en avion. Du coup, tout devient flou et tu en oublies mêmes les concerts que tu viens de jouer la veille. Après les concerts en Australie, Nouvelle-Zélande et Brésil, nous finissons par une tournée d’un mois aux Etats-Unis et je crois que ce sera tout pour cette année. Je vais commencer à travailler sur de nouveaux morceaux tout de suite après. Je préfère largement écrire à tourner. Ecrire, c’est amusant ; tourner, c’est une obligation.

Ton second album Clash the Truth est bien plus direct dans ses compositions et sa production que ton travail précédent. C’est quelque chose que tu voulais dès le début? 

Tout à fait. Mais c’est tout de même encore plus réservé, bien moins « prends ça dans la face » que ce que j’envisageais au départ. J’écris bien plus de musique que ce qui sort dont beaucoup de morceaux qui sont plus énergiques.

Tu as écrit 75 chansons pour Clash The Truth. Qu’est-il arrivé aux 61 autres qui ne figurent pas sur le disque?

Elles dorment quelque part. Les chanson existent, elles sont sauvegardées sur un disque dur mais je ne les sortirai pas et je ne crois pas que grand monde les entendra. Je n’aime pas me retourner en arrière. Au lieu d’utiliser quelque chose qui a déjà été fait, je préfère créer quelque chose de nouveau. C’est le plus important pour moi.

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Clash the Truth a été enregistré dans un studio professionnel. C’était une première pour Beach Fossils. Est-ce que tu penses renouveler l’expérience dans le futur?

Non. Ce sera probablement l’unique fois. Honnêtement, je n’aime pas aller en studio. Tu travailles trop vite, c’est extrêmement cher et tu dois réserver tes jours d’enregistrement des mois en avance même si tu ne sais jamais vraiment de combien de temps tu auras besoin. Donc tu arrives en studio en te disant « Merde, je n’ai que deux semaines » et tu te mets à travailler 14 heures par jour pour rentabiliser au maximum ton temps. Tu n’es pas non plus réellement créatif dans un studio, tu ne fais qu’allonger des pistes : « Voici la guitare, voici la batterie, voici ceci, voici cela ». Tu n’as pas de temps pour réfléchir à ce que tu fais alors que tu devrais pouvoir prendre ton temps, te reposer, laisser ton cerveau analyser la situation et revenir ensuite. Après, c’était vraiment génial de travailler avec Ben Greenberg de Hubble sur Clash the Truth. Il y a juste ces contraintes incompressibles de temps qui sont frustrantes. Si je pouvais disposer d’un accès libre, passer six mois dans un studio, ce serait génial. Mais pour cela, j’aurais besoin d’un million de dollars donc ça ne risque pas d’arriver (rires). Mais j’ai aussi mon home studio dans lequel j’aime beaucoup travailler même s’il ne correspond pas vraiment à ce que j’aimerais qu’il soit: à New-York, l’espace est extrêmement cher et je ne peux pas être bruyant à cause des voisins. En conséquence, je ne peux pas y enregistrer des parties de batterie ce qui est un véritable problème. En fait, je ne peux pas enregistrer quoique ce soit de bruyant à l’intérieur. Donc j’aimerais trouver un endroit où je pourrais faire du bruit à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit.

Dans ton interview pour Lords of Rock, tu expliquais que tu étais impatient de débuter un nouveau projet. Est-ce que tu considères que c’est la fin d’un cycle pour Beach Fossils?  

Oui, absolument. Je me sens arrivé à un point où le premier album, le EP et le second album me suffisent. Je suis heureux de la manière dont les choses se sont déroulées et je ne ressens actuellement aucun type de pression à enregistrer du nouveau matériel pour Beach Fossils. J’ai d’autres projets qui sont des priorités plus importantes selon moi.

« Je me sens arrivé à un point où le premier album, le EP et le second album me suffisent. J’ai d’autres projets qui sont des priorités plus importantes selon moi. »

Tu as l’impression d’être arrivé au bout de ce que tu voulais faire avec le son de Beach Fossils? 

C’est difficile à dire. Lorsque j’ai écrit le second album, j’essayais vraiment de faire du Beach Fossils au lieu de laisser mon inspiration voguer et de faire ce qu’elle voulait. Beaucoup des chansons qui ont été « recalées » sont différentes de celles qui ont fini sur l’album. Et puis, je ne sais plus où donner de la tête avec tous ces projets totalement différents sur lesquels je travaille. En plus, cela finit par m’ennuyer de travailler sur un type de son pendant trop longtemps. Beach Fossils est le premier groupe sur lequel j’ai eu la patience et pris le temps de m’investir autant. Cela ne m’était jamais arrivé auparavant. C’est pourquoi, à cet instant, il m’est donc compliqué de t’affirmer s’il y a encore quelque chose à faire ou non avec la musique de Beach Fossils.

Wild Nothing a sorti au mois de Mai un EP intitulé Empty Estate très différent de ce qu’il avait fait auparavant. J’imagine que tu pourrais faire la même chose sous le nom de Beach Fossils.

Oui, si je le désirais. Mais j’aime la cohérence; l’idée que lorsque tu écoutes un groupe, tu reconnais tout de suite le son. Même si, à nouveau, je ne suis sûr de rien pour l’instant.

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Tu ne veux pas me parler de tes futurs projets?

Je travaille sur trois voire peut-être quatre trucs très différents en ce moment. Mais je ne veux pas aller plus loin dans les descriptions car une fois que tu fais cela, tu traces déjà les contours de ton idée et tu commences à la tuer. Lorsque tu n’en parles pas, tu lui laisses de l’air pour respirer.

Après tout ce que tu m’as raconté, je ne peux pas m’empêcher de poser la question: as-tu déjà été diagnostiqué comme hyperactif?

Tout à fait! Lorsque j’étais gamin! (rires) Je travaille toujours sur beaucoup de choses et cela reste compliqué pour moi de me concentrer sur une seule à la fois. Je vais bosser sur une chanson pour un projet spécifique, m’arrêter au milieu, commencer quelque chose pour Beach Fossils, arriver au tiers et puis débuter quelque chose d’autre. Je vais faire une dizaine de choses en même temps. Mais c’est facile, j’adore jongler de cette manière. C’est passionnant d’avoir toujours quelque chose sur lequel tu peux revenir au lieu de te demander constamment: « Putain, qu’est-ce que je vais faire maintenant? ». Même si, tout bien réfléchi, c’est une question que je me pose aussi souvent (sourire).

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Photos : orimyo

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