Loading...
Interviews

Interview – RubberBear

Rubberbear_17_01_14_a_541A force de fréquenter des loulous qui connaissent deux accords sur leur guitare, enregistrent dans leur chambre à coucher après le taf ou la fac, tripotent les boites à poum poum sur leur PC, nous en avions quasiment oublié que nous aimions aussi les musiciens professionnels. Parmi ceux-ci, Steve Trafford et Tom Chapman de RubberBear (dont nous vous avions déjà parlé voici quelques mois ICI); eux aussi sont des adeptes du DIY mais avec bien plus de bouteille et de technicité que les premiers évoqués et surtout un curriculum vitae de malades derrière eux: ex-guitariste de The Fall d’un coté, nouveau bassiste de New Order de l’autre, soit bien assez pour voir venir. Avec leur projet RubberBear, les deux bonhommes ont décidé, à leur échelle, de dépoussiérer et moderniser les basiques de la pop anglaise. Ainsi, sur leur premier EP, ils ont signé ce qui restera sans aucun doute LE classique pop de 2013: l’immense « Let’s Move Somewhere Else », lumineuse et parfaite ballade d’une matinée d’automne. Leur second EP, sorti à la toute fin de l’année dernière, joue les prolongations stylistiques avec des arguments similaires: mélodies de belle facture jouée tantôt le pied sur l’accélérateur (« My Addiction ») tantôt la vitre baissée et le regard tourné vers l’extérieur (« Elements ») mais toujours avec autant de savoir-faire et de doigté.

J’ai l’impression que vous vous connaissez depuis une éternité.

Tom: Tu as raison, cela fait bien trop longtemps! Plus sérieusement, Steve et moi sommes amis depuis maintenant 10 ans. Nous nous sommes rencontrés pour la première fois lorsque je jouais de la basse dans son groupe Tycoon Follies à Manchester. Nous avons ensuite tous les deux travaillé sur l’album solo de Paul Heaton (ancien chanteur des Housemartins et The Beautiful South, NDLA). J’ai rejoint Bad Lieutenant (le projet de Bernard Sumner de New Order, NDLA) avant de poursuivre avec New Order mais nous nous sommes toujours promis que nous travaillerions à nouveau ensemble lorsque le moment sera venu. Un an et demi plus tard, j’avais écrit deux chansons que je voulais présenter à Steve et il a fait la même chose; le premier EP de RubberBear était né.

Vos chansons semblent étrangement trop matures pour être vraiment tout à fait récentes.

Tom:  Personnellement, j’aime écrire en couches de musique superposées. Je m’impose de toujours réfléchir à comment conserver l’attention de l’auditeur du début à la fin du morceau donc j’imagine que nous essayons constamment de polir soniquement nos morceaux.  C’est la raison pour laquelle c’est très souvent un travail de longue haleine parce que cela nous prend du temps pour trouver la bonne formule. Toutes les chansons sont retravaillées depuis les démos et certaines l’ont été bien plus que d’autres  jusqu’au résultat désiré. « World of Moderninity », par exemple, nous a pris un long moment et a eu de nombreuses incarnations musicales avant d’arriver à une version dont nous étions tous les deux satisfaits.

Steve: J’ai écrit « World Of Moderninity » et « Steamroller » il y a quelques années, bien avant la naissance de RubberBear. C’est seulement lorsque nous avons monté le groupe que nous avons décidé de la direction sonore des morceaux. Nous ne voulions pas sonner comme un groupe donc notre approche était différente de tout ce que nous avions fait auparavant. Nous avons observé les chansons comme des producteurs et nous ne sommes jamais allés dans un studio de répétition. Ce qui est à mon avis une bonne chose car je crois que les chansons n’y auraient pas survécu. « Let’s Move Somewhere Else » est née différemment. Tom a composé un instrumental qui m’a inspiré une mélodie et des paroles. C’est la même chose avec les morceaux du nouvel EP: « Elements » était d’abord un instrumental de Tom tandis que « My Addiction » et « Freedom » étaient des chansons que j’ai déposées sur le tapis roulant qui les poussait jusqu’à la machine RubberBear.

Comment partagez vous le travail de composition?

Tom: Nous avons envisagé de recruter d’autres musiciens mais j’ai suggéré à Steve de travailler comme un duo et de jouer nous-mêmes de tous les instrument sur le disque. Cette décision a véritablement forgé le son de RubberBear. Nous sommes comme des champs magnétiques opposés, à se pousser constamment l’un l’autre pour trouver les meilleurs sons. Cela peut parfois engendrer des frictions mais nous apprécions tous les deux d’être constamment challengés.

Steve: C’est vrai que nous nous disputons pas mal mais il semble que cela nous permette aussi de tirer musicalement le meilleur d’entre nous. Certaines des ballades de Tom inspirent mes paroles les plus sincères alors que mes sonorités les plus rapides et dures attirent les rythmes dance de Tom.

Tom: Nous sommes tous les deux des multi instrumentistes. En conséquence, sur le premier EP, nous nous sommes partagés les instruments et mon ami producteur, Phil Birchnall, s’est chargé de fournir plus de punch à la production. Sur le dernier EP, Phil Cunningham (guitariste de Marion et New Order, NDLA) joue de la guitare sur deux morceaux. D’habitude, j’écris les morceaux les plus calmes tandis que Steve débarque souvent avec les plus péchus. Nous travaillons tous les deux sur la musique mais Steve est le parolier. Nous échangeons souvent nos idées et nous savons assez rapidement si elles deviendront des chansons. Ce n’est pas vraiment une formule, pour ainsi dire, pour composer mais nous travaillons comme une démocratie donc si l’un d’entre nous n’est pas heureux avec la direction musicale prise, nous l’abandonnons la plupart du temps. Nous avons aussi adopté la technologie et je crois qu’il nous serait désormais très difficile de revenir en arrière et travailler avec un groupe sans utiliser des synthétiseurs ou des ordinateurs.

rubberbear_17_01_14_cVous avez travaillé avec un nombre important de musiciens à la fois renommés et talentueux. En quoi, cela a-t-il influencé votre façon de composer et de produire?

Tom:  Je suis persuadé que chaque voyage musical entrepris avec d’autres musiciens influence la manière dont tu écris ou produis de la musique. Personnellement, j’ai cette soif naturelle et ce désir de connaissances musicales donc j’essaie toujours de repousser mes limites lorsque j’écris ou joue de la musique. Phil Cunningham a joué sur notre second EP et c’était un plaisir de l’avoir sur scène avec nous pour ce petit concert au Blue Cat. Pour ce qui est d’autres types de collaboration, nous avons évoqué la possibilité de faire remixer certains morceaux mais nous n’avons encore contacté personne…. C’est en projet, en tous cas!

Ce concert au Blue Cat est le premier et le seul de RubberBear pour le moment. Comment s’est-il déroulé?  

Tom: Très bien. Ce n’était pas grand chose mais nous étions vraiment curieux de savoir comment les chansons seraient reçues en live. Le set était très dépouillé: il nous manquait les pistes d’accompagnement et les textures musicales qui sont toutes véritablement importantes pour notre musique. Cela ne correspondait donc pas réellement à la manière dont nous aimerions sonner en concert. Mais au final, cela a tout de même été une super soirée et Steve et moi désirons absolument renouveler l’expérience. C’est donc une histoire qui ne fait que commencer. Visuellement sur scène, RubberBear est très simple, pas de grands effets ou de sensations fortes ; j’ai bien peur que ce ne soit que la musique et nous.

Ce n’est pas trop difficile de se concentrer sur Rubberbear lorsque vous êtes si impliqués dans d’autres projets musicaux? 

Tom:  Cela peut être parfois compliqué mais tu fais de ton mieux pour que cela fonctionne. J’aime être un musicien prolifique: j’écris constamment que ce soit pour RubberBear ou New Order. RubberBear est important pour nous et nous y mettons beaucoup de temps et d’efforts pour y arriver. Nous aimerions que plus de gens entendent notre musique mais les retours que nous avons reçus pour le moment ont été fantastiques et nous encouragent à continuer à composer. Idéalement, nous aimerions plus d’exposition mais cela prend du temps.

Steve:  RubberBear est très important pour nous deux et nous nous en soucions beaucoup mais nous continuons à faire d’autres choses. En dehors de RubberBear, j’écris des morceaux en solo et j’ai travaillé comme arrangeur de cordes. Je m’intéresse aussi aux bandes originales de film et j’ai déjà composé pour deux films indépendants. D’ailleurs, tu peux parfois retrouver des ponts entre mon travail et la musique de RubberBear: l’intro toute en cordes de « Fight For The Freedom » est par exemple très inspirée par le cinéma et offre à la chanson un cadre inhabituel. Je participe ici et là à des sessions orchestrales et après dix pintes de Timothy Taylor, je te raconte tout ce que tu veux sur les aspects philosophiques dans la chrétienté.

Il y a déjà de très forts choix esthétiques dans vos vidéos: une sorte de douce atmosphère paradoxalement à la fois urbaine et naturelle.

Steve:  La société WeAreTAPE a réalisé la vidéo de « Let’s Move Somewhere Else » tandis nos deux autres petits films (« Elements Film » et « Freedom Film ») ont été réalisés par nous-mêmes, montés à partir d’images que Tom avait filmées pendant ses voyages. J’ai rencontré Jan et Emily (les deux responsables de WeAreTAPE, NDLA) lorsque j’ai composé la bande originale de leur film « Hi High Rise ». Comme j’avais toujours admiré leur travail, je leur ai demandé si elles voulaient bien faire une vidéo pour nous. J’ai aussi contacté mon amie Maxine Peake (actrice anglaise, NDLA) en lui demandant si cela l’intéressait d’apparaitre dans la vidéo et tout s’est mis en place. Si Tom et moi avions des idées très précises sur ce que nous ne voulions pas à quoi la vidéo ressemble, nous leur avons aussi laissé beaucoup de liberté créatrice. Elles ont fait du très bon travail.

Tom: Et il y aura une autre vidéo.

Quelle est la prochaine étape pour RubberBear?

Tom: La suite logique serait de sortir un album. Mais le plaisir de tout faire par nous mêmes est que nous pouvons procéder de la manière dont nous le désirons. Et j’aime beaucoup l’idée de sortir un single avant l’album. Nous avons aussi évoqué la possibilité de faire des concerts cette année.

J’ai une question à la con pour chacun d’entre vous. Steve, quelle est la chose la plus odieuse que t’ait dite Mark E. Smith (le leader de The Fall, NDLApendant que tu travaillais avec lui?

Steve:  Qui ça?

Tom, est-il vrai qu’il est plus facile de séduire lorsque l’on parle français (Tom Chapman est bilingue anglais / français, NDLA) ?

Tom: Tu devrais plutôt poser cette question à ma femme!

A votre avis, est-ce que Manchester est encore un endroit particulier pour la musique?

Tom: J’ai eu la chance de voyager dans le monde entier avec New Order, de rencontrer beaucoup de groupes et de musiciens de villes différentes. Je peux honnêtement affirmer que j’ai fait le bon choix lorsque j’ai décidé voici 20 ans d’emménager sur Manchester pour faire de la musique. C’est le meilleur endroit sur terre pour écrire et jouer de la musique sans l’ombre d’un doute!

Steve: Etant né à Manchester, j’ai un point de vue différent. Bien que la ville ait donné naissance à un grand nombre de groupes extraordinaires, elle paraît toujours engoncée dans le passé ce que je trouve à la fois fastidieux et ennuyeux. Voyager dans le monde avec The Fall m’a offert une perspective différente des lieux et de l’attitude des gens vis à vis de la musique. J’attends le jour où nous ouvrirons un parc d’attractions « Manchester music » avec des montagnes russes Stone Roses, un stand de tir John Cooper Clarke et un train fantôme The Fall. Néanmoins, au bout du compte, évidemment que je suis très fier de cette ville. Ne t’attends juste pas à me voir porter un badge.

[soundcloud url= »https://api.soundcloud.com/users/834307″ params= »color=ff6600&auto_play=false&show_artwork=true » width= »100% » height= »450″ iframe= »true » /]

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.