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Interview – SALE

SALE … Le nom est à double tranchant mais son ambiguïté le rend suffisamment intrigant pour retenir l’attention. Dans le réel qui sous tend l’imaginaire, on se rassurera. Aucune perversité derrière ce projet musical, mais un jeu entre un nom et un mot. SALE c’est Franck Sales – tout s’explique -, musicien montpelliérain pas vraiment tombé de la dernière pluie, puisque le quinquagénaire fit ses premières armes dans les années 1990 et fût surtout un membre de Lady Palavas, formation de pop/funk bien connue de la ville universitaire. Il resta dans le groupe cousin des électro Rinôçérôse, et y joua comme guitariste tout le temps d’une aventure qui dura de 2008 à 2015. A la même période il tentait déjà un premier projet en solitaire, concrétisé par une sélection du label 13 bis records, qui le fit se retrouver sur l’album Les Promesses Electro aux côtés de Le Tone, Mirwais et Rinôçérôse encore.

Loin de la pop dansante ou des formats classiques de Lady Palavas, SALE propose une électro qui mêle musique instrumentale et cinématique, créant des textures sonores. Le son, fait de strates et d’empilements, n’est nullement lisse, a contrario de certaines productions électro-pop, mais au contraire granuleux ce qui lui donne une spécificité qu’on remarque. Quelque chose relèverait il ici de la noise pop et de guitares râpeuses? En ce sens, le nom choisi parait la désignation idoine pour un projet débuté voici un an, encore en chemin, mais animé par un musicien qui n’a jamais cessé d’écrire et composer. Rencontre et entretien.

DG : Peux-tu nous dire de quelle manière tu composes ? Le matériel et les instruments que tu privilégies, puis quel process suivi s’il en existe un ?

SALE : Les compositions sont agencées de façon différente suivant les morceaux. Je suis parti pour certains titres comme « Collioure-sur-mer » d’une boucle d’un arpège très basique de guitare auquel par couches successives, j’ai construit le morceau. Le plus souvent, je me laisse porter par la mélodie de base, l’assise c’est le plus dur à trouver. Le reste est habillage, texture, agencement.

Tout est fait en home studio avec plugins et clavier maître. Le seul instrument rentré est la guitare le plus souvent électrique (Télécaster ou Jaguar) mais parfois aussi folk sur « Un jour enfin ». Le plus dur c’est de se limiter quand on travaille comme ça. On a un philarmonique entre les mains, et des sons synthétiques à l’infini. Tout est question de dosage et de fréquences.

J’ai toujours aimé le côté bricolo dans la musique. Quand j’ai commencé, avant «l’ère » du numérique, je triturais des bandes, je couplais des magnétos cassettes … Puis j’ai fait ça avec un 4 pistes. Les premiers morceaux de Sale dans les années 90 ont été réalisés comme ça. Je me souviens d’une chronique dans le magazine Magic me concernant où il était dit « Chez Casto y’a tout c’qui faut !». C’était exactement ça. Et grâce à ça, j’ai pu être en 1995 sur la compilation « Les belles promesses électroniques » du label XIII bis records, au côté de Mirwais, Rinocérôse, Le Tone…

Aujourd’hui, c’est plus simple et plus dur à la fois. Le « no limit » peut être dangereux dans la composition sur ordinateur. Tout est possible mais si on se laisse porter on ira là où d’autres sont déjà allés. C’est tout le danger de la musique électronique.

DG : Les titres que j’ai pu entendre sont assez éloignés des formats pop/rock habituels. Que recherches-tu avec tes compositions ?

J’ai composé avec mon ancien groupe Lady Palavas de la pop au format couplet/refrain classique pendant des années. Quand j’ai repris SALE, j’ai voulu explorer des univers que je n’avais pas fréquentés dans mes créations précédentes. Les morceaux sont pensés comme des textures, des habillages. C’est une musique cinématique, une succession d’ambiances, de plages sonores.

J’ai toujours été très attiré par les grands compositeurs de musique de films, ceux d’une époque où la bande son n’était pas qu’accompagnement. Morricone,  Schiffrin, Michel Magne, Francis Lai … Leurs productions transcendaient l’image mais pas que. C’étaient des œuvres à part entière qui pouvaient s’écouter détachées de l’image.

J’ai voulu relever ce challenge car il est plus dur à mon avis de faire passer des émotions et accrocher l’auditeur dans une musique instrumentale qui ne fait pas danser, que dans la chanson.
Gainsbourg qualifiait la chanson d’art mineur et à mon humble avis il avait bien raison, lui qui avait côtoyé la composition classique et plus que fréquenté les pianistes romantiques du XIXème.

DG : Tes musiques sont souvent évocatrices d’ambiance ou d’images. Est-ce que tu y songes au préalable, ou bien es-tu entièrement pris dans la musique ?

J’ai toujours rêvé de faire de la musique illustrative d’images.  Mais je ne peux pas dire ici que j’ai créé en ayant des images concrètes en tête. J’ai plus eu une démarche de recherche d’émotions, de sensations. Par exemple, les côtés mélancoliques d’ «Un jour enfin », ou obscurs de « How dare you ? » sont recherchés en amont. Ensuite les images s’enchaînent. Elles apparaissent dans un second temps. Chacun y voit d’ailleurs ce qu’il ressent.

Quelqu’un m’a dit récemment qu’il voyait  le film Blade Runner derrière « How dare you ? » et je trouve ça très intéressant. Les côtés noirs, fumants, humides et un peu désespérés du titre, je les ai voulus en amont. Ils font naître des images chez certains qui correspondent à mes attentes. C’est génial.

Aujourd’hui,  je crée mes clips en fonction des images que la musique me procure. Grands espaces, embruns, tempêtes, torpeur se croisent dans des structures organiques intenses ou mélancoliques. Les éléments me semblent toujours être sollicités. Tout me parait en mouvement, fluide, dynamique. J’essaie de retranscrire ça dans mes clips. Et du coup la noirceur de « How dare you ? » m’a fait réaliser une vidéo a contrario un peu plus apocalyptique et engagée, genre « SALE temps pour la planète »…

DG : Au niveau référence, tu nous as parlé de Morricone et des grands compositeurs de musique de films des années 60 et 70. Mais il y a aussi des guitares présentes, un peu granuleuses. Quels artistes ont pu aussi influencer tes compositions ?

J’ai mis dans ces compositions tout ce que j’ai aimé et écouté. Le côté granuleux, sale, en fond de morceaux est effectivement emmené par des couches de guitares que j’ai adorées travailler. En cela, l’album « Loveless » de My bloody Valentine, que j’ai réécouté récemment, est une évidence pour moi. Le travail sur la texture des morceaux et le mariage entre le grain des distorsions et la brillance des mélodies de voix et de claviers font de cet album une référence absolue.

Ensuite, je pourrai citer ici Philip Glass et sa façon de construire au piano des couches simultanées. Ses superpositions mélodiques on le sait ont inspiré plus d’un compositeur de musique électronique ! Qu’est-ce qui relie tout ça ? Je dirai le sens de la mélodie. Le fait de partir de quelque chose de simple et de bâtir par couches successives un ensemble cohérent, harmonieux. La grandiloquence n’a d’effet que si elle s’appuie sur quelque chose de simple, clair, basique. C’est la base des compositions de Philip Glass.

DG : Qu’attends-tu pour la musique de SALE ? Tu as déjà connu l’expérience du groupe, les concerts avec Lady Palavas. Vers quoi veux-tu aller aujourd’hui ?

Nous avons beaucoup tourné avec Lady Palavas, participé à de nombreux festivals, joué en direct sur France Inter, fait de belles premières parties. J’ai bien conscience qu’il me sera impossible de reproduire sur scène les morceaux que je compose aujourd’hui dans des conditions de structure de groupe classique. Pour le moment, je continue de composer, on verra bien ce que l’avenir sera fait. Mon rêve absolu je le redis ici ce serait de composer à la commande sur des images. SALE compositeur de musique de films … la meilleure injure que l’on pourrait me faire !

Crédits photos: Christophe Renoust

Page artiste SALE – Spotify https://open.spotify.com/intl-fr/artist/7sS14cU8BrPHAZDEeTrYWb?si=Tbm0_WMHQ9yQ_z5QF4Ucpw&nd=1&dlsi=af8fe2bf056b4f67

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