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Live Reports

New Order – Le Bataclan (Paris), 18/10/11

La confirmation au mois de Septembre d’un concert de New Order en Octobre avait tout de l’improbable. Peter Hook, bassiste du groupe, avait, selon toutes apparences, signé l’arrêt de mort de la formation en quittant le groupe de manière unilatérale en 2006 et menaçant les autres membres de poursuites judiciaires s’il leur venait l’idée de continuer sans lui sous le nom de New Order. Et malgré les premières réticences de Bernard Sumner (chant, guitares) et Stephen Morris (batterie), tout ce petit monde semblait s’être peu à peu fait à cette idée. Les récentes déclarations des membres, la nouvelle compilation de trop intitulée Total et l’annonce de la sortie pour Noël des inédits enregistrés à l’époque du dernier album, Waiting for the Sirens Call, donnaient des airs de liquidation définitive.
La porte pour la reformation, cette fois-ci sans Hook, s’était pourtant ouverte voici quelques mois, après un tour de passe-passe orchestré par des avocats, dernier rebondissement d’une histoire qui pue véritablement de tous les côtés. Les histoires d’amour finissent mal…

Deux concerts, le premier à Bruxelles et le second à Paris donc, étaient organisés à des fins caritatives pour récolter des fonds pour Michael Shamberg. Ce dernier a été, pendant plus de deux décennies, le producteur des clips vidéo de New Order et souffre aujourd’hui d’une maladie dégénérative. C’était aussi l’occasion du retour sur scène de Gillian Gilbert qui avait quitté le groupe pour des raisons familiales voici dix ans. En guise de remplacement de Hooky, on trouvait Tom Chapman qui officiait déjà en tant que bassiste sur les lives au sein de Bad Lieutenant (le dernier groupe passe-temps sans grand intérêt de Bernard Sumner). Tandis que Phil Cunningham, ancien Marion et officiellement membre de New Order depuis l’album Waiting for the Sirens Call, s’occupait toujours de la guitare et des claviers. Bernard Sumner et Stephen Morris étaient donc désormais les uniques membres présents tout au long d’une histoire débutée voici plus de trente ans avec Joy Division.

Et c’est sous une pluie battante que s’ouvraient les portes du Bataclan pour le retour de New à Order en concert à Paris après neuf ans d’absence et un concert au Zénith. La première partie de 1h15 (!) était assurée par DJ Tintin qui enfilera des hits comme le « Once in a Life Time » des Talking Heads, « Computer Love » de Kraftwerk ou « Looking from a Hilltop » des Section 25. Si le désir de distraire les spectateurs reste tout à fait louable, on peut tout à fait s’interroger sur l’opportunité de jouer de la musique de club non-stop dans un espace cloisonné, sous une chaleur aussi étouffante et où la proximité humaine ressemble à un exercice d’entassement dans une cabine téléphonique. Suivront le court-métrage de Michael Shamberg « PS Liban » et son désarmant clip pour le « Gone Gone Gone » des Notwist tout en épure, sobriété et beauté délicate. DJ Tintin reprendra ensuite les platines pour un nouveau set de trente minutes, pendant que les roadies vérifiaient une dernière fois les instruments sur la scène.

Enfin, New Order montait sur scène à 21h00. Les rares concerts des dix dernières années de New Order avaient cela d’irritant que la setlist restait quasiment identique pour tous les concerts et se résumaient à un best of des singles les plus populaires de Joy Division et New Order dans laquelle étaient rajoutés, sans trop de conviction et principalement pour la promotion, des morceaux correspondant au dernier album sorti. Ce soir, le premier morceau annonçait une couleur radicalement différente: « Elegia », instrumental présent sur l’album Low Life et aux abonnés absents de la setlist depuis plus de vingt ans, ouvrait le bal. Rapidement enchaîné avec « Crystal » pour passer la vitesse supérieure et nous démontrer que les classiques ne seront pas, eux non plus, oubliés ce soir. Seront donc retrouvés tout au long du set et dans le même répertoire « Regret », « Bizarre Love Triangle », « Ceremony », « True Faith », « Perfect Kiss », « Temptation »… Mais le véritable plaisir se trouvait dans toutes ces gemmes que l’on pensait définitivement enterrées : « Age of Consent », l’un des favoris des fans, était épaulé par un superbe visuel (pour un groupe avec une identité et une esthétique visuelle aussi forte que New Order, il est d’ailleurs étonnant que leurs morceaux n’aient pas été illustrés plus tôt sur scène); malgré le plaisir de le retrouver, « 1963 » paraissait lui un peu bancal, sans doute pas vraiment taillé pour le live. Mais la plus grande surprise venait avec « 5-8-6 » qui débutait comme son incarnation de Power Corruption and Lies, avec un son tout riquiqui avant de se retrouver très rapidement boosté aux amphétamines; les guitares fouettent l’air, toutes en agressivité, Stephen Morris redevient à nouveau une boîte à rythmes humaine et l’on s’en prend plein la gueule, un grand sourire aux lèvres. La plupart des arrangements des chansons ont d’ailleurs été dépoussiérés et réimaginées: l’intro de « Temptation » avec son magnifique sample du « Street Hassle » de Lou Reed, un « True Faith » version Shep Petitbone 2012 et délesté de la plupart de ses oripeaux tirés du « Perfecto Mix » de 1993 jusqu’à une nouvelle intro pour « Krafty » qui réussirait presque à rendre ce titre moins quelconque.

Le rappel présente les deux plus gros hits du groupe sous ses deux incarnations: « Blue Monday » et « Love Will Tear Us Apart ». Sur le premier, la ligne de basse se détache comme rarement durant le set. Phil et Tom se partagent les anciennes parties de Hooky: batterie électronique et basse. Et le concert se termine donc avec ce morceau de Joy Division qu’ils persistent à massacrer avec régularité: un « Love Will Tear Us Apart » dopé à l’emphase et aux boursouflures, d’irritants « Come On! », déployé comme un hymne rock pour les stades mais qui emporte le Bataclan dans une sorte de frénésie collective. Je suis exaspéré de les voir conclure sur ce machin. Et c’est fini.

Enfin débarrassé de Peter Hook, son collègue de quarante ans, Barney a désormais pris les pleins pouvoirs chez New Order. Comme un symbole, la basse semble désormais légèrement en retrait dans le mix notamment sur « Age of Consent ». Résultat, une prestation carrée et puissante, à mille lieux désormais de la touchante fragilité en équilibre constant des débuts, et dans laquelle manquent souvent les débordements et le charme borderline de l’ancien bassiste. Son remplaçant, Tom Chapman, suit avec peut-être trop d’application le travail de son prédécesseur. Légèrement en retrait, il s’aventure parfois au devant la scène et paraît prêt à s’emballer avant de se raisonner, redoutant peut-être la réaction d’un public qui pourrait le croire en train de singer le maître et qui s‘amuse quelquefois à lancer des « Where’s Hooky!?« . Phil Cunningham a lui définitivement trouvé sa place au sein de la formation, amenant une touche rock plus aggressive adaptée pour le meilleur ou pour le pire, au lifting rajeunissant du groupe. Barney donne l’impression de s’épanouir au milieu de ses jeunots. A se demander s’il n’a pas finalement toujours préféré traîner avec des gamins comme le prouve ses années Electronic avec Johnny Marr, de huit ans son cadet, sa collaboration avec les Chemical Brothers, son récent morceau pour Converse avec Hot Chip et Hot City jusqu’à son groupe Bad Lieutenant. Stephen Morris a abandonné sa batterie électronique pour un kit classique, comme à ses débuts et Gillian a toujours son air effacé et concentré. Malgré les kilos en plus, les rides qui se dessinent, les tempes qui blanchissent, plus le temps passe, plus ces gens restent les mêmes. A l’image de leur public. Enthousiastes devant ce retour improbable, cette nostalgique adolescente qu’ils pensaient à jamais abandonnée et qui semble renaître à nouveau, ni tout à fait pareille, ni tout à fait différente, quarantenaires et cinquantenaires pogotent sans peur du ridicule, comme si c’était là, leur toute dernière occasion.

Et pourtant tout cela risque d’être encore et surtout un nouveau commencement. Car ne nous y trompons pas, poussé par l’aspect pécunier, ce qui est devenu une machine est déjà en route, hors de tout contexte caritatif cette fois-ci: un concert début Décembre au Brésil est confirmé, une tournée aux États-Unis dans les cartons, des dates anglaises chuchotées et Barney parle même dans un tout récent entretien avec les Inrocks d’un possible retour en studio. Et malgré toutes ces interrogations, ces malaises, ces parfois sordides résurrections, difficile de s’empêcher d’en vouloir plus et d’espérer un futur pour New Order.

En 1983, Barney chantait sur « Confusion » : « The past is your present, the future is mine« . Bien vu mon gars.

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