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Disques

On An On / Give In

onanon_10_06_13aJe ne suis pas musicien mais je crois savoir que quitter un groupe deux semaines avant d’entrer en studio correspond peu ou prou à ce que l’on définit comme du mauvais timing. C’est malheureusement ce qui est arrivé à Nate Eiesland, Alissa Ricci, Ryne Estwing, qui ont vu deux membres de leur groupe d’alors, Scattered Trees, quitter le navire à ce moment pas très opportun. Pourtant peu soucieux de se laisser abattre par cet aléa que certains pourraient considérer comme majeur, les trois membres restants de Scattered Trees ont décidé de continuer l’aventure, de se rebaptiser plutôt judicieusement On An On et de bien partir enregistrer en trois semaines un album intitulé Give In sous la direction du producteur de Broken Social Scene, Dave Newfeld. Au programme de cette collaboration: passer au papier de verre les morceaux du groupe pour paradoxalement les embellir, leur offrir du relief et proposer une pop rock éraillée aux chansons délicatement bancales.

Parmi celles-ci, « Every Song » se démarque rapidement : chanson pourtant handicapée par des paroles popeuses baignant ses pieds dans des poncifs (« Take me out of here » et « You’re every song in the world » que l’on jurerait avoir déjà entendu cent fois chez d’autres) mais qui fait pourtant mieux que se sauver de la médiocrité par la grâce de ses synthés bourdonnants, sa batterie lourde et sourde comme un éléphant, ces guitares qui se répandent, son refrain sur des jambes tremblotantes, son style Coldplay sauce malingre, pour finir par s’incruster dans le cortex cérébral, ne plus le quitter et devenir, à notre corps défendant, un morceau phare de l’album. Au contraire de « American Dream » qui, sans être désagréable, loin de là, a plutôt tendance à se faire bouffer par ses clichés thématiques (« Just like your mother told you, you’re gonna be a star« … ) et pencher vers l’anecdotique sans que grand chose ne vienne le sauver. « Panic », peut-être l’un des morceaux  les plus classiques de l’album à la fois structurellement et soniquement (avec celui cité précédemment et « War is Gone »), réussit joliment son coup de pop song directe. On An On s’aventure aussi parfois dans des contrées plus ouvertement électroniques avec la rupture et les montagnes russes comme mots d’ordre : « The Hunter » vogue entre synthés à la fois grandiloquents et riquiquis pour reposer sur cet improbable fragile équilibre, ce grand écart entre le profane et le sacré tandis que « Bad Mythology » privilégie la tension permanente et la saturation de claviers dans ta face.

Mais c’est lorsque sa musique simule le surplace et lézarde pour mieux se rapprocher du palpitant et le chatouiller avec les ongles que le groupe est plus proche que jamais de la justesse lumineuse. Il y parvient en évoquant l’anonymat universel et notre destin commun de disparus en corps et souvenirs sursitaires (superbe introduction de l’album avec « Ghosts ») ou en s’égarant sur des rythmiques électroniques à angles brisés, boucles hypnotiques, aux choeurs qui trébuchent, aux soupirs de phrases, aux bruitages improbables et pourtant appropriés (« Cops ») tout en conservant toujours cette rugosité, cette déviance un peu crasseuse mais si attirante.

Give In s’apprécie comme un film de série B aux dialogues parfois un peu convenus, à l’histoire déjà vue, mais brillamment illustrée par une image surexposée, un grain de pellicule 16mm délibérément grossier et un montage trompeusement je m’en foutiste, remarquable par sa science du détail qui vire à l’esthétique, celle du désordre et du bruit qui finit par grincer d’une beauté abrasive.

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