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ConcertsLive Reports

Peter Doherty & Frédéric Lo/ L’Orangerie (Lunel-Viel),26/08/2023

« Un Piano Sous les Arbres » est un événement musical et estival, à l’initiative de la municipalité de Lunel-Viel, village de l’Hérault à mi-chemin entre Montpellier et Nîmes, bien loin de Rock en Seine ou d’ autres grands rassemblements sonores du moment. Depuis plusieurs années, le festival a le bon goût de proposer sur plusieurs journées dans un cadre patrimonial unique – le parc de l’Orangerie -, une série de concerts et de moments, associant jazz, musique classique et chanson française de qualité. Le rock et la pop n’y trouvaient pas jusqu’alors leur place. Ce fût ainsi une véritable surprise de découvrir sur l’affiche de cette saison 2023 le nom de Peter Doherty accompagné de son comparse Frédéric Lo, respectivement auteur et compositeur de The Fantasy Life of Poetry and Crime, superbe album paru il y a un an. Les deux scènes de l’Orangerie étant de jauge modeste, l’occasion était tentante de voir et d’entendre de prés l’ex The Libertines et BabyShambles, revenu de bien loin, et en retour de grâce depuis quelques précieuses années.

Dès l’entrée sous la canopée de pins réservée aux concerts, on tombe (presque) par hasard nez à nez avec le grand quadragénaire épaissi, dans un costume gris des plus chics ( probable vestige du mannequinat pour la ligne K*****S- Doherty), chapeau mou vissé sur une chevelure cendrée, malgré une chaleur d’août toujours bien présente. On échange quelques mots aimables, des banalités à défaut d’avoir préparé la moindre question pour notre webzine préféré. Au premier regard l’homme paraît plus apaisé et serein que dans nos souvenirs d’un concert chaotique des BabyShambles, sauvé par les seules prouesses de Jamie Perrett à la guitare… « Hi, How are you? » «  Fine« . On se serre la main. « It’s a pleasure to meet you » – signe de remerciement de la vedette au fan, main portée sur le cœur. « How do you find the place? » « Very cool indeed. Hope you’ll enjoy the show« . On poursuit un peu, Doherty acceptant volontiers de mener un brin de causette. « Where is Frédéric Lo? » « He’s staying inside, looking for socks, I guess« . On se demande si la réponse est sérieuse – il s’avèrera que oui- et on remarque alors l’intérieur du petit château de l’Orangerie devant lequel se tient Doherty. Les pièces du rez de chaussée sont aujourd’hui transformées en salles de mairie , mais l’ancien pavillon de chasse conserve un charme suranné. Murs tapissés et éclairages choisis, en font les coulisses impromptues et idoines pour ce qui nous attend ce soir. On se sourit mutuellement avec politesse, Doherty tirant sur sa cigarette, puis on cède la place à qui veut se faire portraiturer avec l’ex de Kate Moss ou d’Amy Winehouse ( me glisse t-on ) – selon Doherty du moins…

Accompagné d’une violoniste/bassiste, d’une pianiste/organiste ( Katia De Vidas, épouse de Doherty) et d’un road au look de Paul Simonon qui assurera deux ou trois guitares en complément de Frédéric Lo, le duo star de la soirée, une fois sur scène, annoncé par « Big Mouth Strikes again » des Smiths, donne un concert empreint de délicatesse, de charme et de poésie. Dans cet environnement un peu magique, nuit tombée, Doherty & Lo interprètent une orchestration/adaptation minimaliste et sensible de leur album commun, perle pop née du lockdown, enregistrée à Etretat où réside désormais l’ex The Libertines.

Sur scène c’est évidemment Doherty qu’on remarque le plus et qui fixe l ‘attention, Lo jouant (presque) les utilités (mais brillamment) ou le sympathique traducteur à l’occasion. Longue silhouette plus souple qu’elle ne nous paraît finalement gracile – la morphologie de l’anglais ayant tout de même changé ces dernières années -, avec une technique vocale impeccable, Doherty dans son costume boutonné, foulard de soie noué en guise de cravate, s’évente avec un journal, se déplaçant ici et là entre les trois musiciens qui l’accompagnent. Ses pas de danse sont un peu hasardeux, ses gestes ou mouvements de bras et de mains évoquent un menuet revisité et anarchique ( in the UK?). Il n’est plus celui qu’on a connu encore juvénile puis jeune homme, adepte volontaire ou non de la déglingue rock and roll. Doherty tient d’Alfred de Musset et d’un personnage de Maurice Leblanc qui ne veut plus mener enquête autour de « L’Aiguille creuse » et de son trésor caché… Sa physionomie aujourd’hui arrondie en impose et on se dit que l’artiste est revenu de ses plus mauvaises passes. Les garde t-il toutes loin de lui? Rien ce soir ne montrerait le contraire, ni le désir de leur retour cacophonique. Moustache à la Georges Brassens il ne renie pourtant pas ce qu’il a été et le fit songwriter d’exception. Pour preuve les titres et reprises de la seconde partie du concert ( de The Smiths jusqu’au Velvet « Here she comes » ), qui l’inspirèrent en enfant d’Albion tumultueux, passé néanmoins ( marié et père) de ce côté ci de La Manche où il apprendrait plutôt ( délaissant les chimères d’Arcadie) à tutoyer Maupassant, Flaubert ou Balzac, qui sait ?

The Fantasy Life Of Poetry And Crime fût un album d’exception. Sur scène le groupe joue juste et dévoile la beauté de son répertoire. Durant une première partie de quarante cinq minutes entièrement consacrée à ce dernier album en date – lequel est celui d’une nouvelle rédemption après le psychédélique et porteur de renouveau Peter Doherty et Las Putas Madres (2019)- tout s’enchaîne et sonne merveilleusement. Ce qu’on entend et retrouve avec bonheur, sans heurts, est le songwriting ciselé d’une pop/ rock british passée sur cette rive du Channel. Légèrement mélancolique ou décalée avec nuances, on y perçoit évidemment les influences qui firent Doherty, moins la furie destructrice, rock et électrique. Sur scène le chanteur – qui ne prendra qu’une seule fois sa Gibson acoustique, mais soufflera pour deux titres dans son harmonica – fait montre d’une élégance presque d’un autre temps. Son détachement qui est une présence, est empreint de maturité. Chez l’anglo-normand, il y a du désuet et de l ‘essentiel, mais surtout beaucoup de symbolique. On peut avoir été irrévérent à l’excès, on n’en redevient pas moins gentleman si telle était sa nature profonde. Devant nous, je l’espère, ce que nous observons avec plaisir sont les symptômes discrets d’un artiste devenu enfin adulte, maitrisant son art comme son être, débarrassé de ses démons: « Art before the horse » ( in : « Journal d’Arcadie » p110, Peter Doherty, Le Castor Astral, 2017).

Catégorie supérieure évidente.

photos et vidéos B&JN pour Dark Globe .fr. « Un Piano Sous Les arbres » 26/08/2023
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