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Disques

Still Corners / Strange Pleasures

imagesSi le premier album des Still Corners, Creatures of an Hour, déclinait une esthétique lynchienne (« The Twilight Hour » comme un clin d’oeil à la Julie Cruise de Twin Peaks) fréquemment mais toujours calmement ténébreuse, le second, Strange Pleasures, représenterait plutôt son négatif photographique, son double lumineux et coloré. Pas de révolution pourtant pour le groupe de Greg Hughes et Tessa Murray: la voix diaphane de celle-ci et ses soupirs y frissonnent toujours d’une sensualité froide et inaccessible et l’essence sonore conserve cette même sérénité et son ordinaire étrangeté. C’est l’atmosphère du disque qui subit un changement sensible avec cette introduction de claviers aériens eighties, cette volonté de retourner vers cette décennie, illustrée par la plastique glacée et publicitaire de la vidéo de « Fireflies » et sa langueur lancinante aux reflets pastels toutes en clins d’oeil enamourés au défunt Tony Scott et consorts.

Le morceau d’introduction, « The Trip », parfait point d’entrée dessiné en arpèges répétitifs et hypnotiques indique la direction pour le passage au travers du miroir (des extraits d’une ancienne adaptation filmée d’Alice au Pays des Merveilles et des cercles hypnotiques sont d’ailleurs utilisés comme visuels pendant les concerts du groupe), cette recherche d’un état second chez l’auditeur, situé quelque part dans cette espace restreint et mystérieux entre éveil et sommeil. « All I Know » et  » I Can’t Sleep » sont les premiers représentants de cette somnolence rêveuse et lascive, portée par la voix de Tessa, paresseuse, fragile et voluptueuse comme une réinvention cérébrale d’un slow collé-serré dans lequel les corps restent malgré tout glacés. Une gestion du chaud et du froid que l’on retrouve sur le délicat et presque acoustique « Going Back to Strange » auquel répondent directement le dépouillement de l’électro minimaliste de « Beat City » et du single lumineux, « Berlin Lovers », à la fois doucement et lentement dansant mais aussi ultra sensible; peut-être les deux morceaux de l’album qui, tout à fait timidement, rapprochent le plus la musique de Still Corners d’hypothétiques, oniriques et boiteuses pistes de dancefloor. Dans la même veine sonore, « Midnight Drive » évoque le Cure synthétique des années 80 et renoue avec l’ambiance sombre de Creatures of an Hour, signifiant sans doute que la lumière ne peut vraiment exister sans les ténèbres. Enfin le morceau de clôture, « Strange Pleasures », avec sa nouvelle boucle musicale, reprend cette thématique de l’hypnose pour signifier le réveil du songe éveillé.

Si Strange Pleasures correspond peu ou prou à un prolongement stylistique logique et peu hasardeux de l’identité de Still Corners, s’inscrivant dans les pas du premier album, la grande classe du groupe est de considérer ses influences venues des années 80 uniquement comme un objet sonore et d’en utiliser les gimmicks en y dégageant tout le pathos dégoulinant, putassier et dégueulasse propres à certains groupes de cette époque: une recette idéale pour continuer à dessiner et explorer les tours et les contours légèrement et tranquillement fluctuants d’une pop infiniment, doucement et élégamment rêveuse depuis ses débuts.

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