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Disques

Wild Nothing / Nocturne

S’il y en avait un qui avait bien su nous emballer tranquilou avec son air de ne pas y toucher, c’était le gamin Jack Tatum bien planqué derrière son projet Wild Nothing. La découverte de Gemini, son premier album (sorti en 2010), nous avait plongé avec délicatesse et une séduisante candeur dans une dream-pop lumineuse et mate, aux frontières à la fois ténues et intimes tout en restant incertaines, comme autant d’harmonieuses contradictions. Son successeur, Nocturne, dans les bacs depuis la fin de l’été (« prends ton temps » m’a conseillé Monsieur Dark Globe, planté derrière mon dos, son fouet à la main) devait sceller de manière définitive notre beau début d’histoire d’amour avec la musique du garçon.

Et dans cette optique, c’est « Shadow » qui ouvre le bal, tour de passe-passe en forme de pop song charmeuse, mélodique et mélancolique, donc idéale pour nos retrouvailles, hantée comme d’habitude par la voix vulnérable et tranquille de Tatum. L’impression de terrain totalement connu ne dure pourtant que quelques secondes, le temps de remarquer que les rythmiques se sont affirmées et les violons invités dans la composition : l’équivalent d’une poussée de duvet noir sur les joues de votre jeune cousin pourtant imberbe jusque là.

Si cette (très) légère mais perceptible montée d’hormones a de quoi surprendre, tant l’attrait de Wild Nothing semblait se cristalliser autour d’une ingénue fragilité, elle correspond, semble-t-il, à une (oh, le vilain mot) professionnalisation du travail du bonhomme. Une technicité nouvelle que l’on retrouve sur l’ensemble de la galette : non seulement la production bombe un peu le torse en gonflant ses mini poumons (la pop electro de l’aérien « Paradise ») mais le style général se resserre aussi en cohérence tandis le jeu de guitare s’émancipe (inspiré « Through The Grass ») ; autant d’évolutions suffisantes pour provoquer un minuscule pincement au coeur et un soupir qui s’envole dans un souffle. Mais heureusement, malgré cette poussée vers l’académisme, le charme est toujours présent dans cette pop tranquille, radieuse, mélodique, appliquée, remplie d’une retenue pudique et émouvante, jusqu’aux paroles (“You wanna know me, Well what’s to know?” sur le titre éponyme « Nocturne ), valsant entre regard dans le vide (« Rheya ») et déclaration amoureuse extatique (« Only Heather »).

Même si l’existence de Wild Nothing date d’à peine trois ans, son évolution musicale se dessine déjà distinctement. Alors que Gemini sur son morceau d’ouverture décrétait comme profession de foi un état de rêve permanent (« Live in Dreams »), Nocturne flotte sur une fine ligne de démarcation entre le rêve et l’éveil ; bref instant d’opacité durant lequel la conscience se reconstitue en dissipant cet étrange voile de flou gaussien et est remplacée par une mise au point lente et incertaine.

En écoute, l’album complet

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