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ConcertsLive Reports

Cat Power / Paloma (Nîmes), 30/06/2022

Chan entre chien et loup

Les eaux noires de la dépression ont pesé lourd dans tes poches, Chan Marshall.

Tu t’es, un temps, éloignée de toi-même et de nous.

Une Virginia Woolf folk d’Atlanta, une Ophélie oxydée dans l’alcool et les anxiolytiques.

On a eu peur Chan, on a eu peur que tu coules.

Moi, je te connaissais peu. Je t’avais suivie pourtant entre l’abrasif What Would the Community Think et le sublime, lourd et profond The Greatest; ta voix ensommeillée sur ton Jukebox m’avait comme rassuré avant de me bouleverser.

Je t’avais avec beaucoup de joies, de désirs électroniques et d’étonnement, vue renaitre et aussitôt disparaître incandescente et incendiée dans le soleil de Sun en 2012.

Tu étais venue à Nîmes il y a quelques années au festival TINALS. Je t’avais manquée, je te trouvais belle, inspirée. Une sorte de brûlure en toi m’inquiétait cependant, ça déraillait à grande vitesse, tout le monde le disait.

On avait peur Chan.

Tu avais publié sur ton profil Twitter une photo des toits de Nîmes. Un peu bêtement, j’étais fier que tu sois dans mes rues familières. Chez moi. Mais je n’étais pas venu. Je n’ai jamais compris pourquoi.

Alors quand j’ai vu ton nom, j’ai couru. J’ai couru car tu t’étais retrouvée; la maternité, la chevelure, je suis venu pour effacer les regrets, les remords presque.

Je venais chercher ta présence, ta voie et ta voix retrouvées. Exhumées. Mais je ne suis pas certain que je venais te voir pour être ému. C’était trop loin. Je venais pour être convaincu.

Alors, dans une demi-lumière de cabaret, dans des lumières bleues et violines d’un soleil intérieur couchant, ta silhouette et deux micros conjoints avec lesquels tu joues, tu es apparue. Et le grand marteau de velours de ta voix nous a frappés, balayés, réduits à rien. Dévorés.

C’était plié, Chan. On était des cendres.

Un tombereau d’émotions m’a enseveli. Et ton chant comme un grand soupir nous a recouvert d’une demi-lumière américaine. Tu avances en ondulant sur la scène dans ta robe noire et tes gestes si propres à toi, comme une danse qui se retient de s’élancer. Tu promènes ta fragilité et ta beauté intactes sur l’itinérance folk de ta set list, (Ah, que ce Métal Heart brille de tout son or lyrique!). Longtemps je me suis dit que la lumière des projecteurs allait venir, que l’on te verrait. Tu as choisi que l’on te devine. La lumière des projecteurs n’est jamais venue réellement, non. Tu voulais que l’on t’imagine pour mieux imposer ta voix comme seule présence à nos yeux. Tu te souviens, il y avait à tes côtés une batteuse, un guitariste. Je ne sais si c’est toi qui les a effacés ou si même ils étaient réellement .

Chan, tu nous a fait peur mais c’est fini, non?

Je n’en suis pas certain tant ta vulnérabilité parle par tous les signes de toi-même.

Je n’en suis pas certain, non. Mais tu nous as montré le cinémascope de ton incertitude blessée.

Le panoramique crépusculaire de ta voix et ton Toi de Nîmes étaient cette fois-ci immanquables.

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