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Flunk / Chemistry and Math

flunk portrait de groupe

Quelques questions avant de débuter cette chronique. Chemistry and Math est-il vraiment le sixième album de Flunk? Est-ce que Play America compte comme un album dans leur discographie? Et surtout, ai-je réellement attendu presque trois ans avant de terminer de rédiger cette chronique (vous lisez bien; le disque est sorti en 2017), explosant par là-même tous mes records de procrastination rédactionnelle? S’il est, bien entendu, difficile de trouver une excuse pour un retard que d’aucuns pourraient qualifier d’indécent, force est de constater que, comparé à une promesse électorale sociale ou écologiste d’Emmanuel Macron, cette lenteur d’écriture correspond à une échéance des plus raisonnables. Revenons-en donc au dernier (je n’ose ici utiliser l’adjectif « nouvel ») opus de Flunk. Chemistry and Math correspond à un humble retour aux sources pour le groupe d’Oslo le plus inconnu en Norvège: pas de studio ici, au contraire de son prédécesseur Lost Causes, mais des enregistrements échelonnés sur deux ans et demi entre le living-room, le chambre à coucher et la cuisine pour une ambiance cocooning en mode introspection doucement torturée. 

C’est un fait couru d’avance: chez Flunk, depuis les débuts, on cultive le goût des édifices fragiles à l’équilibre incertain. Au fil des albums, les reflets bleutées des débuts ont aussi eu tendance à se décliner en dégradés de gris de plus en plus foncés. Chemistry and Math continue et affirme ce sillon. Le groupe semble piocher de plus en plus dans des influences jazzy et le disque ressemble à la bande-son d’un film noir; femmes fatales et détectives en trench-coat excusés pour l’occasion mais l’amertume du désir bien présente. Si le groupe avait l’habitude de faire figurer une reprise sur presque tous leurs albums précédents («Blue Monday» et «True Faith» de New Order mais aussi «See You» de Depeche Mode ou « Karma Police » de Radiohead), rien d’aussi direct par ici mais toujours des références stylistiques prononcées. Ainsi, « Chemistry and Math » le morceau éponyme de l’album, pastiche directement Portishead; influence évidente du groupe depuis ses débuts mais rarement aussi identifiable qu’ici. En comparaison des oeuvres précédentes, on retrouve aussi sur le disque moins de respirations catchy, de chansons pop imparables. Celles-ci sont désormais diluées dans des volutes musicales hypnotiques comme sur un «TMTTUOP» dont les paroles s’entendent tronqués comme des soupirs, perdus dans le contraste instable entre la voix crystalline d’Anja et celle éraillée d’Ulf Nygaard; gimmick utilisé par le groupe auparavant mais avec un résultat toujours convaincant. Même les ambiances à première écoute plus légères («Assassins (With Water Guns)»), dépouillées («Pheromone (Fade Away)») ou acoustiques («Outsiders») restent plombées par cette mélancolie crampon, aux airs d’hiver scandinave éteint tandis que leurs mélodies toutes omniprésentes et raffinées esquissent un décor au calme résigné, au fatalisme tranquillement homogène. De tous les titres de l’album, il n’y a peut-être qu’un «Beautiful Lies» à fleur de peau pour remuer paisiblement le statu quo d’abandon généralisé du disque. Le morceau ouvre alors légèrement le champ des possibles optimismes avec ces « what if » déclinés dans un souffle et joue sur la proximité sonore trouble entre les mots « eyes » et « lies » tandis qu’une fragile electronica fait frissonner l’épiderme. 

Depuis déjà vingt ans, Flunk délimite un territoire de jeu musical aux frontières floues. Conséquence peut-être de la maturité (le vilain mot), le groupe a tourné le dos au rivage d’ensoleillement mat de For Sleepyheads Only, leur premier album, pour s’enfoncer doucement mais toujours sur un rythme downtempo dans des espaces plus brumeux mais étrangement pas moins accueillants. Car si Chemistry and Math a la saveur des vapeurs enivrantes du spleen, Flunk n’en a pas pour autant perdu son chemin ou son identité.

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