Spleen XXX de Rouen ( ville de Dogs, Olivensteins etc dans les eighties…) joue, en 2025, avec une esthétique musicale cold et dark wave disloquée. Le genre, qui a connu un retour récent (ou relativement) avec moulte groupes néo cold, a pu être perçu comme un mouvement de mode (phénomène cyclique du rock), composant avec des éléments stylistiques qu’on entendit volontiers ( et surtout) début 1980. On peut aussi penser que certaines personnalités y trouvent ,tout à fait indépendamment, le vocabulaire utile à leur expression. La sincérité de Spleen XXX ne sera pas ici mise en question, tant l’adhésion aux codes parait entière.
La ligne sombre, pourquoi pas? Il y eut des maîtres en la matière, depuis les romantiques et symbolistes du XIXe siècle, aux expressionnistes allemands du début du XXème de Munch ( peintre) à Georg Trakl ( poète), jusqu’aux » gloomy doomy bands » dixit Peter Hook en 1981, ironisant quant à lui sur la scène cold émergente lorsque, interrogé par la radio anglaise sur le devenir de Joy Division post Ian Curtis, il répondait qu’il ne savait pas exactement à quoi ressemblerait le futur de New Order …
Spleen XXX ne se pose pas la question. Noir c’est noir etc etc… Après Love in a Cage, dont nous avions parlé dans ce magazine, premier projet de Isthmael Baudry à la tête de Spleen XXX, le rouennais annonce un second album pour la rentrée, sur le label Meidosem Records basé à Cherbourg. Cet album qui sortira en format physique est dores et déjà intitulé Agony of Shadow, ce qui pourrait-être perçu comme une issue salvatrice, une rédemption pourquoi pas, voire un retour vers la lumière après un lourd passage nuageux… mais rien n’est sûr. Alors quoi?
A vrai dire nous n’en savons rien. Le clip reçu ( réalisé en 2022) , extrait de l’album à venir, paraît un collage surréaliste, un jeu d’images en kaléidoscope, empreint de visions SF déshumanisées. Musicalement et esthétiquement, le cahier des charges cold & dark est rempli. La ligne musicale et le propos se tiennent. On retourne un peu vers 1982, il faut aussi le dire – ce qui , je pense, ne contrariera pas le groupe – ancré, semble t-il, dans ce début de décennie passée où gris et noir furent de rigueur. Parfois trop, est une autre question.
« Dislocation Of The Real » est bien produit, selon des paramètres très cadrés. C’est un choix. Il fonctionne et fonctionnera surtout pour celles et ceux qui apprécient cette ligne esthétique hyper référencée. Mais le rock est aussi une affaire de références, comme toute culture. Quant au réel, ici pris pour objet, ainsi que l’écrivit Clément Rosset, philosophe et historien de l’art, il a aussi son double.
https://meidosemrecords.bandcamp.com/album/poems-of-charles-baudelaire
Peintre et guitariste, adepte de Telecaster Custom et d’amplis Fender. Né en 1962 – avant l’invention du monde virtuel – pense que la critique musicale peut-être un genre littéraire, objet idéal pour un débat en fauteuil club millésimé.