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Disques

I Like Trains / Beacons EP

C’est un fait, notre rapport au langage sera toujours trop distant de celui de nos amis anglo-saxons pour que l’on comprenne qu’un groupe choisisse comme patronyme « J’aime les trains » – à plus forte raison quand sa musique n’a rien de résolument joyeux (et soyons francs, celà ne s’arrange pas). Le groupe de Leeds, redevenu quintet après l’arrivée récente de Ian Jarrold (Redjetson), sort ce mois-ci un EP cinq titres issu des sessions d’enregistrement de l’album The Shallows – dont est également tiré le single « Beacons ». Après un LP en demi-teinte, He Who Saw The Deep, sorti en 2010, qu’on avait trouvé un peu décevant et vide de sens, The Shallows dévoilait à nouveau un I Like Trains inspiré et créatif.

Beacons (l’EP) s’inscrit dans le sillon de ce dernier album, reprenant son artwork et déclinant son thème de fond : les effets néfastes et indésirables de la technologie  sur notre  mode de vie, et notre civilisation en général. Chassez le naturel, il revient au galop : si le groupe a laissé derrière lui le concept pour le moins marquant de son premier LP (dont les chansons étaient toutes inspirées d’histoires réelles, ayant rapport à la mort tragique des personnages qui y prenaient place), le message délivré ici et évoqué dans les deux clips extraits de l’album (« Mnemosyne » et « Beacons » – remarquez l’enchaînement subtil entre la fin de la première et le début de la deuxième) nous met en garde contre l’abandon de nous-même à ce qu’on pourrait définir de la façon la plus simple comme le « progrès ». « Rome » et « Jericho », les deux titres principaux (si l’on écarte le single éponyme) incarnent tous deux l’image de grands empires dont le niveau de civilisation n’ont pas pu les préserver de leur déclin et de leur chute. Mais les textes semblent aussi avoir attrait à la façon dont l’homme oublie et reproduit sans cesse les erreurs du passé : « We will fall in line again, we always do« . Pas vraiment une surprise donc mais on dirait bien que David Martin n’est toujours pas sorti de sa dépression nerveuse, ni revenu de son obsession contre le progrès à outrance (dont il était déjà ouvertement question dans Progress Reform, le tout premier EP du groupe, et le titre « The Beeching Report »).

Mais s’il a gardé la teneur de son propos, I Like Trains a su amener un renouveau à sa forme musicale. le groupe a laissé derrière lui les beats vaporeux d’Elegies to Lessons Learnt au profit de rytmiques mid-tempo martelées comme des machines, illustrant le propos avec pertinence. Le son des guitares s’est affiné, certes moins aérien que sur les premières parutions de la formation, mais le coté sombre et épique des parties instrumentales, parfois amené avec un peu trop d’évidence, a fait place à davantage de finesse et à un travail sonore plus minutieux (voir les notes de picking étouffées de « Beacons » soutenant la batterie à merveille). Les chansons lorgnent désormais vers une pop synthétique plus épurée, tintée de fines touches électroniques, sans pour autant congédier l’importance de ses guitares – le cinquième membre du groupe n’étant autre qu’un guitariste additionnel – et cette évolution semble des plus naturelles dès lors qu’on accepte que le changement est nécessaire pour s’épargner la lourdeur de la répétition. Entre fond et forme, réforme et conservatisme, voilà un effet de style qui brouille les pistes de fort belle manière. A ce jeu, I Like Trains sort grandi et se rend auteur d’un joli coup de maître. Bobby Fischer aurait été fier d’eux.

Ecouter l’EP via Soundcloud

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