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Interview – Flunk

Flunk, c’est l’expression même du temps qui passe trop vite. Difficile d’imaginer que cela fait déjà dix ans que le trop discret groupe norvégien offre une pop électro acoustique pleine de délicatesse, de mélancolie à fleur de peau et d’intimité toute scandinave. Avec cet anniversaire, mais aussi une compilation et un nouvel album en ligne de mire, l’occasion était trop belle d’échanger quelques mots avec Ulf Nygaard (programmation et voix), histoire de se retourner une dernière fois sur la décennie passée pour Flunk et de jeter un coup d’oeil vers son avenir.


Flunk existe depuis maintenant dix ans et vous êtes sur le point de sortir une compilation suivie d’un nouvel album. D’après toi, pourquoi votre groupe existe depuis aussi longtemps et reste aussi remarquable de stabilité?

Ulf : Tout d’abord, nous aimons la musique que nous jouons et nous continuons à travailler ensemble parce que Flunk a probablement toujours été une entreprise assez cool… Nous avons alterné entre périodes de travail et de pause et n’avons jamais constamment fait de la promotion ou tourné. Tout ceci a été facilité par le fait que nous avons eu du succès depuis quasiment le premier jour. Enfin, personne dans le groupe n’a jamais réellement eu envie que le groupe disparaisse.

Quelle est la plus grande différence entre Flunk il y a 10 ans et Flunk aujourd’hui?

J’imagine que nous étions assez naïfs voici dix ans de cela, d’une manière positive. Nous sommes maintenant de bien meilleurs musiciens et compositeurs. Ce qui n’est pas obligatoirement une bonne chose. Ça t’empêche d’essayer de faire des trucs que tu considères désormais trop faciles, même si, bien sûr, c’est aussi très bien pour la musique de s’améliorer et de sonner plus expérimentée. De plus, ces dernières années, Anja a commencé à jouer de la guitare en concert, ce qui a amené quelque chose de totalement nouveau. Le paysage sonore a aussi beaucoup changé en dix ans. For Sleepyheads Only a été réalisé à un moment qui précédait l’apparition des crépitements et des infra basses du dubstep, un genre qui je le pense a vraiment redéfini le style de musique que nous jouons. Même si nous ne serons jamais un groupe dubstep, nous sommes juste – comme n’importe quel autre groupe de musique électronique – influencés par les techniques de production de Flying Lotus, Mount Kimbie et la scène Londonienne, Burial et le label Hyperdub. Mais j’imagine que nous avons toujours été et resterons un groupe de pop alternative DIY.

Vous êtes probablement l’un des secrets les mieux gardés de Norvège et pourtant vous avez une grande base de fans dans le monde entier. Comment avez-vous réussi a faire cela?

Ce n’est pas quelque chose que nous nous efforçons de faire, il n’y a rien de conscient dans tout cela. Il est pratique d’être « énorme » dans ton propre pays mais, pour être honnête, après le premier album, nous avons été pratiquement ignorés chez nous. Mais nous avons beaucoup de fans dans le monde entier, spécialement en Pologne et en Europe de l’Est, en Turquie, au Mexique et en Chine. Nos deux premiers albums se sont aussi plutôt bien vendus aux Etats-Unis. Donc les choses ne se passent pas trop mal pour nous et nous sentons que la musique que nous faisons est importante. Mais pour répondre à ta question, cela a sûrement à voir avec le fait que nous sommes trop humbles et relax pour devenir des pop stars. De plus, nous avons refusé de nous positionner sur des opportunités mainstream jusqu’à un certain point. Parce que si tu te laisses avaler par ce système, tu finis toujours par perdre le contrôle de ta musique. Nous adorerions être populaire mais cela voudrait dire faire de la musique pour hit-parades. Ce qui est très difficile et que peu de groupes ont réussi à faire jusqu’alors. Donc nous avons toujours choisi la musique, pas les dollars ni tout ce cirque pop, qui, je pense, est pourri – et te pourrit.

Si tu devais décrire chaque album de Flunk avec seulement un mot, quel serait-il ?

For Sleepyheads Only, Sampling. Morning Star, éclectique. Personal Stereo, mutant. This Is What You Get, bâtard.

Vous avez toujours apprécié les remixes (deux albums de remixes de Flunk ont été produits : Treat Me Like You Do, appendice musical de For Sleepingheads Only et Democracy regroupant des remixes réalisés par les fans du groupe de morceaux de Personal Stereo).

Oui, parce que c’est un honneur et aussi parce qu’il est excitant de découvrir ce que d’autres personnes peuvent réaliser avec notre musique. Mais il est difficile de nous imaginer faire un morceau de dance « hardcore » nous-mêmes. Particulièrement au vu de l’atmosphère qui prédomine dans notre nouvel album. Si jamais nous le faisions, cela sonnerait plus probablement comme une chanson Motown accelérée ou de la House Garage.

En parlant de Democracy, qu’est-ce que tu as ressenti lorsque tu as entendu ta musique remixée par vos fans?

C’était un peu comme une longue période durant laquelle tous les jours ressemblaient à la veille de Noël. Nous voulions vraiment que tout soit bon et présent sur Democracy mais bien sûr, nous avons reçu bien trop de remixes, Et du monde entier. Cela nous a rendu fiers.

Où et quand sont, pour toi, les meilleurs moments pour écouter la musique de Flunk?

Je suis sincèrement tenté de te retourner la question. Nous n’avons pas de « grand dessein » pour notre musique, mais nous supposons que beaucoup de personnes l’écoutent lorsqu’ils sont seuls, leurs écouteurs sur les oreilles. For Sleepyheads Only a été terminé pendant un été très chaud, tu peux quasiment y entendre la mer. Donc, tu pourrais sans doute aussi nous écouter sur la plage. Morning Star est un entre deux tandis que les deux derniers albums sonnent peut-être plus comme des disques d’automne et d’hiver. Mais toutes les musiques mélancoliques sonnent mieux lorsque tu as besoin d’un bon ami qui te comprend. Et c’est ce que fait la musique mélancolique.

Vous n’avez jamais vraiment écrit a nouveau une chanson pop classique et immédiate comme « On My Balcony », pourquoi cela?

Très bonne question. Je ne sais pas vraiment. Peut-être parce que nous estimions que le morceau se forçait un peu trop à être « catchy ». D’un autre côté, c’est aussi ce que la pop music est supposée être. Quoiqu’il en soit, nous ne sommes jamais retournés sur ce territoire depuis « On My Balcony » (encore que « Cigarette Burns » n’en est pas si éloigné). C’est une bonne question et cela répond peut-être aussi à savoir pourquoi nous ne sommes pas devenus plus populaires.

Quand je n’ai pas trop la forme, j’écoute « Play » et je me sens bien mieux tout de suite après. Est-ce que tu peux m’expliquer pourquoi?

Il y a quelque chose d’extrêmement positif dans ce morceau que ce soit dans les mots exprimés mais aussi le son et la tonalité du synthétiseur principal. Peut-être que cela s’immisce dans le centre de mélancolie de ton cerveau. C’est vraiment incroyable que nous ne l’ayons pas mis sur la version originale de « Morning Star ». Je me demande vraiment à quoi nous pensions!

Est-ce que tu peux nous en dire plus sur votre collaboration avec le légendaire Daniel Johnston sur « Haldi »?

Ce n’était pas vraiment une collaboration. Nous n’avons jamais parlé à Daniel Johnston mais nous avons rempli beaucoup de paperasse avec ses représentants. Nous nous étions servi du poème en concert un an auparavant et voulions vraiment l’utiliser pour un morceau de Personal Stereo.

« Sit Down » est mon morceau préféré sur Personal Stereo. Pourrais-tu me dire comment et pourquoi vous avez choisi de faire un duo de cette chanson ?

Et bien, les choses se déroulent de cette manière. Certaines chansons sont composées par Anja, certaines par moi et d’autres par chacun d’entre nous (la plupart des compositions instrumentales viennent de Jo et moi, du moins jusqu’à maintenant). Il m’arrive souvent de chanter sur les démos. Nous apprécions le mélange de la voix d’Anja et la mienne, et peut-être devrions-nous le faire plus souvent (j’ai tendance à me tenir à l’écart, mais les vocalises d’Anja sont toujours si belles que je ne peux pas m’empêcher de l’accompagner) donc c’était une chose qui nous a paru tout à fait naturelle sur « Sit Down ». Avoir deux voix nous permettait de mettre en évidence le message d’une destinée commune. Ou un truc dans ce style.

Pourquoi est-ce qu’il y a toujours une reprise (New Order par deux fois, Depeche Mode et Radiohead) sur chaque album. Est-ce que c’est quelque chose d’inconscient ou une tradition pour vous?

Nous adorons faire des reprises, encore plus qu’être remixés. Il y a tant de chansons magnifiques et tu te sens bien plus libre lorsque tu fais une reprise, comparé à l’angoisse de t’attaquer à un nouveau travail d’écriture. C’est aussi devenu une habitude, mais nous sentons aussi que c’est quelque chose que nous avons fait un peu trop souvent. Nous adorerions faire plus de reprises de New Order ou Joy Division, mais bien d’autres groupes l’ont déjà fait et nous n’allons pas faire trois reprises de New Order.

Justement. Geir Jenssn de Biosphere a récemment réinterprété « Blue Monday » pour un CD de reprises de l’album Power, Corruption and Lies de New Order produit par MOJO Magazine . Est-ce que tu as écouté son morceau? Est-ce que tu lui as expliqué comment faire une bonne reprise de New Order?

Biosphere est probablement l’un des plus grands musiciens de Norvège et je pense qu’il le restera pendant un bon moment. Donc, je ne me permettrais pas de lui donner des conseils pour quoi que ce soit. En fait, nous avons été sur le même label mais je ne l’ai jamais rencontré.

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Album après album (avec peut-être pour exception Morning Star), l’atmosphère de votre musique devient de plus en plus sombre. Est-ce que tu es d’accord et est-ce que tu peux nous expliquer pourquoi?

Tu as raison. Je pense que nous avons toujours été intéressé par une musique assez sombre mais pendant les premières années de groupe, Flunk était un territoire un peu « vierge ». Et puis est venu le dubstep, qui a eu un impact certain sur moi et en conséquence sur la production. De plus, tout de suite après Sleepyheads,, nous devions essayer d’évoluer un peu. Morning Star était un petit changement mais plutôt dans un registre conventionnel. Nous avions remarqué que les groupes qui faisaient de la musique semblable à la nôtre devenaient plus ou moins ennuyeux lorsqu’ils continuaient à faire les mêmes morceaux « chill out » ; ils n’évoluaient pas et la plupart d’entre eux n’essayaient même pas. Nous avons donc ressenti le besoin de mettre à bas ces murs « chill out » et c’est la principale raison pour laquelle notre musique est devenue de plus en plus sombre. Nous apprécions ce que nous avons développé, il y a tellement de groupes que nous sommes heureux de ne pas être devenus.

Vous ne faites pas beaucoup de concerts. Par exemple, je ne vous ai jamais vu en France. Pourquoi?

Et bien, nous avons tendance à jouer où les gens nous demandent de venir. Nous n’arnaquons pas les organisateurs de concert, nous ne sommes pas chers mais lorsque nous avons une proposition, nous discutons entre nous pour savoir s’il s’agit de quelque chose que nous voulons faire ou pas. Donc, j’imagine qu’il n’y a pas eu beaucoup d’offres venues de France. Nous avons néanmoins enregistré certaines parties de Morning Star dans le Marais à Paris. Nous aimerions beaucoup jouer à Paris. N’importe quelle personne saine d’esprit citerait Paris parmi ses villes préférées. Et je vais en Provence tous les ans. Donc nous aimons la France et oui, s’il vous plaît, si quelqu’un veut bien de nous, nous viendrons!

Vous avez tourné en Chine récemment.

La Chine était fantastique, ça ne ressemblait en rien à ce quoi les gens nous avaient prédit. On nous avait prévenu des étranges différences culturelles et le fait que le public applaudissait rarement pendant les concerts. Ce n’était pas du tout le cas. Les gens étaient fantastiques, le type de fans dont tu rêves, très dévoués et chantant en choeur. La plupart des concerts ont vraiment stimulé le groupe. La Chine est aussi un très beau pays, le train rapide incarne sans doute l’avenir, la nourriture est scandaleusement sublime et, à l’image de Pékin, il y a quelque chose de serein dans le rythme des villes chinoises. C’est ce que nous avons ressenti en tous cas ; le fait que les gens n’avaient pas cette sorte de stress agressif et le langage corporel que l’on retrouve chez les citadins des villes occidentales. Et l’architecture de la Chine moderne ressemble à un rêve, comme Metropolis.

Est-ce que tu peux nous en dire plus sur la future compilation. Est-ce que l’on va y trouver des nouveaux morceaux? Des remixes? Est-ce qu’elle va être uniquement diffusée en numérique?

J’espère que nous pourrons la sortir en vinyl. Il y aura aussi une partie numérique, une sorte de best of des remixes. Notre label a choisi les remixes tandis que nous avons sélectionné les morceaux de la compilation. Ce sont nos propres favoris et il n’y aura pas de nouveau morceau. Nous voulions nous concentrer sur le nouvel album et ne pas mélanger les nouvelles chansons avec les anciennes. Donc cela ressemble plus à une anthologie des dix dernières années. Nous n’avons pas estimé nécessaire d’y incorporer un tube juste parce que c’était ce que l’on pouvait attendre de nous. J’espère que de nouveaux auditeurs nous découvriront par l’intermédiaire de cette compilation. Et les anciens fans auront leur dose de nouveautés avec le prochain album.

Si chaque membre de Flunk devait choisir une chanson du répertoire et expliquer pourquoi ce morceau est si spécial pour elle ou lui.

Jo : « Personal Stereo ». Parce que c’est notre chanson la plus réussie d’un point de vue acoustique.

Anja: Ma chanson préférée a toujours été « Six Seven Times ».

Ulf : Ma chanson préferée est « Sit Down » mais au niveau de l’enregistrement, c’est « If We Kiss ». La mélodie est sympa, bien réalisée et arrangée, et c’est un morceau qui réunit à 100 % les différentes saveurs de Flunk.

Que peut-on attendre de votre futur album? Va-t-il être très différent de votre son électronique / acoustique de référence?

Sincèrement, nous ne savons pas à quoi l’album va ressembler. Notre première session studio a lieu ce mois-ci, on en saura plus après. Nous avons beaucoup répété et il y a plus de quinze chansons. Ce que l’on peut dire, c’est que l’on a inclus Erik, notre batteur, dans le line-up du groupe ; il joue depuis dix ans avec nous en concert mais n’avait jamais été auparavant vraiment impliqué dans les enregistrements. Ce sera la première différence. Ensuite, comme je te l’expliquais plus tôt, Anja joue désormais de la guitare, ce qui ajoutera quelque chose de vraiment nouveau. L’enregistrement live ou semi live avec deux guitares créera une grosse différence. Anja est aussi devenue très forte avec les effets vocaux en direct (elle a quelque chose comme dix différentes boites pour les réaliser) qui définissent notre son. Donc oui, ce sera bien. Oui, ce sera différent. Mais non, nous ne savons pas encore comment!

Cette semaine, j’aimerais que l’album ressemble à une mutation entre Soko et Leonard Cohen mais cela risque d’être différent la semaine prochaine. En fait, ça dépend beaucoup de ce que j’écoute en ce moment. Mon intuition me dit que ce sera une version bienveillante de Nico & the Velvet Underground. Mais, encore une fois, c’est juste mon pressentiment!

www.flunkmusic.com
soundcloud.com/flunktheband

One comment
  1. Arthur

    I know it’s complicated, but you might consider the possibility of coming to Brazil in the winter. The vinyl and CDs here in Brazil it is impossible to find and fans like to have the original albums. On the new album I would love to be a mixture of the morning star, Sleepers and Personal Stereo, because the songs take you to another place that tracks Sugar, Blue Monday, Keep On personal stereo and go with the same intentions. The last album did not take you on a trip.
    And we’re watching you

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