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The Whores Of Babylon: le groupe de punk ultime

A la fin des années 80, le punk n’est plus qu’une vieille chimère entretenue par des trentenaires shootés à la méthadone. Le mouvement, dynamité par Malcom McLaren et ses Sex Pistols, qui en ont fait un objet commercial codifié, a été remplacé par la révolte de la jeunesse américaine des années 90 qui, sous l’égide des Nirvana, Pearl Jam ou autre Stone Temple Pilots, éructe sa violence qualifiée alors de grunge. Mais les anciens rebelles ne sont pas encore morts et ils essayent, tant bien que mal, de se débattre dans ce nouveau monde. 1989 est une année charnière pour beaucoup d’entre eux. C’est cette année par exemple que Dee Dee Ramone choisit de quitter son groupe de toujours, les Ramones. Las de la discipline militaire imposée par Johnny Ramone et surtout de la mauvaise ambiance entre ces quatre faux frères, il claque la porte du groupe et s’en va enregistrer…un album de rap sous le pseudonyme de Dee Dee King.

Mais fraîchement installé à Manhattan, dans le quartier de l’East Village réputé pour ses dealers, il tourne en rond et continue de côtoyer ses vieux amis de dope, comme Johnny Thunders. L’ex-guitariste des New York Dolls est lui aussi dans une impasse. De plus en plus rattrapé par ses addictions, Thunders vient de sortir ce qui sera son dernier album, « Copy Cats », qui regroupe des reprises de vieux standards du rock ‘n roll. En duo avec la chanteuse Patti Palladin des Flying Lizards, il tente de relancer une carrière au point mort qu’il a essayé de sauver dans les rues de Paris en participant en tant que figurant à quelques films. 

Paris justement! C’est dans la capitale française que Stiv Bators, un autre rescapé du punk seventies, a échoué après avoir démantelé son dernier projet en date. Des trois comparses, c’est bien Stiv qui s’en est le mieux sorti. Après avoir sabordé les Dead Boys, groupe punk éphémère auteur du magique « Sonic Reducer », il choisit de s’acoquiner avec Brian James des Damned pour monter les Lords Of The New Church qui partagent leurs influences entre le punk seventies et le mouvement gothique. Mais une fois de plus, les excès de Bators (il a déjà failli se tuer en se pendant par le cou sur scène…) seront fatals au groupe qui lui cherche d’ores et déjà un remplaçant derrière le micro. Furax en apprenant ce coup bas, Stiv s’enfuit et se réfugie à Paris qui est un des derniers bastions punks avec des groupes comme Bijou, les Wampas ou Parabellum.

C’est donc dans les rues de la capitale que nos trois héros punks vont se retrouver pour former les Whores Of Babylon et tenter d’enregistrer un album. Il existe très peu de documents et quelques enregistrements de ce projet. Mais ces derniers sont difficiles à attribuer aux trois hommes; Stiv Bators s’étant fait aider à un moment par des membres de Sigue Sigue Sputnik, des Godfathers et des Dr and The Medics. L’album aurait dû s’appeler « Do You Believe In Magyk » avec la participation de Rat Scabies, batteur des Damned.

Dans sa biographie, « Poison Heart, surviving the Ramones » publiée en 1997, Dee Dee nous raconte la genèse de ce projet.

« Andréa [ndlr : Starr, de l’équipe de management des Ramones] était amie avec Stiv Bators, qui venait de quitter The Lords Of The New Church, peu de temps auparavant. Elle a suggéré que je quitte New York un moment, et que j’entre en contact avec Stiv pour essayer de monter un groupe sur Paris. » « Il devait y avoir Chris des Godfathers à la guitare, Vom des Dr and The Medics à la batterie et moi, à la basse […] j’étais d’accord pour venir si Johnny Thunders n’était pas là. » « J’habitais chez Stiv à Paris et finalement Johnny était là. Egal à lui-même : triste, mécontent et dingue, tout à la fois. Il faisait tout ce qu’il pouvait pour que je reprenne la dope. »

« C’était trop nul. Thunders, Stiv et moi, on aurait pu monter un groupe pas trop mal. On a bien essayé de répéter ensemble, mais on s’est juste assis en cercle et on a rien fait de bon. On avait chacun une guitare acoustique et on reprenait de vieux standards des 50, mais ça ne décollait pas. Rien ne se passait. Stiv était revenu réellement amoindri de son séjour à Londres et il m’avait expliqué que son foie ne fonctionnait plus qu’à 80 %. » « Son expérience avec les Lords Of The New Church l’avait trop niqué. Je me doutais bien que Stiv, Johnny et moi et notre petit numéro ‘les trois crétins de New York’ on allait pas sidérer les foules. »

De cette aventure, il reste trois enregistrements facilement trouvables sur YouTube : « Magyk », « Two Hearts » et « Nobody » sans qu’il ne soit possible de réellement savoir qui joue dessus, à l’exception de Stiv Bators. Ce groupe de punk réunissant trois icônes du mouvement s’est sabordé au départ de Dee Dee Ramone, sur une dernière note typique des histoires de camés, racontée par le bassiste lui-même. « J’étais sûr que Johnny me volait des trucs. Mais je ne pouvais rien prouver. Puis je l’ai pris la main dans le sac. Je ne trouvais plus mon manteau nulle part et je l’ai retrouvé dans sa valise. » « J’en avais rien à foutre qu’il soit Johnny Thunders ou qui que ce soit. J’ai fait un gros scandale. Le lendemain, j’ai pris un taxi pour l’aéroport et j’ai acheté un billet retour pour New York. »

Stiv Bators décédera quelques semaines plus tard, dans la nuit du 3 juin 1990. Il avait été renversé le jour même par un taxi alors qu’il traversait la rue. Las d’attendre à l’hôpital, il est rentré chez lui et a succombé à une hémorragie cérébrale. Johnny Thunders a suivi le même chemin le 23 avril 1991, à la Nouvelle Orléans. Plusieurs théories se heurtent quant aux causes de sa mort. Certaines, les plus romantiques, disent qu’il a été retrouvé sous une table, recroquevillé avec sa guitare dans les bras. D’autres, plus pragmatiques, dénoncent un règlement de compte avec un dealer. De toute façon, Thunders était malade et n’espérait plus vivre très longtemps. Dee Dee ramone est mort le 5 juin 2002, d’une overdose d’héroïne dans son canapé alors que tout le monde croyait qu’il avait décroché de la dope depuis longtemps.

 

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