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Zoom sur Goth Babe

En y regardant de plus près, découvrir Goth Babe en 2022 témoigne indubitablement de mon statut de vieux. Car si le projet musical de Griff Washburn compte peau de zob d’abonnés sur Facebook (je l’avoue, mon réseau social de référence), le bonhomme en rassemble 79 000 sur Instagram et j’ose en déduire que c’est sans doute la raison pour laquelle les compositions de ce musicien sont passées sous mes radars auditifs pendant de longues années.

Griff Washburn vient de Nashville, Tennessee, et a débuté la musique à 16 ans. Il a ainsi commencé dans le punk rock avec des potes fumeur de joints et adepte des cercles de tambours. Parmi ces deux activités récréatives, en tant que réactionnaire aigri, j’estime que la seconde est clairement la plus condamnable. L’historique de titres de Goth Babe (nom totalement inapproprié – on y reviendra – et choisi d’après un titre du groupe Surf Curse) reste néanmoins compliquée à suivre, particulièrement pour un newbie comme moi, puisque Griff Washburn semble avoir changé de pseudonymes plusieurs fois et que le musicien ne sort (pour le moment?) que des singles ou des (courts) EP sur différentes plateformes. À la recherche de matière pour cette bafouille, je me suis donc (notamment) penché sur Youtube pour tenter de trouver des informations sur le jeunot.

J’ai pu ainsi constater que les vlogs de Goth Babe témoignent d’un néant quasi hypnotique dans leurs contenus (entre séquences de motocross et promenades de sa chienne Sadie). Manque de bol, ses vidéos musicales ne sont pas en reste et affichent eux aussi un vide thématique assez désespérant. Ces dernières peuvent être résumées à du surf (beaucoup; avec un plan leitmotiv sur les planches de surf retrouvé sur quasi tous les clips), Sadie en recurring guest-star, des activités extérieures, de la bouffe, de la danse, des virées en minivan, du skate board, de l’escalade, des blagues entre potes, des sourires béats et des grimaces; le tout la plupart du temps enveloppé dans une esthétique mêlant grands angles de GoPro et prises de vues par drones étalonnés par des filtres Instagram. Le résultat ressemble à une dolce vita vacancière éternelle pour benêts. Exceptions néanmoins, le joli « I Wanna Help Your Mind » en animation stop motion et le court documentaire sur le braquage dont Washburn sont presque un soulagement et la preuve d’une activité cérébrale témoignant d’une forme de création dans sa production audiovisuelle. Si il y a certainement ici une part de second degré délibérément potache et qu’évidemment ce type d’illustration visuelle fait directement écho à la musique imaginée, que cette situation correspond probablement à un évident manque de moyens, voire est le reflet d’une mentalité indépendante vis-à-vis de l’industrie musicale et que douter de l’honnêteté artistique ou sociétale (celui-ci semble sincèrement intéressé par les problèmes environnementaux, les enjeux raciaux de la société américaine mais pas trop par le végétarisme) du musicien paraît carrément exagéré, ce manège de thématiques à la vacuité vertigineuse et cette accumulation de clichés ont tout de même tendance à sérieusement provoquer un sentiment d’écoeurement.

Car mettons-nous d’accord, c’est avant tout cette répétition ad nauseam des mêmes motifs visuels et narratifs qui irrite. Et l’irritation est d’autant plus importante au regard de la qualité des chansons produites par le bonhomme. En effet, toutes les compositions de Goth Babe ayant croisé nos oreilles témoignent d’un indiscutable talent de songwriter même lorsque l’écueil des gimmicks sonores bien pompier n’est pas évité (je pense à particulier à « Encinitas ft. Louis The Child » et ses agaçants coups de synthés bien bourrins pour les stades). Alors, évidemment, la bedroom pop électronique à l’arôme psychotrope très doux de Griff Washburn porte vraiment mal son nom et n’a absolument rien de gothique. Au contraire, elle est fondamentalement solaire (le contraire serait bien trop déstabilisant) tout en évitant les coups de soleil et soupire autant d’une douceur tiède et duveteuse que d’une paresse bienheureuse. Mettant en avant cette esthétique de garçon de plage déclinée dans les vidéos, elle baigne dans les embruns d’une Californie feel good fantasmée (« Canary Islands« ), résonne avec ses boucles synthétiques comme le souvenir distant et doucereux d’un (très) bienveillant et tranquille psychédélisme. En bref, si Goth Babe a certainement besoin d’un bon coup de pied au cul lorsqu’il imagine ses vidéos, j’admire son écriture ciselée, les refrains ultra catchy de sa surf pop ensoleillée et sensible, la fraicheur et la constance de sa production musicale. Et c’est sans doute là l’essentiel.

2021 n’aura pas été une année des plus simples pour Griff Washburn puisqu’il aura (probablement dans le désordre) vu sa maison partir en fumée, se sera fait voler, aura souffert d’un sérieux traumatisme crânien suite à un choc avec un surf (le karma est parfois sacrément vachard et violent) et avoué souffrir d’une angoisse scénique carabinée. Pas glop donc. Depuis quelques semaines, il aura néanmoins trouvé le courage de remonter sur sa planche (ahem….), repris le chemin de la scène et sorti un nouvel EP 3 titres intitulé Catalina à l’atmosphère similaire à ses précédentes productions. Il y a sans aucun doute une (certaine?) idée du bonheur chez Goth Babe. Que celle-ci évolue autour d’une planche de surf, d’un compagnon à quatre pattes et d’un van Volkswagen importe finalement peu; ce sera toujours sa musique qui en rendra le mieux compte.

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