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Live Reports

ARCTIC MONKEYS / Arènes de Nîmes,13/07/2023

Il est des héritages importants. La mémoire qui anime l’audience de la musique indé aurait pu ne savoir où faire son nid de souvenirs pour se régénérer, s’envoler à nouveau, plus jeune et ragaillardie.

Elle a cherché, parfois espéré en vain, elle a trouvé dans les Arctic Monkeys un délégataire noble et sans doute vertueux.

Ce soir, aux pieds de la scène ornée d’un immense écran en cercle d’inspiration seventies, il en est de même pour les claviers et micros « old school » qui incarnent à ce titre la culture musicale élargie, nourrie, enveloppante du groupe, et la volonté de trouver un autre « son », ce soir donc c’est la jeunesse de l’audience qui frappe l’œil, qui donne espoir et qui permet de se dire que, non, tout n’est pas perdu, tout n’a pas été dilapidé. La culture musicale de l’outre-manche, en l’occurrence du nord de l’Angleterre, encore, infuse, elle aussi encore. Cette jeunesse rendue puissante car ambitieuse par ce que les Arctic ont à leur dire de leurs références, semblant leur asséner dans la playlist qui défile en fond sonore, « Allez chercher, vous aussi, métamorphosez votre culture musicale, comme nous, dépassez ce qui vous a été assigné ! ». la playlist est riche, complexe , passionnante (Brian Benett, Electric Light Orchestra, The Amazing Snakeheads, Thin Lizzy, Baxter Dury  et même Baris Manço, chanteur turc…). Cette playlist nous enseigne le parcours des métamorphoses artistiques de notre quatuor du soir.

C’est un signe.

Les voilà ce soir dans les arènes, à l’occasion du festival, pour la troisième fois, 2007, 2014, 2023. Ce sont eux mais ce ne sont pas les mêmes. Les petits gars de Sheffield, précoce succès teenager, en 2006 avec  Whatever people say i am, that’s what I’m not sont devenus un énorme groupe de guitares, de rock et de propositions extrêmement exigeantes et brillantes comme le fut la prestation de ce soir. L’album The Car  sorti en 2022 en a désarçonné plus d’un, espérant encore l’explosion des débuts matriciels à la KINKS alors que, eux, marchent avec Lee HAZLEWOOD sur les sentiers escarpés des crooners et avec GAINSBOURG pour les arrangements et la poursuite de l’album concept.

Ainsi, eux, ont fait leur mue ou plutôt, nous le verrons, en assument ils une forme passionnante de bivalence. Ce double univers musical se revitalise sans cesse à la suite de leur chef de proue, barreur insulaire : ALEX TURNER. Jeune gars de Sheffield qui a su ajouter feuille à feuille, couche à couche une complexité musicale épaisse et parfois déroutante. Toujours flamboyante par la verve parlée ou le verbe lyrique, par le souffre explosif parfois. D’ailleurs il possède, comme Damon Albarn que nous avions vu ici il y a un an avec GORILLAZ, tellement à dire et à produire qu’un pupitre ne lui suffit pas, la remarquable discographie de The Last Shadow puppets dont il est la moitié marionnettiste ( avec Miles KANE) le prouve.

Les voilà.

Le ton est donné dès l’entrée en scène, il y a lui et les autres. Chemise largement ouverte, pantalon seventies, boots posées sur l’ampli, guitare, lunettes de soleil aviateur, il y a lui et les autres, oui, mais tous en haute altitude musicale. Rien ne sera jamais laissé à une forme de dilettantisme estival ou de facilité face au public acquis, au cordeau le groupe déroulera sans sourciller et le compresseur qualité compressera.

Le début du set donne la règle : dans l’épaisseur de l’air d’été vous ne respirerez plus avant la fin du concert. C’est « Brianstorm » qui, à la première seconde, fait tout basculer, pas d’entrée en matière sinon la couenne fringante des débuts ( à vrai dire second album  Favourite Worst Nightmare ,2007), alors oui la gifle est immense, il ne fait pas encore nuit, nous sommes déjà knocked out. Cette entrée est prodigieusement puissante et éloquente.

La fosse a déjà explosé sous la grande boule à facettes ornée d’un éponyme « MONKEYS ».

Uppercut géant pour les arènes qui affichent complet et qui ne reprendront leur esprit qu’après un enchainement de morceaux de l’urgence « Snap out of it », « Don’t sit down… » « Crying Lightning » « View from the afternnoon » » de quoi dire les origines (4 albums ici représentés en 4 morceaux) qui puisent dans l’instantanéité des premiers disques l’ADN commun aux KINKS, aux STOOGES. Riffs hargneux, sans ambages, mélodie teigneuse, souffle coupé. Une façon de rafraichir les mémoires, d’être très clairs sur leur identité musicale, « Nous sommes cela, n’en doutez pas. »

On y est: Les arènes sont incandescentes.

Le nid est fait pour mieux s’en défaire, on le sent TURNER veut aussi se distancier de lui-même et donner à voir l’autre face distillée de sa musique, l’arrangeur curieux, le penseur plus lent, le phrasé relâché, c’est entre ces deux mondes que le concert dès lors va se déployer sous les lumières dorées et ambrées de la scénographie, « Four out of five », « Sculptures of Anything goes », « Perfect sense », « Cornerstone », « There’d better be a mirrorball », « 505 », « Body paint », les traces d’un désir de « crooner » remonte loin à qui veut bien y regarder de près. C’était en germe cette bivalence du monde musical. Les grands morceaux emblématiques rythment en contrepoint : « Fluorescent adolescent », « « Why ‘d you only call me when you’re high ? », « Do me a favour”, “My propeller”. Il est question d’équilibre fin et réfléchi dans la composition de la set list et c’est sur cette ligne de crête que le concert donne toute son ampleur mélodique, son élégance ajustée, consciente d’elle-même qui veut embrasser la double réalité désormais de leur proposition artistique.

Le rappel se clôt exactement sur ce mantra intergénérationnel dans leur œuvre-même, se répondant, dialoguant avec eux-mêmes…et pour tout dire avec lui-même, TURNER immense interprète orchestre le final, grand écart lyrique entre le velours de « Star treatment » et le papier de verre de « I bet you look good on the dance floor » et enfin l’hymne « R U mine ? ».

Il y a tellement de génie chez lui, un talent mélodique, une telle maitrise lyrique et épique, une présence scénique qui nous a éblouis.

Reprenez vos esprits, c’était magistral.

Photos : François Dufour.

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