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Disques

Ben Frost / By the Throat

By the ThroatMesdames, mesdemoiselles, messieurs, By The Throat remporte la palme du meilleur film et de la meilleure sculpture de l’année 2009. Et pourtant, il s’agit bien d’un disque, enregistré par Ben Frost, artiste compositeur australien (à ne pas confondre avec son homonyme/compatriote/collaborateur artiste graphique) qui migre en 2002 vers un territoire diagonalement opposé, l’Islande. C’est là-bas qu’il fonde le label Bedroom Community avec Valgeir Sigurdsson et Nico Muhly. Ben Frost, c’est un peu la hype des musiques texturisées/noise/ambient. Ben Frost, c’est le futur mais aujourd’hui.

Tout comme Fennesz ou Tim Hecker, le processing de la guitare est central dans son travail. Tout comme ses compatriotes et collaborateurs Lawrence English et Oren Ambarchi, il insuffle une poésie unique et personnelle à sa musique. Comme Lasse Marhaug, il maîtrise parfaitement l’obscurité oppressante, et comme Daniel Menche, il sait jouer sur la tension de vos nerfs en instaurant un suspense auditif. Mais passons les comparaisons (faciles ?) avec ces inconnus (à découvrir) pour certains, chefs de file pour d’autres. Ce qui compte c’est que cet album est à la fois un chef d’oeuvre d’un genre et une fenêtre ouverte sur un vaste monde sonore peu médiatisé.

By The Throat est une expérience physique et climatique, environnementale, animale et radicale mais surtout passionnante. C’est une bande-originale pour un thriller-gore futuriste, introspectif, se déroulant dans une zone abandonnée et enneigée à quelques miles de Reykjavik. Il y a cet homme là, fort mais effrayé, à fleur de peau, et il y a l’odeur d’essence émanant de son pickup, la lumière aveuglante des ses phares, et cette meute de loups qui rode… Les hurlements se font de plus en plus inquiétants et réels. Très vite, l’attaque à lieu. L’assaut brutal de ta gorge auditive se nomme « Híbakúsja », en piste 4. Le son mute, se transforme, se fait animal et surprend par sa violence et sa beauté. La horde sauvage fait gicler ton sang, mais tu en redemandes. Vous allez me dire que je suis très certainement influencé par le merveilleux artwork (mon préféré pour 2009), et vous aurez raison. Mais ça tombe plutôt bien puisque selon l’artiste lui-même, c’est une partie intégrante de l’expérience.

Contrairement à son précédent opus, le chirurgical Theory of Machines, les compositions ne sont ici pas uniquement basées sur des traitements sonores guitaristiques mais laissent une certaine place à une musique composée, se mariant ou combattant contre les textures. Les pièces musicales de formes plus traditionnelles servent de matériaux à sculpter et sont exécutées par le quartet Amiina, Nico Muhly (qui est aussi arrangeur pour Antony & the Johnsons, Bonnie Prince Billy, Grizzly Bear, Björk…), Sam Amidon, Jeremy Gara (batteur d’Arcade Fire) ou encore les suédois de Crowpath, le tout étant co-produit par Valgeir Sigurdsson (Bedroom Community, Björk, Bonnie Prince Billy, Mùm, …). C’est comme si l’australien, se servait de ces bribes de musique post-classique, d’indus, de black metal, de folk music, de cuivres ou d’instruments acoustiques délicats, comme autant de mélodies qui illustrent les scènes et les paysages qu’il peint au premier plan. La superposition de matériaux de définitions sonores différentes donne un relief étonnant, une sensation de réel, c’est en train de se passer, là, maintenant. Le palpitant récit de Frost s’achève sur une agonie aveuglante, stridente et pourtant apaisante, « à travers la bouche de tes yeux » (c’est lui qui le dit, pas moi)…

Et si il vous faut une raison supplémentaire d’écouter ce disque, je conclurai en vous informant que sur cet album figure un diptyque intitulé Peter Venkman, et ça, ça vaut toutes les raisons du monde.

En écoute : « Killshot »

[audio:https://darkglobe.free.fr/extraits/091201.mp3]
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