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Disques

Dirty Beaches / Badlands

Faire du neuf avec du vieux n’est pas chose aussi facile qu’il y paraît, et beaucoup se sont cassés les dents en négligeant l’effort de créativité que requiert l’exercice. Méfiance donc quand on lit qu’Alex Zhang Hungtai, alias Dirty Beaches, revisite avec un magnétophone Akaï, une guitare et quelques pédales les standards sixties doo-wop et rockabilly. Pourtant, en dépit du coté lo-fi (ou grâce à lui) de Badlands, de chacun des huit morceaux du disque se dégagent des images au charme presque inconscient, par lesquelles on se retrouve irrémédiablement plongé au milieu du Lost Highway de David Lynch ou de quelconque autre road movie ténébreux.

A l’origine, sans doute, la fascination de ce Taïwanais Canadien d’adoption, pour la route, ce sentiment de flottement et d’inertie qui s’empare de nous lorsqu’on arpente cette highway de nuit, en scrutant les lumières du prochain motel: ambiance retranscrite à merveille par les boucles répétées de « Speedway King » ou « A Hundred Highways », qui sembleraient presque délimitées par le bruit des jonctions de bitume frappant les pneus de la vieille Buick qui vous emmène. Et puis, il y a ce coté Everly Brothers revu à la mode Suicide, Roy Orbison qui aurait troqué sa chemise contre un blouson noir, et la sensibilité simple et touchante des slows sixties qui habite « True Blue » et « Lord Knows Best ». Hungtai avoue que c’est en hommage à son père (qui fut un temps chanteur dans un groupe de doo-wop), qu’il a voulu créer ce personnage fictif qu’il incarne, sans doute avec une pointe de nostalgie, en jouant « Sweet 16 » ou « Lone Runner » (tiré du EP du même nom sorti sur Suicide Squeeze). Dirty Beaches façonne, à partir de samples des vinyles craquants de son père, des textures sonores lancinantes qui servent de trame parfaite aux ambiances cinématographiques et à une évasion visuelle quasi-totale: il n’y a qu’à regarder les clips de quelques unes de ses chansons (pour la plupart réalisés par Hungtai lui-même) pour s’en rendre compte, ou réécouter « Hotel » ou « Black Nylon », qui eux nous projettent en plein film noir.

Hormis le fait qu’Alex Hungtai est incontestablement un personnage fascinant, une sorte d’hybride gominée entre Elvis (période beau-gosse) et Takeshi Kaneshiro, et même si le coté lo-fi, craquements et souffle discrets, pourront en rebuter quelques uns (si vous me demandez mon avis, ils sont ici une composante absolument indispensable du son), rares sont les artistes qui parviennent à revisiter avec autant de classe et d’originalité des univers sonores et visuels auxquels on croyait déjà tout connaitre – et par lesquels on n’imaginait plus pouvoir être aussi ému. On avait tout faux.

En écoute: « Lord Knows Best »

En concert ce soir (mercredi 26 octobre 2011) au Sonic. Immanquable!

One comment
  1. Louise

    Je suis bien d’accord. Très intéressant ce style et se sentir dans l’atmosphère d’une film de David Lynch, c’est très agréable.

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