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Interview – The Pains Of Being Pure At Heart

The Pains Of Being Pure At Heart est un groupe un peu particulier pour Dark Globe. Si la rédaction est partagée sur la question de savoir lequel de ses deux albums est le meilleur, tout le monde s’accordera à dire qu’ils occupent tous les deux une place particulière dans le coeur. Sur notre étagère donc, un premier disque éponyme sorti en 2009, qui réconciliait la twee-pop de Sarah Records avec les guitares de The Jesus & Mary Chain et Slowdive, et dont le successeur, Belong, nettement plus orienté indie US (Smashing Pumpkins, Weezer) au niveau du son, se démarque efficacement mais parvient pourtant à en conserver la fraîcheur et la sensibilité adolescente.

Il est dimanche, fin d’après midi. Ça roule bien sur l’autoroute pour aller à Feyzin. Sur l’autoradio, Tomorrow Dies Today et les bonus de l’édition japonaise de Belong, histoire de se mettre un peu dans l’ambiance et réviser les classiques avant la session de questions/réponses qu’on a préparée à la va-vite, aux cotés de quelques détails qui nous semblent plus importants, et eux, ne sont pas notés. Une fois sur place, le tour manager m’accompagne en coulisses ; je remarque au passage que la salle de l’Epicerie est en config « petit public » ce soir. On sera proche de la scène : tant mieux. Dans sa loge, Kip est en train de lire quelques mails, il a l’air un peu fatigué. Il ferme son laptop, me salue avec un sourire, il semble touché quand je lui dis que les « Pains » sont un groupe spécial pour nous, que c’est un vrai plaisir de le rencontrer. Pas d’autre interview ce soir, j’ai quarante minutes. C’est parti.

Histoire de commencer par le début, peux-tu revenir brièvement sur tes débuts en tant que musicien, et la façon dont le groupe a commencé?

Kip Berman : Je connaissais Alex (basse) et Peggy (claviers) depuis un moment, on passait beaucoup de temps ensemble, on allait à des concerts. J’avais écrit des chansons de mon coté, même si à l’époque je n’avais jamais envisagé que la musique puisse devenir mon activité principale. J’ai demandé à Alex si ça le brancherait de venir jouer des chansons avec moi, dans mon salon (rires).

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Tu avais déjà joué dans d’autres groupes avant?

Oui, je jouais de la guitare depuis une dizaine d’années mais rien de concret n’en était vraiment ressorti. Là, on a commencé à répéter avec un CD de rythmes pré-enregistrés, et puis on a proposé à Peggy de rejoindre le groupe. J’étais musicien amateur, j’avais joué dans quelques formations mais je n’avais jamais fait de concert en dehors de la ville, et je n’avais pas vraiment le projet de le faire non plus. Alex n’avait jamais joué de basse, Peggy jouait de la guitare dans un autre groupe… On a commencé à jouer ensemble juste parce qu’on s’est dit que ce serait fun, et parce qu’on s’entendait bien! Nous avons d’abord enregistré un EP avec une boite à rythme, puis nous nous sommes dit qu’il nous fallait un batteur. Nous avons alors fait écouter notre musique à Kurt, qui était mon colocataire et qui jouait de la batterie. Il a aimé le disque, et a rejoint le groupe. C’est comme cela que TPOBPAH s’est formé, pas sur la base de talents particuliers ou de la recherche d’un style de musique précis, mais plutôt sur une amitié partagée. Il y a plusieurs approches, mais je pense que quand tu veux monter un groupe, le plus facile c’est de le faire avec les gens avec qui tu sors souvent, ou qui sont dans la même pièce que toi dix heures par jour.

Je n’ai jamais écouté cet EP dont tu parles, il est difficile à trouver aujourd’hui?

Il n’est pas super, pour tout te dire. Il contient une première version différente de « This Love Is Fucking Right » et « Hey Paul »… Le meilleur morceau est probablement « Doing All The Things That Wouldn’t Make Your Parents Proud ». Mais on ne l’a jamais réédité, parce que… C’est un peu embarrassant. Peut-être que quand on aura vingt ans de carrière, ou si on meurt tragiquement quelqu’un le fera. (Rires)

Votre deuxième album a surpris pas mal de monde : alors que le premier était très associé à la pop anglaise de Sarah Records et la mouvance C86, Belong sonne, lui, très influencé par l’indie rock US, les Smashing Pumpkins… Pourquoi cette évolution?

Je crois que ces deux aspects de notre son font réellement partie de ce que nous sommes en tant que personnes, de ce que nous aimons dans la musique. Peut-être, en partie, l’image renvoyée par le premier disque insinuant que Sarah Records, les groupes écossais, les Cardigans, étaient tout ce que nous aimions… Bien sûr nous adorons tout çà, mais nous avons aussi ressenti le besoin de dire « hey, on a grandi aux US, on a aimé beaucoup de groupes américains au début des nineties ». Nous n’avions pas l’intention de nous démarquer, ni de rejeter ce que nous étions au moment du premier disque, mais juste l’envie d’offrir une image plus complète du genre de groupe que nous aimions, et que nous espérions devenir. Avec le recul, maintenant que nous avons appris à mieux jouer les morceaux du premier album, ou de façon plus énergique peut-être, je ne trouve pas que les chansons du second sonnent de manière fondamentalement différente.

« Je crois que nous sommes plus une « idée » qu’un groupe de rock. Nous faisons de notre mieux pour nous effacer derrière çà, et pour tenir notre promesse à l’idéal que nous essayons d’atteindre. »

Peut-être aussi parce que vous avez quasiment enchaîné l’enregistrement de Belong sur une tournée épuisante pour supporter le premier disque… Je me souviens de la chronique que notre rédacteur a fait de Belong, il disait que hormis la production, votre musique n’avait pas radicalement changé.

Exactement. Même si j’admets volontiers que l’album puisse sonner différemment aux oreilles de certains, ça n’est pas le geste d’une approche commerciale de notre part… On n’a pas cherché à être davantage diffusé en radio, ni de jouer dans des salles plus grandes. On savait qu’il y avait un million d’autres groupes qui sonnaient de cette façon, mais je crois que nos chansons ont gardé une certaine sensibilité. On n’est pas devenu Slipknot!

Pour moi le morceau qui concilie le mieux ces deux aspects de votre musique est un bonus track de l’édition japonaise, « Tomorrow Dies Today » : des guitares claires au début, puis les murs de disto qui arrivent progressivement…

C’est gentil de ta part! On n’a pas mis ce titre sur l’album, on a mis « Anne With an E » à la place. J’aime l’idée qu’un album reste concis, qu’il contienne dix ou onze morceaux maximum. J’espère qu’on arrivera à maintenir une consistance dans nos prochaines compos, un certain lyrisme dans nos paroles et dans l’esprit de notre musique. Je crois que notre groupe est presque plus une « idée » qu’un groupe de rock, nous essayons de nous effacer derrière çà et de tenir notre promesse à l’idéal que nous essayons d’atteindre. C’est une bonne chose, ça nous encourage. Il y a tellement de musique indé aujourd’hui, que le terme en lui-même ne veut plus dire grand chose. Mais j’espère que nous continuerons, d’une certaine façon, à conserver notre identité, ce qui fait de nous un groupe différent des autres. Pas meilleur, mais différent.

Dans le mélange de vos influences « UK » et « US » je pense que c’est le cas, c’est dur de vous coller l’une ou l’autre des deux étiquettes.

Oui, peut-être! Je sais qu’on sonne comme beaucoup de groupes du passé, évidemment, c’est un continuum permanent. Je ne suis jamais vexé que l’on nous compare ou que l’on nous assimile à d’autres. Je sais que même si j’essayais d’être Jim Reed, de The Jesus & Mary Chain, je ne serai jamais comme lui. Il y a toujours les aspects de ta personnalité qui remontent à la surface.

D’un point de vue technique, comment as tu géré l’évolution de ta voix, plutôt douce, avec la présence grandissante des guitares sur Belong? As tu travaillé le chant d’une façon particulière?

C’est intéressant que tu mettes le doigt là-dessus. L’idée avec Belong était de donner quelque chose de plus immédiat, de plus viscéral ; enlever la réverb’ et le coté obscurcissant de certains sons, ce qui paraît plutôt un bon concept. Mais j’aimais la façon dont ma voix sonnait sur le premier disque. C’est vrai que le chant est un peu en retrait sur le deuxième, peut-être à cause des guitares plus agressives comme tu le soulignes. Mais je ne voulais pas que l’agressivité se retrouve dans le chant, je voulais garder cette sorte d’équilibre. Je sais que je ne suis pas Eddie Vedder, ou Bono! Ma voix ne conviendrait pas à du rock de stade (« arena rock », ndla), et c’est très bien comme çà. Bien sûr, si on devait recommencer l’album, je ferais peut-être les choses différemment… Mais je reste très content du résultat.

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Après deux albums comme ceux que vous avez pondus, à quoi doit-on s’attendre pour le troisième? Est-il déjà sur les rails?

On a enregistré quelques démos et écrit des nouveaux morceaux, dont deux ou trois qu’on jouera ce soir (l’interview se déroule quelques heures avant le concert à l’Epicerie Moderne, nlda), mais aucun dont on est sûr qu’il finisse sur un disque ou qu’il soit même enregistré en studio. J’écris tellement de trucs que forcément il y a beaucoup à jeter! Dans le processus de composition, je pense qu’il est très important de savoir ce qui est bon et ce qui est mauvais, d’avoir l’esprit critique sur son propre travail. D’une façon générale, je ne suis pas déçu par quoi que ce soit qui ce soit passé dans ma vie ; je me dis que c’est la meilleure façon d’avancer. Dès qu’une chose est finie, il faut penser à la suivante, ne pas trop passer de temps à regarder derrière soi. Enfin, enregistrer les démos de nouvelles chansons te permet de voir comment elles sonnent véritablement, quand tu les joues ailleurs que dans ta chambre avec une guitare acoustique. Nos nouveaux titres me plaisent, et même si je ne veux pas parler trop tôt, ils ne sont pas « heavy ». Je crois qu’après le dernier album, pour lequel on a cherché à sonner aussi heavy, abrasif et puissant que possible, notre objectif est maintenant de trouver d’autres moyens de donner du sens et de la force à nos chansons que de les jouer toujours plus fort. Il y une part de moi qui cherche inlassablement à jouer une musique puissante sans qu’elle ait besoin d’être jouée fort.

On entend parler de Kurt, votre batteur, au sein de deux side-projects qu’il mène de front avec les Pains : The Depreciation Guild et The Ice Choir. Comment arrive t’il à jongler avec tout çà – et comment cela impacte t-il la vie du groupe?

Pour commencer, je suis fan de la musique de Kurt, et je crois que nous avons tous un grand respect pour sa créativité en tant que compositeur. C’est important qu’il ait un lieu pour donner corps à sa vision. Il a tellement apporté à notre groupe, pas seulement à la batterie mais pour tout ce qui touche à la programmation! Son travail avec The Ice Choir est incroyablement sophistiqué, minutieux, si bien qu’à un moment nous nous sommes dit « Hey, pourquoi ne pas intégrer des éléments de The Ice Choir dans TPOBPAH »… Je pense que ses expériences au sein de différents groupe profitent à tous ses projets, et ce serait sans aucun doute une mauvaise chose pour nous si Kurt n’avait pas une porte de sortie pour les envies musicales qui lui sont propres. Si je pouvais jouer de la guitare pour les Strokes – et j’adorerai çà, j’adore les Strokes! – je serai frustré si je ne pouvais pas écrire et jouer mes propres chansons. Ce serait un sentiment horrible.

« Il y a une part de moi qui cherche inlassablement à jouer une musique puissante qui n’ait pas besoin d’être jouée fort. »

Vous venez de New York, ville d’où sortent un grand nombre de groupes et d’artistes… Qu’est ce que cela t’inspire?

C’est une bonne question. C’est vrai que New York est un lieu énorme pour la culture, et pas seulement pour la musique indie. Dans un sens cela n’a rien d’étonnant, je veux dire, rien qu’à Brooklyn il y a deux millions et demi de personnes. Quand je suis arrivé à New York, je me suis senti incroyablement motivé, j’ai ressenti l’envie de travailler dur pour « mériter » de faire partie de cette scène. Crystal Stilts, Vivian Girls… Il y a tellement de bons groupes qui viennent de Brooklyn.

Je parlais avec le chanteur d’A Place To Bury Strangers la semaine dernière qui me disait exactement la même chose – d’où ma question…

Oui, c’est super de se sentir dans un lieu et un environnement où la créativité occupe une si grande place ; cela te pousse vraiment à donner le meilleur de toi-même. Il y a tant d’exemple de réussite, regarde… Jay-Z (Rires). Bon, évidemment on n’est qu’une infime fraction de ce que Jay-Z représente de Brooklyn, mais plus sérieusement il y a une vaste échelle de ce que le succès peut réellement signifier à New York, ce qui y rend la vie et la travail d’artiste vraiment excitants.

Dernière question : Quand on a dit non à l’amour (« Say No To Love »), quand on est le « Heart » dans un « Heartbreak », est-ce vraiment si douloureux d’avoir un coeur pur? (traduction approximative, ndla!)

(Rires) Je crois que l’amour et les sentiments amoureux sont omniprésents dans notre musique, autant qu’ils sont intemporels et font partie des thèmes de la plupart des pop songs. Je ne crois pas avoir un coeur pur au sens littéral du terme, je n’ai plus douze ans… Je suis adulte, je ne suis plus vierge… Nous n’essayons pas de projeter une image naïve ou candide de nous-même : c’est juste une vision, une métaphore. Mais je crois que le sens du nom de notre groupe est surtout inspiré par l’idée abstraite de faire quelque chose de vrai, et d’absolu, de notre vie. A tel point que ça peut nous sembler inatteignable, irréalisable, mais que c’est le sentiment qui nous dirige malgré tout. Je ne suis pas sûr que ça réponde exactement à ta question, mais c’est  notre objectif. Le groupe que nous voudrions être, que nous essayons d’être… Et que nous ne serons peut-être jamais. Qui sait!

 

Remerciements : Kip Berman (Thanks a lot for your time!)/ Amélie & Pauline @ l’Epicerie Moderne
Compte rendu du concert à lire, voir et écouter ici.

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