Les Warrior Kids sont sans doute l’un des plus anciens groupes « punk » français (et marseillais) encore en activité. Le trio est actuellement composé de Marc Russo, bassiste, chanteur et dernier membre originel, John Kuriac, batteur et Sébastien Ailhaud, guitariste. Je rencontre aujourd’hui Marc et John, à l’heure du café (un réflexe quasi-pavlovien m’ayant incité à éviter l’heure de l’apéro).
Nous pouvons commencer.
Donc, je me suis replongé dans le vieux site internet que nous avions fait sur le rock à Marseille (NDA : RockOnMars) et j’ai pu constater que les Warrior Kids existent depuis 1982. Tu peux me faire un historique ?
Marc Russo : Oui, 1982. C’est, en fait, une fusion. Je faisais un groupe de punk qui s’appelait Four Fingers. Je crois que le premier concert c’est 79/80, j’avais 14ans. Je jouais avec mon pote Karim, on avait créé le groupe au lycée, et Nounours qui était le batteur. Et au début il chantait avec nous, il était punk. Et puis un jour, il devient skin à Estrangin (NDA : à Marseille, les premiers skinheads zonaient sur un banc sur la Place Estrangin, à la sortie du métro)…
Ah oui, c’était lui, ce Nounours-là ?
… oui, et il nous dit, maintenant je suis skin, je ne peux plus chanter des chansons qui s’appellent « pogo » … Mais bon, on était jeunes, on avait le privilège d’être jeunes et cons. C’était un privilège. Et donc, on continue à faire nos chansons avec Karim ; je faisais la basse, lui, la guitare, une boite à rythmes et on composait. Et un jour, les skins d’Estrangin montent un groupe qui s’appelle Warrior Kids. Le chanteur n’avait pas de micro, le bassiste n’avait pas de basse, il n’y avait pas de guitariste et Nounours jouait de la batterie… donc, il n’y avait « dégun ». Et il est passé au local et il a vu que nous avions quand même des chansons, du matériel, et ça a fusionné comme ça. Et après il y a eu plusieurs formations. Karim, qui avait écrit certaines chansons n’est pas sur l’album (NDLR : le premier album Les enfants de l’espoir en 1986) puisqu’il était parti avant faire un peu de la « New Wave » avec un groupe d’Aix qui s’appelait les Sad Boys. Puis il s’est engagé dans les commandos marine au Liban. Il n’avait rien de militaire mais il disait « j’ai besoin d’être maté » …
Ouais, sinon je vais partir en c… ?
C’est ça. Il s’est engagé et a été soldat de la paix, d’où la chanson du premier album qui lui est dédiée, « Soldat de la paix ». Et donc, en 1983, on a fait l’enregistrement d’un premier 45tours (« Adolescent / Les forces de l’ordre ») à Lattes, à côté de Montpellier et en 1985 (sorti en 1986), l’album, financé à moitié par un label… et c’est quasiment la fin de la première formation. Ça a été un peu rapide. En fin 1986, après l’armée, (NDA : le service militaire, à l’époque) on a tout arrêté et j’ai rejoint Les Chérubins. Mais les 45tours, il nous en restait « des blindes ». On avait tout soldé à un Lyonnais. Et donc en 1991 on nous dit que ces Lyonnais veulent organiser un concert de reformation à Lyon, qui, finalement, va se faire à la Maison Hantée (salle de concert mythique)à Marseille. Et les 300 45tours qu’on lui avait vendu 10 balles (en francs, donc), à la fin du concert il va les vendre comme des petits pains à 30 balles (rires). Ce concert était rigolo parce que les skins de Lyon, n’étaient pas des tendres et donc les « red skins » de Marseille courraient vite à cette époque. Je reprends une phrase de mon ami Serge Scotto qui disait « Je sais qu’il y a un concert des Warrior Kids quand je vois des red skins en train de courir. ». Alors qu’on n’a jamais été vraiment branchés politique.
Et les 300 45tours qu’on lui avait vendu 10 balles (en francs, donc), à la fin du concert il va les vendre comme des petits pains à 30 balles
John : Et je ne sais pas si tu te rappelles, il y avait la mezzanine à la Maison Hantée et j’étais avec « Crabe », on mangeait dessous et Yann (patron éternel de la Maison Hantée) voyait tout qui tremblait ; il était terrorisé.
Marc : Ouais, faut dire, c’était archi plein et pourtant l’entrée devait être à 50 ou 70 balles, alors que maintenant si tu mets l’entrée à 10 euros (l’équivalent), on dirait que tu es un meurtrier. Il y a une vidéo du concert, que j’ai, on me la demande, mais je ne la fais pas tourner. Comme celle du 2 janvier 1984, lendemain de cuite au Corbusier, un concert un peu en vrac ; celle-là aussi, je la garde pour moi. Mais pour la Maison Hantée, on ne s’attendait pas à ça. C’était Pierrot (des Chérubins) à la guitare ; on avait répété une dizaine de morceaux… et on a dû refaire nos « hits » trois ou quatre fois.
Et donc après ce concert, c’est la reformation ?
Marc : Non, rien du tout. Je retourne avec Les Chérubins et on essaie d’évoluer un peu après le décès de notre chanteur, en Thaïlande. Et en 1997 j’arrête complètement, je ne joue plus que de la guitare à la maison. Puis, en 2001, Momo Disagree veut sortir une compilation, parce qu’il y a une demande. Il y a eu des bootlegs, des enregistrements qui circulent sous le manteau… Et donc, cette année-là, on se reforme avec Nounours et Pierrot (Chérubins) à la guitare. Là, on fait le plein à l’Espace Mirabeau (salle marseillaise) en octobre 2001, juste après le 11 septembre. Et ensuite, en février 2002, on joue à Paris et pendant les balances on fait tourner « Les kids d’Estrangin », que je venais d’écrire et plusieurs personnes veulent le sortir en 45tours. Je me dis, un 45tours ? On va essayer un album. Et c’est l’album Carton Rouge en 2002. Quand tu finis un album, tu es sur les rotules, tu te dis plus jamais, j’en ferai plus… et puis, tu ne sais pas pourquoi, tu te reposes un peu et ça repart. Et depuis on n’a plus arrêté, on a fait encore une dizaine d’albums. Le groupe a eu diverses formations : Nounours est parti en 2007, remplacé par Gilles qui est resté jusqu’en 2018 ? 2017 ?
John : Il est parti fin 2016 et je suis arrivé en 2017.
Marc : Voilà et Seb est arrivé en 2004, ça fait 21 ans.
Donc, à partir de là, c’est la période la plus prolifique et la plus stable ?
Marc : Oui, le but ça n’est jamais de changer. Tu te connais, tu n’as qu’à te faire un signe pour changer, c’est plus facile.
John : A trois, c’est dur de bouger les choses.
Marc : et la difficulté c’est ce P-T—N de public. Tu comprends mieux quand on te dit que les Rolling Stones, s’ils ne font pas « Satisfaction » ils se font frapper*… Ben voilà, tu as les morceaux du début et si tu ne les fais pas… Nounours à l’époque n’a pas voulu les jouer en Suisse et on a été tricards là-bas à cause de ça.
*NDA : référence au concert des Rolling Stones à Marseille à la salle Vallier en 1966 où, Keith Richards jouait le riff entre chaque morceau, mais jamais le morceau… et où Jagger a reçu une chaise…l’histoire est peut-être un peu romancée, le concert n’ayant duré que 4 morceaux…
Après le côté historique, faisons un grand écart pour aborder directement l’actualité.
Marc : Ben là, on est rentré des Etats Unis en septembre, où on a fait quelques dates…
John : … et le Canada…
Marc : … ouais, le Canada en août.
Et l’année dernière vous étiez en Europe du Nord…
Marc : On a fait tous les pays d’Europe sauf l’Italie. En plus, je suis d’origine italienne, et chaque fois ils nous plantent au dernier moment.
John : La Belgique…
Marc : J’y suis allé. Pas avec cette formation, mais on l’a fait. Et donc aux USA on a croisé le mec de Longshop Music, un label punk/skin de Seattle, très sérieux, qui est assez fan, qui nous a demandé deux morceaux pour une compilation. Je me suis mis dans l’esprit de morceaux à la commande et j’ai donc écrit deux titres, que je n’aurais peut-être pas faits dans la formation actuelle des Warrior Kids. Pas « Oï ! », mais un peu hymne au football. On évite normalement parce que ça peut faire un peu bourrin. Donc on a enregistré ça et deux reprises…
John : … je te coupe. Hymne au football, on ne peut pas faire plus, avec le titre « Ultras de Marseille ». Et ça vient du fait qu’en septembre, pour les 40 ans du Commando Ultras 84, on a joué au Stade Vélodrome.
Marc : Là, tu joues au Vélodrome, c’est le feu. Et tu sais que tu vas faire un morceau sur les Ultras. On va le jouer samedi à la Maison Hantée (concert le 10 mai à la Maison Hantée). C’est tout con, ça dit « ils sont Ultras de Marseille, on est Ultra pour Marseille ». Faut différencier, on n’est pas des fans de foot mais on est pour Marseille, surtout le 31 mai, on est ultra pour l’Inter… faut pas déconner !
Tu es un peu italien, en plus…
Marc : Naples aurait été encore mieux, mais bon… Et donc, on a aussi enregistré une version de « The harder they come » et un morceau qui était dans la compilation Trojan et que j’adore « Rasta never fail ». Même si j’aime le reggae, j’en avais fait « Rude boy never fail » puis je me suis dit, je vais la faire en français et j’ai reécrit le texte « Rude boy n’échouera jamais ». On a respecté la musique mais en faisant quand même une version personnelle. On essaie toujours de s’approprier les morceaux qu’on reprend. Comme quand nous avons fait la reprise des Cramps « Bikini Girls with Machine Guns » (NDA : sorti sous Mick Wigfall with Warrior Kids).
John : Et donc, l’actualité, c’est on va au studio (Local 54 Studio) pour deux morceaux et finalement on en enregistre 4.
Et au final, vous en avez deux sur la compil…
Marc : Non, la compilation est retardée, donc Longshot sort l’EP avec les 4 titres, et pour la compil il en faudra deux autres. Entretemps, j’avais travaillé sur de nouveaux morceaux dont on a fait les maquettes chez Jearc (boss du Local 54) et on prépare un nouvel album. Et on devrait avoir bientôt un clip pour « Ultras de Marseille ». Et le prochain album sortira certainement chez Longshot.
John : L’EP va sortir en vinyle sur une seule face, avec un graphisme en face B et c’est une co-production Longshot pour les USA et Bord De Seine pour l’Europe. C’est un peu la crise. Les labels partagent les risques. Et comme ça le pressage aussi est réparti et ça minore les frais de transport.
Marc : Voilà, ça c’est l’actualité. J’aimerais bien que l’album soit prêt pour la fin de l’année et que l’on fasse quelques dates, mais franchement, les dates, on ne cherche pas. On a des contacts…
Mais vous jouez presque autant à l’étranger qu’en France ?
Marc : Plus !
Quand vous faites une tournée, c’est à l’étranger.
Marc : On a fait des dates en France quand on montait jouer en Allemagne, pour couper la route.
Et est-ce que ce n’est pas aussi parce qu’il y a une fan-base plus importante à l’étranger ?
Marc : Oui. Nul n’est prophète en son pays.

Les Enfants de L’Espoir ( premier album – 1986 )
Alors que vous chantez en français.
Marc : Oui, et ça plait plus à l’étranger qu’en France. En France le public attend… suit une litanie d’injures entrecoupées de Oï, Oï, Oï… et ça, je ne sais pas faire.
John : En fait, on va jouer dans les endroits où des groupes locaux avaient repris les Warrior Kids, en Allemagne, aux USA, au Canada, etc…
Donc, des pays dans lesquels des groupes sont fans des Warrior Kids.
Marc : En fait ce qu’il se passe en France c’est que nous sommes trop skins pour les punks et trop punks pour les skins. Les punks n’écoutent pas parce qu’ils se disent c’est skin, c’est bourrin. Je t’avoue que maintenant, à nos âges, ça ne me préoccupe plus. Je m’en fous, mais d’une force…
En plus musicalement, toi, ta culture est beaucoup plus vaste que du skin ou du punk.
Marc : Ah oui, moi il y a les mods, les Who, les Beatles, Bowie, Lou Reed, T.Rex, la new wave aussi, en partie. Mon premier concert c’est juin 1980, The Cure au Toursky. Ne jamais dire du mal des Cure ! Franchement, si musicalement tu n’as pas envie de t’ouvrir c’est un peu dommage. Il faut être curieux : dans un style que tu n’aimes pas, certains groupes te plaisent parce qu’ils apportent quelque chose qui te parle.
John : Les premières covers des Warrior Kids étaient faites en Europe par des groupes skins. Aux USA c’est différent…
Marc : Ici, les groupes skins, s’il y a plus de quatre notes, ça leur fait mal aux oreilles.
John : Aux USA, c’est plus du punk/rock américain.
Marc : Aux USA, la base skin est très différente. Ils écoutent aussi du hardcore. Alors, la côte Est est plus austère, mais la côte Ouest, ils écoutent Rancid, qui a des morceaux très « Clashiens » ou NOFX qui a toujours de belles mélodies…
John : C’est plus rock’n roll. D’ailleurs les rééditions du premier album sont sur deux labels américains (2012 et 2023) et au final, cet album a dû se vendre à 7 ou 8000 exemplaires.
Donc, là, vous êtes sur un label américain et avant vous étiez sur un label allemand, même plusieurs…
Marc : Oui, avant on était chez Randale (label allemand Randale Records), et je vais te dire une chose, tu peux l’écrire parce que ça me fait rire « en Allemagne, depuis juin 44, il y a vraiment du laisser-aller ». (Rires)
John : Alors, attends, précise… Sur la rigueur, pas sur autre chose… qu’on ne soit pas…
Marc : Mais oui… Quand ils avaient besoin de quelque chose, c’était toujours immédiatement, et toi, tu envoyais 10 mails, 20 mails sans réponse. Et un jour on partait en tournée et on n’avait pas reçu les disques et j’ai pété un boulon. Après on est passé chez Sunny Bastard, qui était plus petit. Mais là aussi, ça commence à être compliqué. Et les Américains, par contre, c’est professionnel, c’est carré, c’est un métier. En tout cas, pour l’instant, trouver un label, pour nous, ça n’est pas très compliqué.
Quand ils avaient besoin de quelque chose, c’était toujours immédiatement, et toi, tu envoyais 10 mails, 20 mails sans réponse. Et un jour on partait en tournée et on n’avait pas reçu les disques et j’ai pété un boulon.
John : Mais Sunny Bastard, pour le dernier album, c’était bien au niveau marketing, vinyles couleurs, etc…
Marc : Pour le CD c’était une coproduction mais le CD ça ne sert plus à rien, même si ça coute une misère, tu ne l’amortis pas. C’est vinyle et code de téléchargement.
Et bizarrement, tous les petits groupes marseillais, qui n’ont sans doute pas de labels derrière eux, ou des labels trop petits, sans moyens, continuent à sortir des CDs. Mais c’est sans doute pour avoir une trace et compter plutôt sur la diffusion comme méthode de promo.
John : Sans doute parce que c’est eux qui se paient la fabrication.
Marc : Nous, le deal qu’on a toujours eu, notamment avec Randale, c’était : on paie le studio, ils paient le mastering et on a 20% du pressage. Et avec les 20%, tu vends et tu réapprovisionnes ta caisse pour faire ton album suivant. Ce qui était bien aussi, chez Randale, c’est qu’ils pressaient des 45tours sur lesquels on sortait des inédits.
John : Payer les enregistrements pour rester propriétaire des bandes.
Marc : Et pour la SACEM, c’est plus facile maintenant, tu déposes ton fichier par internet. A l’époque des Chérubins on payait quelqu’un pour nous écrire les partitions et, si ça se trouve, on déposait « Tata Yoyo » parce qu’on n’y connaissait rien.
Donc, vous restez traditionnels au niveau distribution avec le vinyle, vous êtes aussi sur les sites de streaming, mais au niveau réseaux sociaux ? Il n’y a pas vraiment de clips. Une chaine Youtube ?
John : Alors, il y avait une chaine Youtube Warrior Kids, il y a quelques années ; mais je ne sais pas si vous vous souvenez, à un moment Meta a demandé des renseignements sur les identités des personnes et a supprimé tout ce qui paraissait anti-fasciste… parce que, pour eux, Warrior Kids est un groupe communiste.
Marc : Moi, ce que je regrette, comme je te disais, on n’a pas de problème de label, mais tous ces petits groupes marseillais et il y en a vraiment quelques-uns qui sont bons, qui doivent aller taper à toutes les portes, qu’il n’y ait pas une structure qui puisse un peu co-produire…
Alors c’est un sujet qu’on a abordé avec Jules (Jules Henriel de Parade) pour dire qu’il y avait une forte culture du Do It Yourself à Marseille, en raison d’une ancienne et efficace présence punk, mais qu’il manquait certainement l’échelon au-dessus. Il manque la taille intermédiaire que tu vas trouver dans d’autres villes. Malheureusement à Marseille il y a une sorte de snobisme de l’underground.
Marc : Complètement ! On va te sortir un groupe dont il est impossible qu’il écrive une bonne chanson et impossible qu’il marche, parce qu’il a vendu deux exemplaires à La Bédoule, enregistré dans un local, avec le voisin du dessus qui tapait avec un balai… ATVFE ! (sigle figurant sur un t-shirt des Warrior Kids et signifiant Allez Tous Vous Faire… je vous laisse terminer).
John : Un snobisme qui fait que, officiellement, personne n’aime mais les disques se vendent et les t-shirts, il y a eu 7 modèles différents et pour certains plusieurs tirages.
Marc : Oui, je ne suis pas une brute du merchandising, mais on le fait. Mais, dans ce milieu, tu as, à Paris, des groupes qui vendent des centaines de disques et de t-shirts. Et là aussi, on va revenir au côté « élite » entre Marseille et Paris, mais je pense que si, à l’époque, Warrior Kids avait été un groupe parisien, ça pouvait être comme La Souris Déglinguée ou Oberkampf. Parce qu’on a joué avec La Souris Déglinguée et les mecs partent quand tu joues ; on te fait comprendre que tu n’es pas dans l’élite parisienne. Et les copinages avec les journalistes parisiens, c’est précieux. Mais je m’en fous. Parce que si tu vends plus mais que je ne me retrouve pas dans les textes, ça ne m’intéresse pas. Je peux avoir un texte comme « Bascule » sur le fait de boire un coup, mais il faut trouver quand même un côté poétique, à la Pogues, ou ironique. Si c’est pour dire « je me suis bourré la gueule… ». C’est comme le mec qui mange de la merde tout le temps et un jour il va manger un poulet fermier et il va te dire « Il est dur ».
Après quelques divagations de propos difficiles à condenser et dont l’intérêt me laisse encore perplexe, nous en revenons à des sujets un peu plus concrets.
Marc : Après, il faut pas se la raconter, la musique, on n’en vit pas et on n’en vivra pas.
Est-ce qu’à un moment ça a été le but ?
Marc : Non. Bien sûr, au tout début, tu rêves. La première fois, The Clash, « Tommy Gun », le clip chez Antoine De Caunes (émission Chorus), les mecs étaient beaux à voir, le morceau me plaisait, évidemment, tu te dis, j’ai envie de faire ça. Quand tu es gamin tu veux être pompier, footballeur…
… ou rock star ?
Marc : le moment où il pouvait y avoir l’idée d’en vivre, c’était plus avec Les Chérubins, avant que Johnny (chanteur des Chérubins) décède. Après ce fut une suite d’erreurs et on s’est un peu perdus. Mais forcément, c’est mieux que d’aller à l’usine, il faut le reconnaitre.
Mais à partir des reformations tu n’es plus dans cet esprit-là. C’est plus se faire plaisir.
Marc : Il y a des approches différentes de la musique, que je respecte, mais qui ne sont pas les miennes. Certains veulent être intermittents à tout prix et vont faire des reprises, du cabaret, de la variété, parce qu’ils ont un bon niveau… Je ne pourrais pas faire des dates, avec des morceaux que je n’aime pas, pour l’intermittence, avec la contrainte du cachet. Mais il va te dire, l’autre il va à l’usine et moi je reste à la maison ; et ça, je peux l’entendre. Moi, je pense que je me perdrais…
John : Evidemment, le Graal c’est d’en vivre…
En fait il y a deux écoles : celui qui va dire, je vais avoir, toute ma vie, des activités en lien avec un domaine artistique, quitte à faire, dans ce domaine, des choses qui ne me plaisent pas ; donc, c’est ce que font 90% des intermittents et 90% c’est optimiste ; soit de dire, c’est tellement une passion que je ne peux faire que ce je m’aime et si ça ne suffit pas, j’ai un autre boulot purement alimentaire. Mais le piège de l’intermittence, ce que je vois en tout cas, c’est qu’au final, beaucoup ne font plus que de l’à-côté pour garder l’intermittence et oublient leur désir premier.
Marc : J’allais faire une comparaison avec ceux qui entrent dans le cinéma X en disant, je vais être acteur. Ben, à la fin, non…
John : Effectivement je préfère faire de la musique de temps en temps que prendre des dates, juste pour vivre de ça. Mais oui, tu te perds en faisant ça.
En voulant conserver ton rêve, tu t’en éloignes. Alors, pour changer de sujet : le français. Les Warrior Kids chantent en français, mais ce que tu écoutes c’est très largement en anglais.
Marc : Quasi-uniquement
Alors, pourquoi tu chantes en français ?
John : Parce qu’on a un très mauvais accent !
Marc : Parce que pour le premier 45tours, j’avais écrit le morceau en anglais, puis on l’a traduit, et ça a marché comme ça. C’est vrai que je n’aime pas particulièrement des artistes français, mais les textes pour moi c’était important et en anglais, c’est bien, ça sonne, mais souvent les gens ne traduisent pas et ça ne veut pas dire grand-chose. C’est plus facile de chanter « she loves you, yeah » que « elle t’aime ouais, ouais, ouais ». Ça s’est fait comme ça. Après, quand on a monté Les Chérubins, j’ai rencontré Serge Scotto qui, pour moi, est quelqu’un qui écrit bien en français et avec qui j’ai beaucoup appris. Mais ce n’est pas facile de faire sonner le français. De temps en temps on en fait un ou deux en anglais. Et bon, les anglais le font mieux que nous… ils sont anglais, quoi !
John : Et puis on a Mick (Mick Wigfall) maintenant pour l’anglais.
Sur la composition, Marc, c’est toi qui composes tout ?
Marc : Essentiellement…
John : On arrange ensemble.
Marc : Voilà. La facilité c’est d’être avec des gens qui te comprennent. Tu montres des choses. Je compose avec une guitare acoustique mais je ne vais pas apprendre à Seb à faire un riff. Il trouve celui qu’il faut. Pour la batterie, je vais lui apprendre à compter parce que chaque fois il fait 1,2 et 1, 2, 3, 4 et il nous « nique ».
John : Mais pour les derniers enregistrements on avait juste des progressions d’accords, sans les paroles et une fois que les choses s’enchainent à peu près, tiens, on va voir si le texte va.
Marc : Mais là, c’était plutôt des démos. Les démos ça aide pour travailler sur une vraie base et ça va faire gagner du temps. Après où s’arrête la compo où commence les arrangements ? L’exemple flagrant c’est « Walk on the wild side ». Le bassiste a enregistré une basse et une contrebasse parce que ça faisait payer deux sessions : deux fois cinquante dollars. Mais quand on écoute « Walk on the wild side », qu’est-ce qu’on entend ? Est-ce qu’il n’aurait pas dû être crédité, lui ? Bon, avec Lou Reed, je pense que ça n’était pas possible ; à mon avis c’était une bordille au niveau des royalties. Mais sincèrement, où s’arrête la composition ?
C’est aussi pour ça que tu as la possibilité de créditer les arrangeurs.
John : Ça part de Marc et après c’est un travail de groupe. Parfois ça démarre avec pas grand-chose et chacun va apporter ses idées.
Marc : Le texte c’est différent. En principe c’est écrit, mais il est aussi arrivé en studio de changer ensemble un mot ou une phrase et que ça prenne tout son sens.
John : Mais à trois, ça se fait assez facilement. Ce n’est pas un groupe avec des « ego », en tout cas, en interne. Tout se débat.
Comment vous vous situez musicalement ? Par rapport aux groupes de vos débuts ? Est-ce que vous vous sentez dans la scène marseillaise ou un peu à part ?
Marc : Non, je me sens complètement seul, à part (Rires). Marseille, je m’en fous, on en a parlé, pour le côté élitiste… Intéressé oui, par contre, par les groupes ; j’ai bien aimé Sovox. Je vais écouter. En plus, j’ai passé l’âge de la jalousie, de dire « ils sont meilleurs que moi, ils sont moins bon que moi » … Mais la scène marseillaise, beaucoup ne veulent pas de nous. Mais comme c’est réciproque… Je rigole, je fais un peu le Kuriac.
John : N’importe quoi !
Marc : Non, on s’intéresse. L’autre fois j’ai vu No Jazz Quartet, ce n’est pas du tout mon style, mais je l’ai dit à Polo (Sonic Polo, guitariste de No Jazz Quartet), c’était un bon concert.
John : Mais il y a une vraie scène marseillaise avec les jeunes groupes. Et il y a beaucoup de lieux.
Marc : Après, même si on n’en fait pas vraiment partie, quand on joue à l’étranger, souvent je dis qu’on vient de Marseille, pas de France.
Si on parle des influences des Warrior Kids, c’est uniquement musical, ou c’est aussi ce que tu lis, je sais que tu lis beaucoup.
Marc : Au niveau musical, il y a eu Clash, Ruts, Stiff Little Fingers, les Members, le ska avec les Specials, qu’on reprend souvent. Les Specials étaient un groupe qui avait énormément de classe, avec des textes politiques. Terry Hall disait qu’il détournait le punk. La plupart du temps j’écris les musiques avant et après je cherche les textes. Et là, j’ai le cerveau en ébullition, il s’ouvre et c’est comme une éponge par rapport à ce qui se passe autour. En période d’élections, je voyais un mec coller des affiches, et j’ai fait un texte sur les colleurs d’affiche… qui font ça pour entrer à la ville, etc…
C’est quand même assez en prise sur la société…
Marc : Anti-système, souvent. Enfin, je ne suis pas anar non plus, mais c’est tellement de la pourriture de tous les côtés que… Voilà, par exemple, je sais très bien que c’est la mode de dire on est musiciens, alors on est à gauche, alors on est LFI. Mais LFI, c’est pas la Gauche… et je leur « pisse à la raie », à eux aussi ! Et ça ne veut pas dire que Marine Le Pen est mieux. Au moins je suis lucide. Certains croient toujours que demain on va raser gratis, mais il y aura toujours quelqu’un pour te facturer le prix du rasoir et la mousse à raser. Dans le dernier album il y avait un texte sur Macron avec un jeu de mot sur un titre d’émission télé : « Faites entrer l’enculé ». Il n’est pas seul, il est accompagné.
Au moins je suis lucide. Certains croient toujours que demain on va raser gratis, mais il y aura toujours quelqu’un pour te facturer le prix du rasoir et la mousse à raser.
John: La musique, les livres, le ciné, l’actualité, comme tout le monde… Après, Warrior Kids, c’est connu comme un groupe de poètes ( rires). Ce qui est étonnant, c’est que les textes sont très clairs et pourtant ils sont souvent sujets à interprétation.
Marc : Et puis c’est un milieu où on te pardonne peu. Ah oui, mais il a joué avec untel qui est ceci ou cela, alors ça veut dire… Quand je prends le tram, il y a certainement dans la rame des gens qui votent RN ou LFI et je vais quand même prendre le tram. Il y a un peu trop de donneurs de leçons.
Est-ce que pour toi le punk ça a encore un sens, et qu’est-ce que tu mets, toi, derrière ce mot punk, qu’est-ce que ça représente ?
Marc : Si on parle de la musique essentiellement, je dirais punk-rock, je ne dirais pas punk. Parce qu’avec les influences de Johnny Thunders et de Chuck Berry sur les chorus de guitare de Steve Jones dans les Sex Pistols, je continue à dire que Never mind the bollocks est le plus grand album de tous les temps. Pas de tout l’étang de Berre, de tous les temps. Donc, le punk-rock, ça représente quelque chose. Ensuite sont arrivés Exploited, avec des crêtes, c’est devenu une sorte de punk-metal, ça fricotait un peu avec le hardcore et là, ce n’est plus mon truc. Pour moi le punk c’était l’ouverture à l’anglaise, avec les groupes de reggae ; Johnny Rotten qui écoutait Dr Alimantado… Après le mot punk veut dire encore quelque chose pour moi dans la mesure où je ne suis pas tributaire d’une maison de disques et où je peux dire : je fais ce que je veux avec mes chansons, j’écris les textes que je veux.
Donc, c’est ça être punk.
Marc : Je fais ce que je veux, par moi-même, c’est le Do It Yourself. Mais dans la musique tout le monde se réclame du punk. Joy Division met des synthés, c’est du punk ! Non, c’est de la new wave. Bien sur, ils ont entendu les Pistols et formé un groupe ; ils étaient à Manchester où se trouvait le meilleur groupe punk pour moi, les Buzzcocks, mélange des Beatles et des Sex Pistols. Mais maintenant, tu fais du power-pop, c’est du punk. Blondie, c’était pas du punk, Talking Heads non plus et Television non plus ; c’était la scène New-Yorkaise ; il n’y avait que les Ramones et les Dead Boys à cette époque-là. Le mot veut encore dire quelque chose pour moi, mais sans doute pas la même chose que quand il est prononcé par d’autres personnes qui sont plus jeunes. Mais je peux le comprendre.
John : Musicalement, le punk c’est aussi les Stooges. Et ce que disait Joe Strummer : « Le punk rock c’est traiter tous les êtres humains de façon exemplaire. C’est pas d’être un fouteur de merde, comme plein de crétins s’imaginent que c’était le cas il y a vingt ans. »
A l’opposé donc de l’image souvent véhiculée. Une question importante : est-ce que vous allez enfin enregistrer le morceau que vous a écrit Serge Scotto il y a 30 ans ?
Marc : Non ! (Rires). Je le remercie, mais le morceau ne me plait plus. C’est pas le texte.
Faut que tu prennes le texte et que tu changes la musique, alors.
Marc : Ouais, je vais écrire des morceaux en anglais pour faire diversion.
Vous êtes deux gauchers sur trois. Est-ce que ça change quelque chose musicalement d’être gaucher ?
Marc : Oui ! Connaissant un peu les parties du cerveau, l’histoire de McCartney, dans le jeu, je trouve souvent les bassistes gauchers plus mélodieux. J’ai l’impression que les gauchers gèrent mieux aussi l’indépendance. McCartney expliquait cette sensation d’avoir vraiment, par moment, le cerveau séparé en deux. Une partie concentrée sur la basse et une autre, au-dessus, pour le chant. Mais est-ce que c’est différent des droitiers, je ne sais pas, puisque je suis gaucher.
Mais ce que je vois, moi, te connaissant, connaissant John et d’autres musiciens gauchers, beaucoup de gauchers sont aussi capables de jouer à droite. Ce qui veut dire qu’ils développent plus d’aptitudes.
Marc : ça m’est arrivé à Wilmington aux USA, en plein concert, plus de son à la basse. J’ai demandé au bassiste de la première partie, qui était droitier. C’était un morceau de ska et c’est passé, sans réfléchir.
John : Quand j’ai commencé la batterie, je descendais chez mon voisin ; il avait une batterie et elle était à droite et il ne voulait pas trop que je la change.

Warrior Kids en 2014 . Photo webzine Skrutt
Et donc cela s’explique aussi par le fait qu’un gaucher est plus fréquemment en présence d’instruments pour droitiers, et donc, s’il veut jouer, il faut aussi qu’il s’entraine à jouer avec. C’est le fait d’être confronté plus souvent à la difficulté qui amène à l’affronter.
Marc : Et puis il y a le côté un peu fun, parce que c’est marrant d’y arriver, le côté un peu prouesse. Tu sais qu’il y a eu une étude qui montrait que les gauchers mourraient plus jeunes ; mais en fait l’étude était faussée parce que s’il y avait moins de gauchers dans les personnes plus âgées, c’était parce qu’en fait, avant, beaucoup de gauchers étaient contrariés et devenaient droitiers. Pour nos amis qui prônent les grandes démocraties communistes, en URSS, c’était interdit d’être gaucher. Et le mot gaucher garde un sens péjoratif. Et maintenant, à partir du prochain concert, sur certains morceaux nous avons un clavier (Guillaume) qui, lui aussi, est gaucher.
Ça ne se voit pas au piano. Il n’y a pas de piano pour gaucher (rires).
Marc : Non, mais il est aussi guitariste et joue sur une guitare pour gaucher. Et alors, (s’adressant à John) je ne sais pas comment tu fais, mais je suis vraiment gaucher et pourtant la souris est à droite et je n’y arrive pas à gauche.
John : Ouais, pareil, à droite.
C’est peut-être parce que la souris est arrivée plus tard dans ta vie et qu’elle était à droite et y est restée ?
John : Il y a plein de choses qui sont arrivés plus tard dans ma vie et… qui ne sont pas restées forcément à droite (Rires).
Elles sont restées du bon côté ?
John : Ça, tu peux le noter…
Est-ce que c’est mieux pour lire des mangas ?
Marc : J’en sais rien, je ne lis pas de mangas.

En concert à la Maison Hantée. Photo Dark Globe
Musicalement, récemment y a-t-il un groupe ou un événement qui t’a intéressé particulièrement ?
Marc : Là, quand je vois des gens qui s’excitent sur la reformation d’Oasis… ça ne me dit rien. Je ne supporte pas la pentatonique de Noel Gallagher. Je trouve qu’il joue comme un bourrin, ça ne me plait pas. Je préfère un groupe comme les Libertines, qui avaient un peu des histoires de dope, mais parfois des chansons à la Kinks. Et l’album de Pete Doherty avec Frédéric Lo, que je trouve vraiment bien. Ou parfois j’achète des groupes que j’ai raté à leur sortie et c’est bien de les découvrir après coup. Mais je suis plus sur un fond musical. Tu vois, l’autre jour, on parlait ensemble de Luke Haines, et le premier album de The Auteurs, je l’écoute régulièrement. Même s’il y a eu des virtuoses comme Bernard Butler, le premier guitariste de Suède, s’il y a eu Blur ou Oasis, cet album-là est, pour moi, largement au-dessus. Je les ai vus deux fois : à l’Espace Julien et au Rockstore à Montpellier. Mais là, ça date quand même…
Des années 90…
John : En « gros groupe », les Black Keys ; plus petit, les italiens de Giuda ; et groupe local : Sovox ! Mais il y en a plein d’autres, même si rien de nouveau.
Pas besoin d’être nouveau pour être bon.
Marc : Ce que je n’aime pas ce sont les groupes qui font une musique vraiment datée. Sans inventer les choses, il faut qu’il y ait quand même une certaine nouveauté. Si c’est pour faire du Lloyd Cole des années 80 (qui va passer à l’Espace Julien), je préfère écouter l’original. Ce que je regrette c’est quand on perd la spontanéité et que tu entends quelque chose qui sonne « vieux » alors que c’est nouveau. Par exemple sur Divine Comedy, que j’ai vu à l’Espace Julien à l’époque du second album, après, j’y arrive plus. Il y en a qui écoute encore ça…
Ah, moi, j’adore ça !
Marc : Je ne sais pas, j’ai perdu de vue. Peut-être qu’il faudrait que je m’y remette, mais il avait au début une certaine naïveté, tout en voulant faire quelque chose d’assez symphonique, qui me plaisait. Après est-ce que ça a encore un sens ? Si tu me le dis, faudra que je jette une oreille.

Carton Rouge (2003) lp de la reformation
Peut-être pas le dernier qui ne m’a pas plus, justement, parce qu’il était trop années 80. On sentait des influences trop nettes, trop présentes.
Marc : Après, quand tu me parles de musiques qui m’ont touché, même si c’est plus ancien, quand j’avais vu Will Hunting (le film) et découvert Elliott Smith, là, ça m’avait touché. Sa voix, ses reprises des Beatles.
Elliott Smith et Luke Haines, ce sont des voix fragiles…
Luke Haines c’est particulier. Quand tu composes, souvent tu accordes la tonalité du morceau en fonction de ta voix. Mais lui, parfois, il prend un morceau dans une tonalité tellement basse que tu as même du mal à l’entendre. Mais c’est ce qui fait son charme. Dans le second album de The Auteurs, sur « Lenny Valentino », cette voix grave du refrain… Et Elliott Smith c’est une fragilité dans les aigues. Mais sa vie est tragique, on ne sait même pas si ce n’est pas un meurtre (NDLR : la thèse du suicide est confortée par de précédentes tentatives, mais certains doutes subsistent par rapport à une éventuelle implication de sa compagne). Pour revenir à Luke Haines tu avais écouté Baader Meinhof ?
Oui, bien sûr.
Marc : C’était intéressant. Et ce que j’aimais dans The Auteurs c’est que par moment il y avait une démesure dans la guitare, comme sur l’album After Murder Park. La musique elle est aussi faite pour pousser les curseurs. En tout cas, le premier album est impeccable. Je me souviens, dans Rock & Folk, ils avaient dit que sur « Junk Shop Clothes » on entendait les plus belles guitares depuis Hunky Dory.
John : On prend encore des claques sur scène, mais dans l’écriture et la composition…
Marc : Et puis certaines musiques ont été tuées par la production. Par exemple dans les années 80, quand Springsteen sort Born in the USA, il n’y a que des tubes, mais pour moi, l’album est inécoutable. Avec ces claviers à la Toto et cette caisse claire qui voulait faire plus de bruit que les boites à rythmes… c’est inécoutable !
John : C’est le son qui ne nous va pas. C’est comme « Russian Roulette » …
Franchement, les Lords of the New Church, les deux albums, tu ne peux pas, le son est vraiment pourri…
John : Mais les morceaux…
Marc : Aussi bien pour les Lords que pour les 999 (groupe punk auquel on a pu reprocher un son trop clean), et là c’est le bassiste qui vous parle, quand tu mets une pédale de chorus sur la basse c’est « putassier de sa race » et c’est daté. Mais « Russian Roulette » c’est inécoutable alors que le morceau est extraordinaire.
Pour moi les Lords c’est la caricature ultime du son des années 80.
Marc : Il y a une musique pour laquelle, si je veux découvrir un artiste, je regarde systématiquement la date, c’est le reggae. Jusque dans les années 79/80 c’est un son que j’adore. Après ils ont commencé, eux aussi, à mettre des claviers à la Toto, claviers de m—e, et à mettre des batteries plus ou moins électroniques et là, ils ont tué l’âme ! Tu tues la poule aux œufs d’or et après tu veux quand même qu’elle continue à chier de l’or ! Enormément d’albums ont été tués par le son. Et après, quand tu écoutes Oasis et qu’il rentre avec sa Gibson et ses pentatoniques… c’est pas Steve Jones… et puis bon, je suis désolé, c’est bien fait… mais j’écoute Lennon, pas Liam. Et Blur, j’essaye aussi, mais je n’y arrive pas non plus. Pourtant il y a du talent, je le reconnais qu’il y a du talent… Mais au final, je vais taper dans les Kinks, dans les Who, les Stones.

Les Temps Pourris (2020)
Pendant ce temps, John gratte, sur une guitare acoustique de droitier, les accords de « Teenage Kicks ».
Marc : Il était bien ce concert des Undertones (le mois dernier au Makeda).
John : (s’adressant à moi) Tu sais le faire à gauche ça ?
Bien sûr que non, je ne sais rien faire à gauche.
Marc : Mais là, tu le joues à droite, ça je suis incapable de le faire. Par contre, je vais te les faire, mais à l’envers.
Marc prend la guitare et joue à l’envers…
Marc : Par contre elle est un peu fausse… ah non… L’autre jour je suis allé passer un test pour les oreilles et le docteur me dit : « dès que vous entendez un bruit vous appuyez sur le bip ». J’appuie sur le bip dès que je l’entends et je ressors avec le sourire. Il me regarde et il me dit : « Impeccable, vous êtes sourd des deux oreilles ! ».
Fin de cette interview d’un groupe avec deux (ou trois) gauchers, dont un sourd !
Discographie sélective :
1983 : Adolescent (45 tours) 1986 : Les Enfants de l’Espoir LP 2001 : Official Discography – 2xLP (Disagree) 2003 : Les Kids d’Estrangin (45 tours) 2003 : Carton Rouge – LP (Acrude) 2009 : A la Gloire des Losers – LP (Randale Records) 2012 : Warrior Kids Are Alright – Live USA/Canada 2012 – LP (Randale Records) 2020 : Les Temps Pourris – LP (Sunny Bastards)
A paraitre en 2025 : Ultras de Marseille (Longshot Music)
https://www.facebook.com/p/WARRIOR-KIDS-OFFICIAL-100063756632253/?locale=fr_FR

Dilettante de la musique, de l’écriture, de l’image et de la chemise à fleurs (ou à tête de mort). J’aime bien dire ce que je pense… et j’aime tout autant la mauvaise foi. Tout est question de dosage et de sujet.
Nathalie Cornand
Oï