Loading...
Disques

Arman Méliès/ Ambrosia

Dixième album pour Jean-Louis Fiévé alias Arman Méliès, pseudo issu de la rencontre du sculpteur néoréaliste Arman et de l’illusionniste pionnier du cinéma Georges Méliès.

Derrière le choix du pseudo, le ton est donné, l’homme est un explorateur, chercheur en émotions et espaces inconnus, malaxeur de sons et d’ambiances, un amoureux des voyages introspectifs.

Après des escapades allant du très sophistiqué au très électronique, avec une trilogie américaine en 2020 (albums Roden Crater,  Basquiat’s Black Kingdom puis  Laurel Canyon ) et un précédent opus japonisant en 2023 (Obaké ), Arman Méliès est de retour… et nous ramène à la grâce avec un superbe album Ambrosia dont tous les critiques qui y ont plongé une oreille sont ressortis envoûtés et dithyrambiques.

Une pochette magnifique signée Yan Orhan, créateur d’un grand nombre de pochettes d’anthologie, de M au dernier Françoise Hardy… en passant par de talentueux coups de cœur, Alexandre Varlet en tout premier lieu.

Entre naïveté primitive, bestiaire astrologique, cartomancie divinatoire, symboles ésotériques et peintures indiennes… en maître des illusions Méliès préside aux hasards de la destinée. Sous l’œil du corbeau, juché sur son sablier, qui attend patiemment que vienne l’heure où le temps de vie terrestre sera épuisé…

J’ai découvert Arman Méliès en 2005, évidemment par connexion avec qui vous savez ! Invité à construire l’agenda d’une semaine « Carte blanche » à la Cité de la Musique de la Villette à Paris, Bashung y avait ouvert la programmation à un certain nombre d’expérimentateurs de l’ombre, français et étrangers, dont Arman Méliès. Séduit par son univers et son imaginaire, Bashung allait même lui proposer de réenregistrer ensemble un de ses titres « Ivres », inclus sur la réédition de son album  Les tortures volontaires en 2006.

« Mais la nuit mes rêves ont des formes de théâtre sans décor / J’attends l’aurore / Libre la nuit mes rêves dérivent en ces lieux qu’on dit tranquilles / Qu’entendent-ils ? » 

Les deux hommes ont en commun le goût des choses de l’esprit, l’amour des guitares et des ambiances épurées qui lèvent leur voile sur des illusions qui embarquent et mystifient. Ils se recroiseront à plusieurs reprises et en 2008, Arman Méliès signera la musique de deux chansons pour  Bleu Pétrole, le dernier album studio d’Alain (« Tant de nuits » et « Vénus »), deux mélodies à l’atmosphère déjà « ambrosiaque ».

Et 17 ans plus tard, voici donc cet album au nom de nourriture divine, de celles qui conféraient l’immortalité aux dieux grecs. Le ton est donné, cet album est divin, c’est l’album du retour à ses recherches premières de ce monde onirique qui lui sied à merveille.

Méliès nous invite à un voyage poétique, une balade dans son univers féérique et fantasmagorique ; on l’imagine en Monsieur Loyal sous un chapiteau Magic Mirror peuplé d’illusions, élégant et sophistiqué, fascinant et magnétique !

L’album est peuplé de très belles et très fortes compositions musicales -guitare et banjo- avec une partition souvent mélancolique, à la fois exigeante et humble qui laisse la place aux textes, largement introspectifs, ciselés d’allégories allusives, se faisant l’expression d’un art poétique accompli. Une poésie élégiaque portée par des arrangements délicats, cordes et chœurs célestes de Pauline Denize, qui en soulignent élégamment le trait. Il y a dans Ambrosia l’expression du déclin d’une vie qui bascule, un regard doux sur le passé (sa jeunesse, son innocence) et l’évocation d’une nature opposée au fracas et pourtant tellement désespérée, avec plus de douleur que de violence. Le chant est magnifique, la voix d’Arman Méliès, patinée par le temps, apparaît brutalement écorchée, tendrement fatiguée. Serait-ce l’art perdu du bonheur ? L’art perdu de la vie ? Ou « l’art perdu du secret » enfin dépassé pour se référer au sommet précédent de son art, l’album IV paru en 2013 ?

« Requiem pour un pou » illustre parfaitement cette ambiance de spleen qui jalonne Ambrosia, entre espoir et désespoir, envie et lassitude. Le clip réalisé par Gaspard Royant -qui n’est définitivement pas qu’un Christmas singer de charme- habille le titre avec une belle dérision. Superbe !

Album 10 titres sorti le 7 mars 2025

Un album paru sous le label Bellevue Music fondé par David Bardt, qui compte dans son catalogue quelques belles références de la pop française comme Gaspard Royant (l’homme de la Northern Soul et des Christmas Songs dans la pure tradition américaine), Syd Matters (l’amoureux des Pink Floyd) ou encore le trio rock Howlin’ Jaws, dont on attend impatiemment le nouvel album cette année.

Il est encore tôt, mais gageons que cet album hypnotique devrait s’imposer dans les sélections de 2025. En tout cas dans la mienne oui. Chef d’œuvre absolu !

Laissez-vous emporter !

Photo © Yan Orhan – 2025

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.