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David Bowie / Toy

portrait david bowie
pochette de l'album Toy par David Bowie

Toy, la dernière production de David Bowie à paraitre (fin 2021 dans le coffret Brilliant Adventure et le 7 janvier en coffret simple) est un paradoxe intéressant.  L’album est une collection de 12 titres retravaillés que l’artiste britannique avait écrit, composés et interprétés sous diverses formations dans les années 60 avant de connaître le succès avec Space Oddity en 1969. Réenregistré, donc, en 2000, à la suite de son 22ème album, hours, probablement un des plus pop de l’artiste, Toy avait été refusé à l’époque par la maison de disque Virgin qui voulait du nouveau matériel et pas du réchauffé des sixties.

Pourtant, et le paradoxe se trouve là, Bowie n’a jamais été enclin à se retourner sur son passé. Preuve en est, jusqu’à ses dernières représentations scéniques au mitant des années 2000, il a toujours laissé une part importante dans ses concerts à ses titres les plus récents. On oubliera volontairement la tournée best of Sound & Vision en 1991 censée soutenir les rééditions de ses premiers albums alors qu’il était en pleine période de camouflage artistique avec son groupe Tin Machine. L’intérêt de cette nouvelle sortie, la veille de ce qui aurait été son 75ème anniversaire, reste cependant assez limitée. Les fans de Bowie connaissaient déjà la totalité de ces séances d’enregistrements, divulguée guère de temps après par un malicieux bootleg au mix plutôt rugueux. Certains disent même que, Bowie, vexé par le refus de sa maison de disque, aurait fait fuiter lui-même les bandes…

En dehors de cet aspect mercantile propre à tout artiste décédé qui laisse derrière lui un catalogue pléthorique, l’approche artistique de Bowie mérite un certain intérêt. Et pas uniquement de ses fans les plus hardcore. Le premier atout de Toy , et il n’est pas négligeable, c’est le retour derrière la console de Tony Visconti, producteur historique du Thin White Duke qui lui avait tourné le dos après l’avoir éconduit des sessions d’enregistrements de Let’s Dance en 1982. L’Américain, intimement lié à la star britannique, continuera d’ailleurs sa collaboration jusqu’à l’ultime Blackstar. Sa finesse et sa compréhension ultime de l’approche de Bowie se ressentent particulièrement ici. L’équipe de musiciens sélectionnés par Bowie est un subtil mélange entre celle de hours et Heathen qui paraîtra en 2002. D’ailleurs, quelques démos de cet album seront également intégrées au bootleg Toy, preuve en est que les deux productions ont été enregistrées quasi simultanément. Derrière Mark Plati à la direction musicale, Gail Ann Dorsey (basse), Sterling Campbell (batterie) et Mike Garson (piano) constituent le garde rapproché de Bowie auquel s’ajoute Earl Slick, l’excellent guitariste découvert dans le sublime Station To Station en 1976. Cette équipe, résolument rock et groovy, offre une couleur moderne et enjouée à des compositions datant de plus de 40 ans et qui ont longtemps été mal aimées par Bowie lui-même. Il avait notamment qualifié les paroles de certains titres comme étant « les pires lignes [qu’il ait] jamais écrites ».

Bowie et Slick

L’osmose parfaite entre les musiciens, qui revenaient de tournée pour soutenir hours et un sentiment de fraicheur intellectuelle et artistique ont été les clés de voute de ces enregistrements, comme le confirmait Earl Slick au magazine Rolling Stones dans une récente interview :  « Nous n’avons pas eu à réfléchir à la façon d’aborder les chansons. On avait un système d’exploitation, un système tacite. On ne parlait presque jamais de rien. On se regardait, ou David nous regardait, et ça arrivait tout seul. » « Si ma mémoire est bonne, nous n’avons pas vraiment passé beaucoup de temps à écouter les anciens morceaux. Je pense que la seule fois où nous avons écouté ces trucs, c’est quand il les a amenés en studio pour une écoute rapide. Je n’ai même pas écouté les vieux enregistrements. Je me suis dit : si nous voulons faire ce nouveau disque, je ne peux pas avoir l’ancien en tête. » Une période faste pour Bowie qui n’était alors pas loin de retrouver les plus hauts sommets qu’il avait atteint dans les années 70 avec Ziggy Stardust et Aladdin Sane. Vocalement irréprochable, ces douze titres regroupé sous Toy bénéficient de la maturité de l’artiste et de sa vision claire et sans à priori de son héritage musical.

D’ailleurs, vers la fin de sa vie, le Britannique n’hésitera plus à faire un bond dans le passé pour réarranger certains de ces titres qu’il pensait les plus faibles (« Loving The Alien », « I Can’t Read ») voire même à totalement les réenregistrer (la totalité de l’album Never Let Me Down) ou à évoquer sans détour son passé de Berlinois dans « Where Are We Now? » sur The Next Day en 2013.

Toy est sorti en version simple dans le coffret Brilliant Adventure en novembre dernier et fait l’objet d’une parution en coffret, ce 7 janvier, comportant deux titres inédits « Liza Jane » et « In The Heat Of The Morning » ainsi qu’une version mixée en acoustique des 12 titres originaux plus « In The Heat Of The Morning » en coffret de 3 cd. A noter que la couverture de cet album a été réalisée et choisie par David Bowie en personne. Elle n’est d’ailleurs pas sans rappeler le procédé graphique utilisé dans un de ses derniers clips, « Where Are We Now ? ».

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