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Disparition de Terry Hall, leader de The Specials: « Love, love, love » (forever)

« Les gens meurent, je n’y peux rien » répondait un Anthony Wilson résigné, quand on l’interrogeait sur le départ prématuré de ce bas monde de quelques uns des acteurs illustres de la scène de Manchester et Factory Records. La réponse pince sans rire était imparable. Quand elle dût s’appliquer à lui-même, je suppose que ce parfait gentleman ne trouva rien à y redire. Qu’y pouvons nous?

Mais Terry Hall vient de disparaître, lundi 19 décembre, à seulement soixante-trois ans. Et pour l’instant je ne m’y fais pas… The Specials furent parmi ceux qui m’inspirèrent, lorsque à la fin du lycée, en 1980, il devint impératif de former à mon tour un groupe qui s’apparenterait à ce qu’on appelait alors new wave. À ce moment là, l’impact du ska et de la soul du label Two Tones étaient aussi importants que celui des débuts de la « vague froide », cette cold wave venue d’Angleterre ainsi que nous la désignions en France. Très vite, je ne retins pas les avatars caricaturaux de cette dernière, pour n’en garder que les éléments essentiels (de Joy Division aux Bunnymen) lesquels faisaient surtout du rock différemment, mais du rock avant tout. Une culture est toujours plurielle, n’est-ce pas? Nous aimions ainsi la pop, le punk, la new wave et le ska londonien. The Specials représentaient le côté dansant, fédérateur et très stylé de ce qui nous intéressait. Enfin qui m’intéressait beaucoup, mais je vous assure que je n’étais pas le seul. Ils avaient ce look incroyable, bien sûr! Des costards trop courts, des petits chapeaux, des chelsea boots ou des creepers! Drôle de style vestimentaire qu’on détaillait sur les pochettes des deux disques de 1979 et 1980: Specials (en noir et blanc) et More Specials (toute en couleur). On y percevait cette idée d’un groupe de musique capable de créer une communauté, soit une belle promesse. J’écoutais « Too Much Too Young », « Ghost Town », « Do Nothing », « I Can’t Stand It », « Enjoy Yourself ». Je tentais quelques fois de m’habiller comme les musiciens et Terry. En combinant des trucs venus des Mods depuis les sixties à d’autres piqués chez les mancuniens plus austères de 1979. Tout ça donnait un mélange pas toujours réussi, mais qu’importe. Nous avions vingt ans. Est-on jamais sérieux quand on a vingt ans? A cause des Specials j’ai, par exemple, acheté mes premiers polos Fred Perry. On ne les trouvait pas facilement, mais ils ne coûtaient pas aussi cher qu’aujourd’hui. Une signature vestimentaire. Dans nos premiers locaux de répétition – puisque nous nous étions mis à la musique avec volonté -, nous ramenions de petits orgues électriques qui avaient un peu le son qu’on entendait sur les disques de ces musiciens merveilleux qui dansaient tout en jouant. Je m’essayais sur une mauvaise copie de Telecaster et laissais tomber celle de SG, parce qu’elle faisait trop rock progressif à mon goût… Des tas de souvenirs, évidemment. Dont on ne se défait jamais vraiment. Cette musique que nous avions commencé d’aimer, ne serait pas en dessous d’une autre dite savante, absurdité que nos professeurs avaient tenté de nous faire croire. C’était il y a très longtemps. Ils avaient tort. Nous avons affirmé le contraire.

Plus que jamais je me répète: « Enjoy yourself, it’s later than you think« . Cette phrase parmi les premières que tu écrivis, Terry Hall. Ce soir particulièrement. Tu permets que je te tutoie, Terry? Grand bonhomme nonchalant, mélancolique, je le sais, mais qui montra toujours l’envie de rester positif. Encore, en 2019, avait été le retour en grâce de l’utopie musicale des Specials, aventure artistique multiculturelle réussie de bout en bout. Protest Songs 1924-2012, l’année dernière, mettait en avant des standards engagés du répertoire de Léonard Cohen, Zappa, Talking Heads ou des Wailers avec « Get up, Stand up »et quelques autres. The Specials ont toujours eu une cause. Tu en étais la voix. Puis toutes choses dites et chantées, tu quittais la scène avec ces mots: « Love, love, love ».

Bon sang, Terry Hall… « We Have All The Time In The World »? John Barry a menti et Wilson disait une vérité qui passe mal. Rip.

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