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Disques

New Order / Lost Sirens

A force de patienter, de subir des délais aussi répétés que lassants, j’en étais presque arrivé à oublier que fin 2011, j’avais pré-commandé Lost Sirens de New Order : le plaisir d’attendre et l’impatience avaient eu le temps de s’essouffler et de retomber comme un soufflé. Lost Sirens, c’est un EP réunissant 8 morceaux enregistrés en 2005 par le groupe de Manchester. Ils auraient du être la base d’un nouvel album qui ne sortira jamais. La faute notamment au bassiste Peter Hook qui après avoir claqué la porte du groupe, déclenché une vendetta personnelle contre son pote de 45 ans, le chanteur Bernard Sumner, déclara avec beaucoup de classe : « I’m going to fuck over New Order in any way I can »… Ce qui correspondra entre autres à faire repousser plusieurs fois la sortie de Lost Sirens. Enfin après une annonce Twitter du même bassiste à l’automne, le ciel semblait s’être dégagé et une date définitive de sortie confirmée.

Entre New Order et moi, c’est, depuis plus d’une décennie, souvent un cycle de déceptions précédant un surprenant retour de flamme. Après le tout sauf excitant et inspiré album précédent Waiting for the Sirens Call, j’attendais donc ma revanche. Sauf que cette fois-ci, les premières impressions ne provoquent pas l’enthousiasme. Le morceau d’ouverture de Lost Sirens, « I’ll Stay With You » et « I’ve Got a Feeling » situé vers la fin du disque souffrent des mêmes défauts: des intros electros alléchantes balayées par des entrées de guitares agressives et des refrains pop tristement faciles et inoffensifs. Le pourtant très attendu « Sugarcane » (présenté à l’époque dans une interview vidéo par Hooky, et le batteur Stephen Morris comme le meilleur morceau des derniers enregistrements de New Order) ressemble à une resucée de « Guilt is a Useless Emotion » (présent sur l’album précédent) : poussive disco funky pour visages pâles à destination des dance floor seventies. Bernard Sumner s’imagine crooner sur « Recoil » à la manière d’un « Behind Closed Doors » (face B honteusement méconnue du mythique « Crystal ») sorti en 2001. Malheureusement, ce dernier était largement plus inspiré et subtil. Néanmoins, le long instrumental à la fin de « Recoil » lui offre tout de même un gage d’étrangeté. « Californian Grass » reste dans cette même veine, contemplatif et reposé, agréable mais par trop indolent, manquant de débordements ou d’excès pour devenir tout à fait excitant. Étrangement, c’est « Hellbent » (dont nous avions déjà parlé lors de son apparition sur la compilation Total) qui s’en tire le mieux sur l’album ; avec son côté borderline, excessif dans ses claviers, ses choeurs blacks, son énorme refrain fédérateur, c’est le ballon d’eau fraîche du disque. Dommage qu’il soit sorti depuis presque deux ans. « Shake It Up », quant à lui, passe directement la ligne rouge avec ses airs de bâtard disco punk WhatTheFuck, excessif à un point qu’il est difficile de ne pas sourire en l’écoutant voire même, plaisir coupable, de l’apprécier pour ce caractère monstrueux. « I Told You So » aussi présent sur Waiting for the Sirens Call mais dans une version electro reggae dub clôt finalement Lost Sirens en se réinventant de manière tout à fait maligne et révérencieuse façon Velvet Underground. Au final, plus que véritable orientation artistique, cette interprétation tiendra le rôle d’anecdote plaisante dans Lost Sirens.

Après avoir écouté ces huit titres, on comprend mieux la décision de Hooky d’envoyer chier ses anciens camarades de jeu et de faire travailler (avec pas mal de talent) la caisse enregistreuse en tournant avec le passé du groupe. Sur Lost Sirens, la basse, l’un des signes majeurs de reconnaissance du groupe depuis ses débuts, s’éclipse souvent en arrière plan sur la galette, simple gimmick musical ou noyée dans le mix. L’influence de Sumner contamine la majeure partie des morceaux qui auraient pu, sans aucune difficulté, figurer sur ses projets parallèles : les indolores et rarement très intéressants Electronic ou Bad Lieutenant. Pourtant la pop de New Order a longtemps eu ce côté déviant, ce je ne sais quoi qui tient de l’amateurisme éclairé, de l’expérimentation sous contrôle ou d’une architecture fragile et bringueballante qui savait transformer des morceaux basiques en immenses classiques et magnifiques chansons à l’émotion singulière. Tous ces paradoxes artistiques ainsi que le souffle de l’inspiration se sont estompés. On pourra toujours constater que la pop rock de Lost Sirens ne manque ni de talent ni de savoir-faire. D’un autre côté, le disque démontre aussi un manque d’inspiration et de fraîcheur flagrant.

En attendant, Bernard Sumner a affirmé vouloir travailler dès les premiers mois de 2013 sur un nouvel album de New Order mais sous influence electro cette fois-ci. Faut-il s’enthousiasmer ou s’en inquiéter? Avec Get Ready en 2001, on avait déjà assisté une première fois à la fantastique résurrection d‘un groupe que l’on imaginait fini, dépassé. Deux fois, ce sera peut-être trop en demander.

En écoute : « Hellbent »

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