Le retour annoncé depuis plusieurs mois du festival indie laissait planer des sentiments partagés. Envie, impatience, curiosité mais aussi interrogations sur une programmation très sélective, voulue loin des sentiers battus. Voici quelques instantanés et impressions ( en déroulé chronologique ) de la seconde journée de ce « retour » de TINALS qui, sous une chaleur écrasante , a fait la part belle à des challengers potentiels ou artistes émergents du rock indie. Tous ont bataillé avec la canicule, face à un public nombreux ( heureux de se retrouver) et de tous âges, assurant pour TINALS un come back sold out à six entrées près…
Pas question de tout voir, entendre, chroniquer, alors on choisit , guidé en partie par les conseils avisés d’ Olivier Boutry pilier de notre rédac – et en son attentive compagnie. On apprend avec lui, présent dès vendredi 27, que la soirée précédente était réussie avec The Murder Capital , que Death in Vegas restèrent par contre à coté de la plaque – selon plusieurs avis – et que John Maus et Enola Gay furent cools et/ ou efficaces dans leurs registres respectifs.

Vers 19h 30, Jan Verstraeten sur la petite scène Mosquito, est très méritant sous 40° même pas à l’ombre, portant masques interchangeables et maquillage de carnaval à la James Ensor. Set surréaliste , très visuel ( l’artiste est aussi peintre) , du belge de Gand , entre pop orchestrale et trip hop. Compositions abouties qui interpellent l’auditoire , avec mascotte géante ours rose qui déboule sur scène, inattendue. Ça le fait, quand bien même le flamand ne nous dit pas un traitre mot en français ( revanchard?), chose étonnante pour un artiste qui tourne des clips avenue Louise, Bruxelles… Une mention spéciale au violoniste pour ses ornements virtuoses.

Almost Monday. Grande scène extérieure Flamingo. Groupe US tonique de jeunes gens , loin de toutes tentations lugubres. Musicalement les américains dégagent un vrai fun, dans la tendance forte du rock actuel. On y entend aussi des reminiscences Stones « Start me up »( oui) ou INX’s eighties et Strokes, plus proches de nous dans le temps. Chanteur frontman au charisme dans le cadre idoine, avec chorégraphie classique, gestuelle des mains typique, glissées souvent dans une longue frange bouclée, puis chant poursuivi le corps tombé sur scène, en vrai rocker fauve. Sauf que là, n ‘est pas Morrison qui veut…Ça le fait néanmoins, on acquiesce parce qu’il n’y a pas la moindre once de « Teenage waste land » chez ces garçons libérés de tout pathos. Il y a de quoi progresser et du possible à venir. On part avant la fin pour raison de timing.

A.Savage. Patio étouffant. On se dit que le folk singer US basé en France, va avoir du mal à convaincre dans cette touffeur. Alors qu’on était venu avec un bon a priori, finalement on s’ennuie. Rien ne passe suffisamment. On a tout déjà entendu ailleurs, chez d’autres et les clips promos peuvent mettre en relief ce qui, en live, en manque un peu pense t- on. Mais ce n’est au fond ni le lieu ni l’heure d’un tel set acoustique monophonique. Ce seront les deux mesures d’indulgence accordées à cette prestation solo qui reste sans impact. Public bavard ( trop) majoritairement hors du coup.

DITZ. Grande scène extérieure. L’heure se prête mieux aux choses de l ‘art rock. Le post punk / noise du quintette de Brighton évoque spontanément The Fall, (essentiellement) ou Jesus Lizard pour le penchant noise. La batterie ( impeccable) rappelle celle(s) de PIL ltd période Metal Box ( séquences identiques à plusieurs moments – ce n’ est pas un mal et le copié-collé est une constante du rock recycleur comme de toutes les musiques) . Idem pour certaines guitares ( moins radicales toutefois que celles de Keith Levene), qui oscillent entre post punk tortueux et démonstrations de puissance avec fuzz maitrisée. Tout ceci fonctionne, à l’instar d’un jeu de basse très en avant, couplé à la batterie, les deux instruments posant toutes les structures des titres.

Question spectacle nous avons droit au frontman en robe, Cal Francis , chanteur provoc sans l’être: un jeu théâtral et distancé à la fois, avec stage diving d’entrée de bal et une ascension symbolique de la structure de scène . Il y a un projet artistique chez DITZ, qui se posent aux limites du rock, dans cette zone frontière où des noms illustres sont à jamais inscrits, tels Mark E Smith, John Cooper Clarke, David Yow… Ils me viennent sans chercher dans ce cas précis. Bémol : tout n ‘est- il qu’énergie , effets et postures dans cet art que nous aimons ( sans en être dupes) ? Au final, il se pourrait qu’il y ait un manque de chansons dans le programme des anglais: « mais DITZ ne veut peut être pas composer de chansons? » osai-je à mon camarade de la rédac qui me confie avoir vu le groupe, alors inconnu, il y a trois ans, à Manchester devant dix personnes. Pour mémoire, il y en avait quarante devant les Pistols en juin 1976, dans la même ville, invités par les Buzzcocks et ils ont fait l’histoire…etc etc…Que feront DITZ avec déjà deux lps dans les bacs? A suivre.

Fantasy of a broken heart ( US), 22h50 grande salle. Clim bienvenue. Assis au balcon nous écoutons le set qui parait , peut être subjectivement, le meilleur des cinq suivis avec attention jusqu’alors. Mélodique, pop rock , culture Côte Est savante , évocatrice d’espaces musicaux qui s’ouvrent, se défilent et peuvent soudainement se refermer, telle est la musique d’une formation qui m ‘était inconnue. Le binôme leader en front de scène, masculin / féminin , se répond par voix et guitares pertinentes. Groupe quintette inspiré avec très belle basse Gibson ( qui change du son des Fender archi entendues) et un batteur virtuose ( ça fait plaisir) capable de prouesses. Sonorisation en salle fort moyenne, mais Fantasy sont la meilleure impression de la soirée avec celle de Jan Verstraeten en ouverture.

Kadavar. Danemark psyché rentre dedans. Un peu avant minuit. Exterieur. Entendus cinq minutes. Sans doute un gros coup. Mais j’en avais parlé ( en bien).
N.B : vus de loin les français de Spill Tab ( Au Bonheur des Dames version 2025?); Mrcy soul/funk made in UK ( écoutés brièvement ). Pas vus du tout, six ou sept autres… Enfin on notera la jeunesse de tous ces artistes ( beaucoup de moins de trente ans), qui posent transversalement une question : le rock se renouvelle t-il ou se régénère t- il , puisant aujourd’hui dans une discothèque de plus de soixante dix ans? Ce qui est joué a changé en une dizaine d’années. Les decennies mesurent le temps du rock et TINALS vient d’en montrer un nouvel épisode ou moment…

Peintre et guitariste, adepte de Telecaster Custom et d’amplis Fender. Né en 1962 – avant l’invention du monde virtuel – pense que la critique musicale peut-être un genre littéraire, objet idéal pour un débat en fauteuil club millésimé.